Morgan Bourven
L’étiquette énergie annulée par le tribunal de l’Union européenne
Le tribunal de l’Union européenne, saisi par le fabricant Dyson, a annulé le règlement sur l’étiquetage énergétique des aspirateurs. Motif de ce revirement : les tests qui classent les appareils de A+++ à D ne reflètent pas les conditions réelles d’utilisation.
Mise à jour du vendredi 25 janvier 2019
La Commission européenne, qui avait jusqu’au 19 janvier pour le faire, a décidé de ne pas faire appel de la décision. Le règlement sur l’étiquetage énergétique des aspirateurs traîneaux est donc annulé. Dans l’attente d’une révision de l’étiquette énergie, qui doit intervenir entre 2021 et 2025 pour les aspirateurs, la société Dyson va donc retirer cette étiquette de ses aspirateurs traîneaux. En parallèle, elle va former ses vendeurs afin qu’ils « expliquent aux consommateurs pourquoi on a décidé de ne pas garder l’étiquette énergie », a annoncé la marque à Que Choisir. « Libre aux autres fabricants de garder ou d’enlever l’étiquette sur leurs produits », précise Dyson.
Le Dieselgate, qui a ébranlé l’industrie automobile allemande, a montré que les normes officielles, qui servent notamment à calculer la consommation énergétique des produits, sont parfois bien loin de refléter l’usage des appareils au quotidien. Les aspirateurs sont un autre exemple de ce problème.
Dans un arrêt du 8 novembre, le tribunal de l’Union européenne (UE) a annulé le règlement sur l’étiquetage énergétique des aspirateurs. Pour rappel, cet étiquetage, qui classe les appareils de A+++ à D, vise à informer les consommateurs du niveau d’efficacité énergétique et des performances de nettoyage de l’aspirateur. Or, le règlement ne prévoit pas de tester les appareils avec le réservoir à poussière rempli, ce qui fait dire au tribunal que « les tests d’efficacité énergétique d’aspirateurs effectués avec un réservoir vide ne reflètent pas des conditions aussi proches que possible des conditions réelles d’utilisation ».
Le tribunal avait été saisi en 2015 par la société Dyson. Elle estimait « que pour représenter l’utilisation effective d’un produit par le consommateur, les performances devaient être testées dans des conditions réelles – avec de la poussière ». Dans une première décision du 11 novembre 2015, le tribunal a débouté le fabricant en affirmant que les tests avec réservoir rempli n’étaient pas fiables ou reproductibles. Dyson a fait appel en mettant en avant le fait qu’un protocole de test avec poussière a été conçu par la Commission électrotechnique internationale (IEC), une organisation internationale de normalisation. Notons au passage que le protocole de test d’aspirateurs suivi par Que Choisir inclut des essais avec des sacs ou réservoirs chargés de poussière.
Dans son jugement en appel, la Cour de justice de l’Union européenne a donné raison à Dyson et renvoyé l’affaire devant le tribunal de l’UE pour révision. Dans son second jugement, le tribunal a cette fois noté que la directive européenne ayant accouché de l’étiquette énergie prévoit une information au consommateur sur la consommation d’énergie « pendant l’utilisation » et qu’une méthode de calcul fondée sur un réservoir vide va à l’encontre de cet objectif.
Le tribunal, considérant que la Commission « a méconnu un élément essentiel de la directive », a donc choisi d’annuler le règlement sur l’étiquetage énergétique. Celui-ci restera au minimum en vigueur pendant 2 mois et 10 jours, période durant laquelle la Commission européenne a la possibilité de faire appel.
Dans un communiqué, Dyson s’est largement félicité de cette victoire. « Les tests en laboratoire pour l’étiquette énergie ne représentent pas l’utilisation réelle, alors que la législation de l’Union européenne l’exige ; et l’étiquetage UE est discriminatoire de façon flagrante vis-à-vis d’une technologie particulière – la technologie cyclonique brevetée par Dyson. En bénéficiaient les fabricants traditionnels, principalement allemands, qui ont fait du lobbying auprès de hauts fonctionnaires de la Commission et ont ensuite pleinement profité commercialement de la réglementation », écrit la société.
Car si Dyson a décidé de porter l’affaire en justice, ce n’est pas uniquement dans l’intérêt des consommateurs. La société assure en effet que sa technologie « cyclonique » évite la perte d’aspiration que connaissent les aspirateurs utilisant des sacs et des filtres, qui peuvent être progressivement obstrués par la poussière. Dans sa forme actuelle, l’étiquetage « désavantage la technologie Dyson qui réalise des performances élevées et constantes » et oriente les consommateurs « vers les mauvais produits », écrit la marque.
L’étiquette énergie critiquée
Si la Commission européenne ne fait pas appel, et que le règlement est annulé, reste à savoir quelle sera la position de la Commission : suppression de l’étiquetage ou révision du protocole ? Cette décision du tribunal de l’UE intervient alors que le Parlement européen a adopté, le 13 juin 2017, des mesures de simplification de l’étiquette énergie pour les appareils électroménagers. Cette révision devait intervenir entre 2021 et 2025 pour les aspirateurs.
En tout état de cause, le problème soulevé par Dyson sur les aspirateurs s’applique également à d’autres produits. Que Choisir a ainsi testé la consommation électrique de réfrigérateurs combinés en simulant une utilisation quotidienne réaliste. Les écarts avec les données déclarées par les fabricants sont importants, preuve du manque de pertinence de la norme officielle. Les résultats de nos tests en laboratoire de climatiseurs mobiles monoblocs montrent également que les fabricants ont tendance à utiliser la norme de calcul de l’efficacité des appareils à leur avantage, afin que leurs modèles s’affichent dans les meilleures classes énergétiques. En se contentant de simplifier les classes de l’étiquette énergie, le Parlement européen risque donc de passer à côté de son problème principal : sa pertinence limitée.