Léa Billon
AlliMauvaise alliée
Une nouvelle pilule anti-obésité est commercialisée en pharmacie à partir d'aujourd'hui. Malgré son efficacité dérisoire et les risques qu'il comporte, ce médicament est délivré sans ordonnance.
Alli se révélera un bien maigre allié contre les kilos en trop. En effet, Xenical (orlistat 120 mg) est un médicament prescrit dans le traitement de l'obésité depuis déjà 10 ans. Critiqué pour ses effets secondaires extrêmement gênants, il connaît un succès plus que mitigé. Pourtant, le laboratoire GlaxoSmith-Kline en commercialise aujourd'hui une version allégée, orlistat 60 mg. Mise en vente sous le nom d'Alli, elle est délivrée sans ordonnance. Recommandée en association à un régime hypocalorique et pauvre en graisse dans le traitement du surpoids, cette pilule ne s'adresse normalement qu'aux patients dont l'indice de masse corporelle (1) est égal ou supérieur à 28, soit des personnes en réel surpoids ou obèses.
Inquiète que ce produit soit utilisé par des clients ayant un IMC inférieur à 28, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) n'approuve pas la mise sur le marché d'Alli. Mais l'Agence européenne du médicament a imposé cette commercialisation. « Le dosage à 120 mg permet de perdre environ 4 kilos. Avec le dosage à 60 mg, ce sont au mieux 2 kg qui seront perdus », avertit pourtant Philippe Lechat, directeur de l'évaluation des médicaments et des produits biologiques à l'Afssaps. Ces résultats sont toutefois des extrapolations d'essais réalisés avec le Xenical. Aucune étude n'a été menée avec l'orlistat 60 mg. Rien ne peut donc être conclu quant à son efficacité.
En revanche, ses effets indésirables sont bien connus. Et ils sont loin d'être négligeables : graisse dans les selles, gaz et incontinence fécale. D'après l'Afssaps, aux États-Unis, la moitié des patients ont arrêté le traitement précocement. De plus, le médicament risque de rendre inefficace les traitements contraceptifs, antidiabétiques, antihypertenseurs, hypocholestérolémiants, hypoglycémiants, anti-arythmiques. Enfin, son usage est contre-indiqué pour les mineurs, les femmes enceintes ou allaitantes, les personnes souffrant de malabsorption chronique ou de cholestase, en cas d'hypersensibilité à la substance active ou à l'un des excipients et en cas de traitement anticoagulant.
L'Afssaps compte beaucoup, peut-être trop, sur les pharmaciens pour jouer les médiateurs entre la pilule et les consommateurs. D'après Anne Castot, chef du service de l'évaluation, de la surveillance du risque et de l'information sur le médicament à l'Afssaps, « le conseil officinal va prendre toute sa portée ». En théorie, les pharmaciens ne délivreront Alli qu'à des personnes en surpoids ou obèses. Mais en pratique... cela restera à vérifier. L'Afssaps assure qu'elle étudiera avec une grande attention la demande et la délivrance du produit. Aux États-Unis, où la pilule est commercialisée depuis juin 2007, 25 % des clients ont un IMC inférieur à 28. Quant au prix d'Alli, pas de cure d'amaigrissement au programme : 39,90 euros la boîte de 42 gélules (prix conseillé), soit 2 semaines de traitement.
Quelques précédents
Alli n'est qu'un petit nouveau de plus dans la grande famille des médicaments anti-obésité. Ces derniers connaissent d'ailleurs, bien souvent, une vie éphémère. La fenfluramine (Pondéral) a obtenu son autorisation de mise sur le marché (AMM) en 1976. Sa vente est suspendue en 1997 en raison du risque d'hypertension artérielle pulmonaire primitive (HTAPP). Elle n'a plus d'AMM depuis 2004. Autre exemple : le rimonabant (Acomplia). Cette molécule, commercialisée en mars 2007, provoque des troubles de l'humeur importants et des dépressions graves. En octobre 2008, le rapport bénéfice/risque du traitement est réévalué comme défavorable. Le 16 janvier 2009, son AMM est abrogée.
1. Poids divisé par la taille au carré.