Elsa Casalegno
Appellation alimentaireUn "fermier" à protéger
Le terme « fermier » n’ayant pas de définition réglementaire, il est parfois utilisé de façon abusive. Le syndicat agricole Confédération paysanne appelle à protéger son utilisation.
La start-up Les Nouveaux Fermiers, qui s’est lancée en septembre à grands renforts de communication, a agacé les syndicats agricoles à triple titre : tout d’abord parce qu’elle propose des substituts végétaux à la viande en jouant sur les dénominations utilisées usuellement pour les produits carnés ; ensuite parce que l’un de ses financeurs est engagé auprès de mouvements prônant la fin de l’élevage ; enfin parce que son nom même joue sur l’image du produit fermier, alors qu’il est apposé sur des aliments transformés.
Pas de définition réglementaire
La Confédération paysanne a donc décidé de déposer plainte pour « délit de tromperie et pratiques commerciales trompeuses » contre l’entreprise. Le syndicat cible dans cette procédure l’utilisation du mot « fermier », qu’elle estime de nature à induire le consommateur en erreur.
Ce qualificatif, de même que les termes « produit de la ferme » et « produit à la ferme » sont des « mentions valorisantes », à l’instar des labels, et leur utilisation est encadrée par décret (1). Mais il n’existe pas de définition réglementaire applicable à tous les produits fermiers. « En l’absence d’un décret général, ce qualificatif et ces mentions ne peuvent être employés aujourd’hui que dans les conditions prévues par la réglementation » française ou européenne, explique la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Ce qui comprend uniquement les viandes de volailles, les œufs de poules et les fromages (2). Les Labels rouges en volailles, porcs et gros bovins intègrent également des critères d’utilisation de ces termes, de même que le code des usages de la charcuterie-salaison.
La jurisprudence exige des méthodes de fabrication traditionnelles
La Confédération paysanne compte s’appuyer sur la jurisprudence pour faire valoir sa plainte, en particulier sur une décision du Conseil d’État de 2015 (3) qui considère que « la mention valorisante "fermier" évoque, dans l'esprit de l'acheteur ou du consommateur, une élaboration du produit, à ses différents stades, sous la responsabilité directe de l'exploitant, selon des méthodes excluant les techniques de production à caractère industriel ».
La DGCCRF considère pour sa part que, toujours selon la jurisprudence, l’emploi de ces termes « ferme » ou « fermier » dans une dénomination sociale, une marque commerciale ou dans la présentation d’un produit alimentaire « implique l’existence d’un circuit intégré à la ferme ». Ainsi, les préparations doivent être réalisées « suivant des méthodes de production traditionnelles (exclusion de tout processus industriel) avec des ingrédients provenant principalement de l’exploitation ». On est loin de la fabrication en usine des nuggets, aiguillettes et steaks végétaux proposés par la start-up Les Nouveaux Fermiers…
(1) Articles L. 640-2 et suivants du Code rural.
(2) Un fromage fermier peut être affiné hors de la ferme, à condition d’en informer le consommateur. En revanche, le lait doit provenir du troupeau, et la transformation être réalisée à la ferme.
(3) Décision n° 374602 du 17 avril 2015.