Florence Humbert
AmbroisieUn fléau méconnu
L’ambroisie, plante invasive et hautement allergène, est « un enjeu de santé publique important » selon l’Agence de sécurité sanitaire (Anses) qui vient de chiffrer son coût faramineux pour la collectivité et propose des pistes d’actions pour endiguer son expansion.
Selon la mythologie grecque, les dieux de l’Olympe se régalaient d’ambroisie arrosée de nectar. Si ce régime alimentaire était censé les rendre immortels, pour nous, pauvres humains, Ambrosia artemisiifolia, l’ambroisie à feuilles d’armoise, est, au contraire, une vraie calamité ! Car le pollen de cette plante invasive est fortement allergène. Durant le pic de floraison, entre mi-août et mi-septembre, quelques grains de pollen par mètre cube d’air suffisent pour provoquer des rhinites allergiques invalidantes chez les sujets sensibilisés. Éternuement, nez bouché, conjonctivite, gonflement des paupières et parfois urticaire et eczéma font partie des symptômes classiques. Sans compter l’asthme qui semble plus souvent associé à l’ambroisie qu’aux autres pollens allergènes (bouleau, cyprès et graminées).
Importée d’Amérique du Nord durant la seconde guerre mondiale, « l’herbe à poux », comme l’appellent les Québécois, affectionne les bords des routes ou des cours d’eau, certaines cultures comme le maïs ou le tournesol, les friches urbaines ou agricoles, les chantiers du BTP ou les zones d’extraction de matériaux. Présente partout en Europe, particulièrement en Hongrie et en Italie du Nord, l’ambroisie a d’abord prospéré en France dans la vallée du Rhône. Sa propagation sur tout le territoire national s’est accélérée depuis les années 1960, avec des niveaux d’infestation très variables. Si la région Auvergne-Rhône-Alpes est la plus fortement touchée, l’ambroisie est en pleine progression dans certains départements, comme la Nièvre, le Cher, les Charentes, la Côte-d’Or ou le Gard. Conséquence directe de cette invasion : entre 1,7 % et 5,4 % de la population française serait devenue allergique à ce pollen, selon le rapport publié le 3 décembre dernier par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses).
Centaines de millions d’euros
« Cet enjeu de santé publique important » a conduit l’Agence à estimer son coût pour la collectivité. Uniquement en consultations et en médicaments, la prise en charge médicale des allergies provoquées par cette adventice (mauvaise herbe) pèserait entre 59 et 186 millions d’euros par an, auxquels s’ajoutent entre 10 et 30 millions d’euros pour les pertes de production et les arrêts de travail. Si l’on prend également en compte « les coûts de la perte de qualité de vie pour les personnes allergiques », la facture s’alourdit encore de 346 à 438 millions d’euros, selon la même étude. Et ce bilan pourrait bien s’aggraver à l’avenir, « en raison de l’élargissement prévu des zones infestées par l’ambroisie, exposant de fait de nouvelles populations, auquel s’ajoute une augmentation des niveaux de pollens dans l’air ambiant, en lien avec le changement climatique », souligne l’Anses qui appelle de ses vœux « un contrôle strict de la propagation de la plante ». Pour ce faire, l’agence préconise la mise en place d’une « réglementation spécifique dans les zones de front » avec « la nomination d’un référent ambroisie, chargé de la mise en œuvre de la lutte sur le terrain » mais aussi une plus forte implication des secteurs BTP et agricoles « pour permettre la prise de conscience du risque existant et favoriser l’adoption de bonnes pratiques » comme « le nettoyage des machines et la gestion des terres contaminées ».
Des bonnes pratiques qui nous concernent aussi dans la vie de tous les jours, en promenade ou dans nos jardins. Un site dédié à la lutte contre cette envahisseuse (www.signalement-ambroisie.fr) permet de l’identifier facilement et de savoir quel comportement adopter face à l’intruse : arrachage et destruction pour un spécimen isolé (en évitant de disséminer graines et pollen) ou signalement aux autorités compétentes pour une prise en charge du traitement par la collectivité (à l’instar du frelon asiatique). Une description des allergies encourues et une carte interactive de l’invasion complète l’information du public.