Perrine Vennetier
AntidépresseursLesquels font le plus grossir ?
Une nouvelle étude a classé les différents médicaments contre la dépression selon la prise de poids qu’ils provoquent. Ces données, tirées de dossiers médicaux en ligne, permettent de mieux cerner l’ampleur de cet effet très indésirable.
Grossir est un effet indésirable fréquent lié à la prise d’antidépresseurs. Définie comme un gain d’au moins 5 % du poids de base (soit 3,5 kg quand on en fait 70), la prise de poids concerne jusqu’à 1 patient sur 10. Et ces kilos ainsi gagnés ne constituent pas qu’un désagrément esthétique. Ils peuvent participer à l’installation de troubles plus graves, comme un diabète. Enfin, ils peuvent aussi nuire au traitement : en raison du caractère déprimant de la prise de poids ou simplement parce que les patients, ne la supportant pas, arrêtent leur traitement.
Si la plupart des antidépresseurs font donc grossir, certains le font plus que d’autres. À partir des dossiers médicaux de plus de 180 000 adultes ayant débuté un traitement, des chercheurs américains ont donc chercher à les classer selon l’importance de prise de poids. Les résultats parus en août dans la revue médicale Annals of Internal Medicine donnent l’ordre suivant, en commençant par ceux qui font le plus grossir en descendant vers ceux qui le font moins :
- escitalopram (Seroplex)
- paroxétine (Deroxat)
- duloxétine (Cymbalta)
- venlafaxine (Effexor)
- citalopram (Seropram)
- fluoxétine (Prozac)
- sertraline (Zoloft)
Plus en détail, trois groupes se dessinent. Les plus susceptibles de faire grossir sont l’escitalopram (Seroplex), la paroxétine (Deroxat) et la duloxétine (Cymbalta) qui présentent un risque augmenté de 10 à 15 % par rapport à la sertraline (Zoloft). Viennent ensuite la venlafaxine (Effexor) et le citalopram (Seropram) de niveau intermédiaire. Enfin, la fluoxétine (Prozac) et la sertraline (Zoloft) sont ceux pour lesquels la prise de poids est moindre (1). Les différences ne sont pas très marquées : de l’ordre de 0,5 kg, au maximum, entre l’escitalopram et la sertraline. Mais ces données étaient calculées après 6 mois seulement de traitement. Et surtout, ce sont des valeurs relatives pour les médicaments les uns par rapport aux autres et non des valeurs absolues. La réalité sur la balance, elle, se chiffre à hauteur de plusieurs kilos.
Modifications du métabolisme et augmentation de l’appétit
Ce classement a l’intérêt de rappeler que cet effet indésirable est bien réel. Il s’explique, entre autres, par des modifications du métabolisme (la façon dont le corps brûle les calories) et d’une augmentation de l’appétit. Certains médecins sont parfois tentés de ne pas en parler aux patients par crainte que ceux-ci refusent, pour cette raison, le traitement. En réalité, les personnes traitées constatent très bien toutes seules qu’elles grossissent quand cela se produit. Au contraire, mieux vaut l’anticiper : avertir les personnes et en faire un élément de choix du traitement. « Les médecins et les patients peuvent prendre en considération les différences [de prise de poids] lorsqu’ils décident du choix de tel ou tel antidépresseur », souligne Joshua Petimar, de la Harvard Medical School et principal auteur de l’étude américaine. Les divers antidépresseurs étant d’efficacité comparable, comme le rappelle régulièrement la revue médicale indépendante Prescrire, le choix repose en effet surtout sur leur profil d’effets indésirables, en matière cardiaque entre autres. Sur cette base, les moins risqués sont des antidépresseurs comme la sertraline et la fluoxétine, qui constituent un premier choix, indique Prescrire, pour la plupart des personnes qui ont besoin d’un traitement. Les résultats américains sur la prise de poids vont dans le même sens.
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(1) Dans les résultats américains, un huitième antidépresseur prenait place tout en bas du tableau : le bupropion, avec un risque réduit par rapport à la sertraline. Cette molécule est commercialisée en France dans le cadre du sevrage tabagique (Zyban) mais elle n’y est pas autorisée comme antidépresseur en raison notamment d’effets indésirables graves.