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AristophilLe temps des perquisitions

La société Aristophil, spécialisée dans l’investissement dans des lettres et manuscrits anciens, a été visitée par les enquêteurs de la brigade financière. 

C’est le site Internet du magazine Le Point qui a annoncé le 18 novembre que la brigade financière avait mené des perquisitions au Musée des lettres et manuscrits, siège parisien de la société Aristophil, ainsi qu'au domicile de son dirigeant, Gérard Lhéritier. Selon le magazine, les enquêteurs auraient également perquisitionné chez un libraire qui collaborait régulièrement avec Aristophil.

Le site Internet du musée était fermé mercredi matin. Les collections auraient été saisies.

Cette perquisition portera probablement un coût fatal à une société contre laquelle Que Choisir a mis en garde dès 2011. Il n'y avait guère de mérite à le faire. La simple lecture des brochures commerciales et des résultats financiers d'Aristophil suffisait à mettre en alerte les éventuels clients. Depuis plusieurs années, Aristophil est censé dégager une marge nette annuelle de 20 %, ce qui est tout simplement extraordinaire. L'enquête devrait maintenant déterminer s'il ne s'agissait pas d’un montage de type « pyramidal » où l’argent des nouveaux investisseurs finance les gains des investisseurs plus anciens.

Enquête en Belgique pour escroquerie et blanchiment

La police belge, qui travaillait également sur Aristophil depuis 2012, était parvenue à cette conclusion il y a quelques mois, et avait transmis des conclusions sévères à la justice. Un élément suspect au moins avait laissé des traces écrites : Aristophil s'était engagé par écrit auprès de certains clients belges importants à leur verser 8 % de dividendes annuels. Ces engagements étaient étranges en eux-mêmes. Comment connaître à l'avance l'évolution d'un produit spéculatif ? Beaucoup plus grave, ils ne figuraient pas à la comptabilité d'Aristophil, alors qu'ils s'apparentaient techniquement à des dettes. En résumé, selon les enquêteurs belges, les comptes d'Aristophil étaient faux.

En France, l'Autorité des marchés financiers (AMF) avait relevé des anomalies du même ordre dès 2008. Elle avait tiré la sonnette d'alarme via un communiqué avant de faire marche arrière. Formellement, l'activité d'Aristophil n'était pas du ressort de l'AMF, car la société ne proposait pas exactement des placements.

Il n'en reste pas moins dommage, pour employer un euphémisme, que la justice ne se soit pas penchée plus tôt sur le cas singulier d'Aristophil. Que Choisir a transmis des éléments très concrets à la Direction générale de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF) voilà près de deux ans. Des hauts fonctionnaires de la Direction du patrimoine sont passés outre leur devoir de réserve en 2013 pour nous faire part de leurs inquiétudes. Ils avaient les plus grands doutes quant au sérieux d'Aristophil et craignaient pour les manuscrits achetés par Gérard Lhéritier, sponsor officiel de la Bibliothèque nationale.

Réaction tardive

Sans l'enquête belge, il est permis de se demander combien de temps les pouvoirs publics français auraient attendu avant de réagir. Sans parler d'un certain nombre de médias, qui n'ont pas été avares d'articles élogieux sur Aristophil. À commencer par Le Point ! En 2011, alors que l'AMF avait déjà donné l'alerte, le magazine parrainait une exposition Romain Gary au Musée des lettres et manuscrits, avec diffusion d'un numéro spécial du Point (l'exposition était d'ailleurs basée sur des documents qui n'appartenaient pas au musée, et qui ont donné lieu à une sévère bataille juridique). Début octobre 2014 encore, Franz-Olivier Giesbert, éditorialiste au Point participait à des « Journées européennes des lettres et manuscrits » organisées par Aristophil à des fins promotionnelles... Quelques jours avant l'événement, Que Choisir avait pris l'initiative – infructueuse – d'alerter le secrétariat de Valéry Giscard d'Estaing, qui devait se voir remettre une distinction honorifique à cette occasion. Fin septembre, la question n'était plus de savoir si Aristophil allait au-devant d'ennuis judiciaires, mais de savoir si ces ennuis viendraient de France ou de Belgique.

Nous avions enfin alerté à plusieurs reprises Finestim, distributeur exclusif des produits Aristophil, sans succès. Il y a quelques jours encore, ses commerciaux proposaient aux particuliers de nouveaux investissements, dans de nouvelles indivisions. Et cela, alors qu'Aristophil n'avait toujours pas publié ses comptes 2013 ! 

Il y a malheureusement lieu de craindre que les particuliers qui ont fait confiance au tandem Finestim-Aristophil ne récupèreront pas intégralement leur mise. Expert indépendant de renommée internationale qui vient d’être nommé président de la Compagnie nationale des experts en œuvres d’art, Frédéric Castaing dit depuis des années qu'Aristophil surestime ses manuscrits. Les indivisions valorisées 10 ou 20 millions d'euros ne les valent pas. Et elles les vaudront encore moins si le fonds Aristophil est bradé en urgence pour dédommager les investisseurs. Ils seraient entre 15 000 et 20 000. Le Point les qualifie de contribuables « aisés ». Nous n'avons pas dû rencontrer les mêmes.

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