Élisa Oudin
Condamnation encourageante d’un assureur et d’un prêteur
L’affaire de la participation aux bénéfices dans le cadre de l’assurance emprunteur est relancée ! La cour d’appel de Paris a reconnu, dans un arrêt du 17 mai 2016, CNP Assurance et l’établissement de crédit Cofidis coupables de s’être partagé mutuellement l’intégralité des bénéfices techniques issus des assurances emprunteur au détriment des assurés. L’UFC-Que Choisir, qui a initié à partir de 2007 plusieurs procédures dans cette affaire, a perçu 10 000 euros au titre de l’indemnisation des consommateurs.
L’assurance-emprunteur est systématiquement exigée par le prêteur dès lors qu’un consommateur souscrit un crédit immobilier. Elle couvre les risques de remboursement en cas de décès, incapacité et/ou invalidité de l’emprunteur. Or un article du code des assurances (article L. 331-3) prévoit expressément une participation aux bénéfices techniques et financiers pour les assurés ayant souscrit un contrat d’assurance sur la vie, complété ou non par des garanties d’invalidité et/ou d’incapacité. Or les assureurs et banquiers ne se sont jamais conformés à cet article en matière d’assurance emprunteur, comme l’a dénoncé l’UFC-Que Choisir dès 2007. Le Conseil d’État a donné raison aux consommateurs le 23 juillet 2012 en déclarant illégal un article du code qui excluait les assurances emprunteurs de la participation aux bénéfices. Pour autant, la Fédération française des sociétés d’assurance (FFSA) et l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) qui surveille notamment les assureurs ont estimé que les professionnels ne peuvent verser individuellement de participation car le risque est partagé globalement. Reprenant ce point de vue, le TGI de Paris a rejeté en 2014 les demandes des consommateurs. La nouvelle condamnation de CNP et de Cofidis par la cour d’appel de Paris le 17 mai 2016 (susceptible de faire l'objet d'un pourvoi en cassation) constitue donc une victoire pour ces derniers, qui demeure cependant symbolique.
Les pouvoirs publics doivent prendre position
En effet, on pourrait légitiment penser que les consommateurs ayant souscrit une assurance emprunteur dans le cadre d’un prêt immobilier recevront bientôt une participation aux bénéfices. Or, malgré la condamnation des deux établissements financiers par la cour d’appel, rien n’est garanti ! Car curieusement, la cour d’appel a, dans cette même décision, refusé d’indemniser les clients particuliers en estimant, elle aussi, qu’il n’existe pas de droit individuel à participation aux bénéfices dans le cadre du contrat collectif souscrit par la banque pour les emprunteurs.
On se trouve ainsi devant une situation totalement insoluble : l’assureur et la banque doivent reverser la participation aux bénéfices. Mais à qui, si ce n’est pas aux emprunteurs particuliers ? Comme le résume l’UFC-Que Choisir, les pouvoirs publics doivent intervenir pour clarifier ce débat : « La question est maintenant de savoir si les autorités, qui ont soutenu les pratiques des assureurs et banquiers et fait montre de bien peu d’intérêt s’agissant des droits des assureurs emprunteurs, vont enfin prendre les mesures nécessaires pour un droit effectif à la participation aux bénéfices des assurés ».