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Assurance vie en eurosLes réserves sont bien garnies

Les fonds en euros sont-ils risqués ? La question taraude des millions d’assurés, inquiets du discours alarmant que diffusent depuis des mois les pouvoirs publics et les assureurs sur la solidité de ces supports en cas de forte remontée des taux obligataires. L’étude que vient de publier le site Good value for money (GVFM), une structure d’analyse indépendante du marché de l’assurance vie, devrait les rassurer : les provisions des compagnies sont au plus haut !

En donnant au Haut conseil de stabilité financière (HCSF) la possibilité de suspendre temporairement une opération de retrait en cas de risques pesant sur la stabilité du système financier, la loi Sapin 2 qui vient d’être promulguée a semé un vent de panique et poussé nombre de détenteurs de fonds en euros à céder au discours commercial des bancassureurs qui les incitent depuis des mois à injecter davantage d’unités de compte (UC) dans leur contrat. Pourtant, rappelons-le, si les supports en UC, investis en actions ou en immobilier, offrent un potentiel de rendement plus important que les fonds en euros, c’est au prix d’une prise de risque totale : contrairement à ce qui prévaut pour les fonds en euros, les assureurs ne garantissent pas les sommes placées sur ces UC. Elles suivent à la hausse comme à la baisse leurs marchés de référence.

Le prix de la garantie

Majoritairement investis en obligations d’État, les fonds en euros relèvent, eux, d’un fonctionnement bien différent. Le montant de leurs garanties, exprimées en euros (d’où leur nom), est la contrepartie des primes versées par l’assuré. Ces sommes constituent une dette pour l’assureur. Il est dans l’obligation légale de pouvoir faire face à cet engagement à tout moment, en versant à l’assuré, lorsqu’il le demande, (d’où le terme de « rachat »), son capital majoré d’un rendement annuel définitivement acquis (effet cliquet).

Cette contrainte pousse les assureurs à constituer diverses provisions. L’étude de Good value for money porte sur quatre d’entre elles, les plus significatives : la provision pour participation aux bénéfices (PPB) ; la réserve de capitalisation ; les plus-values latentes immobilières et les plus-values latentes actions (voir encadré ci-dessous).

« Nous avons évalué la situation financière des compagnies à fin 2015 en passant au crible  les fonds en euros de 53 assureurs pesant 1 598 milliards d’euros d’encours soit 99 % du marché », précise Cyrille Chartier-Kastler, fondateur de Good value for money. Et force est de constater qu’au regard de ces chiffres qui retracent l’évolution de ces diverses réserves sur quatre ans, il n’y a apparemment pas péril en la demeure !

Réserves au top

Les dotations les plus significatives concernent les PPB (provisions pour participation aux bénéfices). Alimentées par les surplus de bénéfices financiers engrangés lorsque les marchés sont bien orientés et redistribuées aux assurés dans les huit années qui suivent leur constitution, les provisions pour participation aux bénéfices représentaient fin 2015 l’équivalent de 2,62 % de rendement mis en réserve. Soit, en d’autres termes, 2,62 % des encours sous gestion. À titre de comparaison, ce taux était de 1,43 % en 2012. « Cette forte hausse est notamment due aux importants provisionnements réalisés l’an passé par Prédica (compagnie du Crédit agricole), CNP Assurances et BNP Paribas Cardif. À eux seuls, ces trois poids lourds ont mis en réserve 4,43 milliards d’euros, soit plus de la moitié des dotations de l’ensemble du marché qui ont atteint 8,8 milliards d’euros fin 2015 », indique Cyrille Chartier-Kastler. L’expert table pour 2016 sur une PBB stabilisée aux alentours de 2,8 % à 2,9 %.

La  progression est nettement moins spectaculaire pour la réserve de capitalisation : 1,23 % de réserve de rendement fin 2015, contre 1,17 % quatre ans plus tôt. Elle est en revanche bien marquée pour les plus-values latentes immobilières (15,4 milliards d’euros enregistrés fin 2015, soit une réserve de rendement de 1,17 % en hausse de 19 % par rapport à 2012) et les plus-values latentes actions (27,7 milliards d’euros, soit un taux de 2,10 % contre… 0,30 % en 2012). « Si l’on cumule ces quatre postes, on constate  que depuis 2012,  les provisions  globales des assureurs ont pratiquement doublé, passant de 3,87 % à 7,1 % de réserve de rendement », conclut Cyrille Chartier-Kastler. De quoi mettre du baume au cœur des assurés. Et les pousser à réfléchir à deux fois avant de se précipiter sur les UC !

Les mots pour comprendre

La provision pour participation aux bénéfices (PPB)

Toute compagnie doit reverser à ses assurés au moins 90 % des bénéfices techniques et 85 % des bénéfices financiers générés par la gestion des fonds en euros. Cette participation au bénéfice (PB) peut être distribuée chaque année ou mise en réserve dans une provision pour participation aux bénéfices (PPB) que les assureurs doivent restituer aux assurés dans un délai maximum de 8 ans.

La réserve de capitalisation

Alimentée par les plus-values réalisées lors de la cession d’obligations, cette provision technique a pour objet d’absorber d’éventuels chocs obligataires. Comme la PPB, elle appartient aux assurés, mais elle ne contribue pas directement au rendement du fonds en euros.

Les plus-values latentes immobilières et actions

Il s’agit des plus-values potentielles des différents actifs immobiliers et actions présents dans les portefeuilles que les assureurs gèrent au titre de leurs fonds en euros.

À noter, en cas de crise financière, une provision pour dépréciation durable (PDD) sera constituée si la valeur de marché d’un actif du fonds en euros est durablement inférieure à sa valeur au bilan (baisse de plus de 20 % – ou 30 % en période de forte volatilité des marchés – pendant au moins 6 mois). Et si, après calcul de la PDD, la valeur de réalisation de l’ensemble des actifs non obligataires du portefeuille se retrouve en moins-value, une provision pour risque d’exigibilité (PRE) doit être enclenchée.
Laurence Delain-David

Laurence Delain-David

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