Florence Humbert
AllergènesDu lait dans le vin ? Vraiment ?
À partir du 1er juillet prochain, les vignerons devront alerter les consommateurs sur les risques d’allergie liés à la présence de résidus d’œuf ou de lait dans leur vin. En cause, une méthode de clarification utilisée depuis des lustres et une nouvelle réglementation européenne.
Du lait ou de l’œuf dans le vin ? De quoi surprendre plus d’un amateur qui croyait naïvement que le vin était issu de la fermentation du jus de raisin. Et pourtant, la nouvelle réglementation européenne entrant en vigueur le 1er juillet prochain obligera les vignerons à procéder à une recherche systématique de ces composants dans leurs cuvées et à réaliser un étiquetage spécifique lorsque les quantités détectées dépasseront 0,25 mg/litre.
La raison de ce nouvel accès de fièvre réglementaire : l’utilisation de protéines de lait (lysozyme, caséine) ou d’œuf (albumine) lors de l’opération de « collage » des vins, c’est-à-dire leur clarification en fin de fermentation pour éliminer tous les résidus organiques en suspension dans les cuves ou les barriques. Ces produits créent un voile à la surface du vin qui descend lentement au fond de la cuve, entraînant toutes les particules avec lui.
Des quantités infinitésimales
« On peut utiliser d’autres colles, à base de végétaux ou de poisson, mais le collage à l’œuf ou au lait fait partie des pratiques ancestrales qui ont fait la preuve de leur efficacité, affirme Michal Issaly, le président des Vignerons indépendants de France (Vif). Que le vin soit filtré ou non, les résidus d’œuf ou de lait sont éliminés avec les impuretés qu’ils ont drainées, par des soutirages successifs des cuves. » Même son de cloche au Centre œnologique de Bourgogne, qui procède chaque année à des milliers d’analyses. « Depuis une décennie, les doses utilisées ont beaucoup diminué. Elles sont aujourd’hui de 5 grammes par hectolitre pour la caséine et de 10 à 20 grammes pour le blanc d’œuf, si bien que les quantités résiduelles dans les bouteilles sont infinitésimales », précise Véronique Girard, œnologue.
Aucun cas d’allergie due à la présence de lait ou d’œuf dans le vin n’a d’ailleurs été recensé jusqu’ici dans le monde. « Il faut dire que ce sont surtout les enfants qui sont allergiques à ces produits, remarque le professeur Gisèle Kanny, chef du service allergologie du CHU de Nancy. Les allergies à l’œuf et au lait chez les adultes sont rarissimes. » Toutefois, selon l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), qui a rendu trois avis sur le sujet en octobre 2011, ce risque ne peut être exclu. C’est ce qui a motivé la décision de la Commission européenne de mettre fin à la dérogation dont bénéficiait le secteur viticole qui n’avait pas jusqu’ici l’obligation de mentionner la présence d’œuf ou de lait à l’état de traces, contrairement aux autres produits agroalimentaires.
Au grand dam des vignerons, qui déplorent l’arrivée d’une énième mise en garde sur des étiquettes déjà encombrées d’avertissements concernant les sulfites ou les dangers du vin pour les femmes enceintes. « Cela va perturber un peu plus les consommateurs, alors qu’il y a des produits beaucoup plus nocifs dans nombre de vins. En particulier les sulfites, dont la présence est mentionnée indifféremment sur toutes les étiquettes, sans qu’ils soient obligatoirement quantifiés », remarque Michel Issaly, président des Vignerons indépendants de France. Et pourtant, la différence est de taille pour le consommateur entre un vin rouge « industriel » qui flirte avec la limite légale des 180 mg/l de métabisulfites et un vin « nature » qui ne contiendra guère plus des 3 ou 4 mg/l naturellement présents dans le vin.