Assurance emprunteurUne plaignante gagne en appel
Après avoir perdu en première instance, une cliente à qui sa banque avait refusé sa demande de changement d’assurance emprunteur a finalement obtenu gain de cause en appel. Un espoir de plus pour les assurés.
L’affaire opposait une cliente au groupe CIC Nord-Ouest aux assurances du Crédit mutuel (ACM). Ayant souscrit un emprunt immobilier en 2010, celle-ci avait accepté l’assurance emprunteur de la banque. Ayant trouvé moins cher ailleurs, elle avait demandé en 2012 à résilier son assurance ACM pour la remplacer par une assurance équivalente proposée par la Macif. Le CIC avait refusé, arguant du fait que le contrat n’était pas résiliable. En première instance, le tribunal de grande instance de Lille (59) avait donné raison à la banque. Mais la cour d’appel de Douai (1), elle, a suivi les arguments de la plaignante, avec des attendus sans équivoque.
Pour sa défense, le CIC invoquait le code des assurances. Son article L. 113-12 dispose que les droits de résiliation à échéance annuelle « ne sont pas applicables aux assurances sur la vie ». La cliente avait souscrit une assurance emprunteur classique, invalidité-incapacité-décès. Pour le CIC, l’article L. 113-12 s’applique dans la mesure où il est question de décès. Pas du tout, tranche la cour d’appel. « Les contrats d’assurance emprunteur qui garantissent, outre le risque décès, divers autres risques tel l’incapacité temporaire de travail ou l’invalidité, ont un caractère mixte et ne relèvent pas du régime des assurances sur la vie », ce qui fait qu’ils peuvent être résiliés chaque année, comme une multirisque habitation ou une assurance auto.
Le CIC invoquait aussi la loi Hamon. Votée en mars 2014, celle-ci dit qu’une assurance emprunteur peut être résiliée dans les douze mois suivant la souscription, pas plus tard. En l’espèce, la loi Hamon va donc dans le sens des intérêts de la banque, puisque la cliente a demandé à résilier deux ans après le début des remboursements. Réponse de la cour d’appel de Douai : l’entrée en vigueur de la loi Hamon en juillet 2014 « ne signifie pas que cette faculté de résiliation n’existait pas antérieurement à sa publication ». L’arrêt va donc au-delà de la loi Hamon qui donne seulement douze mois au client pour résilier son assurance.
Personne au CIC n’était disponible pour nous dire si la banque irait ou non en cassation. Elle le fera probablement. La Cour de cassation doit aussi se prononcer début 2016 sur une décision de la cour d’appel de Bordeaux de mars 2015 qui, elle aussi, avait affirmé que l’assurance emprunteur était résiliable à chaque échéance annuelle. L’affaire est importante pour les consommateurs. Pour un emprunt immobilier, l’enjeu peut se chiffrer, en fonction des cas, en centaines voire en milliers d’euros.
Assurance emprunteur - Résumé des épisodes précédents
Il est solidement établi depuis plus de dix ans que les assurances que les banques placent à leurs clients quand ces derniers souscrivent un emprunt sont nettement plus chères que les offres alternatives que pourraient proposer, par exemple, la Macif et la Maif. Les pouvoirs publics tentent de régler le problème depuis 2008, sans succès.
2008. La loi du 3 janvier « pour le développement de la concurrence au service des consommateurs » introduit une disposition selon laquelle l’offre de crédit doit mentionner que l’emprunteur peut souscrire auprès de l’assureur de son choix une assurance équivalente à celle de la banque. Rien ne bouge.
Septembre 2010. La loi Lagarde, du nom de la ministre de l’Économie Christine Lagarde, pose le principe que les établissements de crédit ne peuvent pas refuser une assurance choisie par le client, à garanties équivalentes. Le texte, hélas, ne prévoit pas de sanction en cas de manquement. Il repose entièrement sur la bonne volonté des banques, ce qui permet de vérifier qu’elle est inexistante en la matière. Les taux d’intérêt étant historiquement bas, c’est sur l’assurance emprunteur que les marges se font, et non sur le prêt lui-même. Le gouvernement demande en fait aux banques de renoncer par déontologie à des milliards d’euros de bénéfices. La loi Lagarde reste inopérante.
Juillet 2013. La loi bancaire renforce les obligations d’information des banques en ce qui concerne l’assurance emprunteur, sans effet notable sur le marché.
Février 2014. Les enquêteurs de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) sont enfin habilités à diligenter des « clients-mystères » dans le cadre de leurs enquêtes. Une occasion – ratée à ce jour – de vérifier comment les banques s’y prennent pour dissuader les clients de faire jouer la concurrence en matière d’assurance emprunteur.
Juillet 2014. Entrée en vigueur de la loi Hamon, du nom du secrétaire d’État à la consommation Benoît Hamon. Prenant acte de ce que les banques sont en position de force pour imposer leur assurance au moment de la négociation du prêt, le texte, voté en mars de la même année, laisse au consommateur douze mois après la signature pour changer d’assureur sans que la banque puisse s’y opposer, toujours à garanties équivalentes.
Printemps 2015. Des dizaines de témoignages montrent que les banques, une fois encore, ne jouent pas le jeu et vident insidieusement la loi Hamon de son contenu, en refusant les assurances alternatives sous de multiples prétextes. Parallèlement, elles protestent vigoureusement de leur bonne foi au Comité consultatif du secteur financier (CCSF), instance de concertation dépendant du ministère de l’Économie…
Octobre 2015. Des décrets promulgués en avril, censés faciliter la délégation d’assurance emprunteur, entrent en vigueur. Ils définissent en particulier une fiche standardisée d’information, ainsi que le processus d’échange d’information entre la banque et l’assureur délégué. La fiche standardisée doit empêcher les manœuvres d’obstruction des banques. Elle contient cinq éléments : la définition et la description des garanties, les garanties minimales exigées par le prêteur pour l’octroi du prêt immobilier, le choix de garanties par l’emprunteur et la part de capital assuré, le tarif personnalisé et le rappel de la possibilité de substitution.
(1) Cour d’appel de Douai, 3e chambre, 17/09/2015. N° minute 15/637, N° RG 14/01655.