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AlimentationPlus de gènes, mais moins de pépins

Les huîtres triploïdes, vous connaissez ? Et savez-vous que les bananes et les pastèques peuvent l’être aussi ? Les unes « naturellement », les autres, grâce aux laboratoires. Faut-il s’en inquiéter ?

La période des fêtes de fin d’année s’approche et, avec elle, ses bourriches d’huîtres. Vous hésiterez alors peut-être entre creuses, plates, Marennes-Oléron ou Bretagne… mais aussi entre diploïdes et triploïdes. Pas de panique, c’est assez simple : les premières contiennent 2 jeux de chromosomes (10 paires de chromosomes, qu’on note 2N), alors que les secondes sont dotées de 3 lots de 10 chromosomes (soit 30, 3N). Cette profusion est obtenue en laboratoire par la main de l’homme, qui perturbe la reproduction du coquillage par « choc » chimique ou thermique sur les gamètes (ovules et spermatozoïdes chez les animaux). La triploïdie reste exceptionnelle dans un règne animal essentiellement diploïde, car elle engendre des individus non viables, à part chez quelques espèces de poissons, de grenouilles et d’insectes.

Pour la flore, c’est différent. « Il y a beaucoup plus de diversité chez les plantes, où la polyploïdie (plusieurs paires de chromosomes) est répandue, en particulier chez les espèces cultivées », explique Raphaël Mercier, directeur de recherche en génétique à l’Institut Max-Planck de Cologne, en Allemagne. Ainsi, nombreuses sont les espèces qui détiennent le double de la normale (soit 4N chromosomes), par exemple la pomme de terre, le tabac, le coton ou le blé dur. Certaines montent au triple (6N), tel le blé tendre, ou au quadruple (8N), comme la fraise. Ces plantes ont une diversité génétique plus importante, « aboutissant à des individus plus robustes, plus résistants et possédant un meilleur rendement », ce qui explique pourquoi nous avons trouvé un intérêt à les cultiver. Parfois, elles se croisent avec des cousins diploïdes. Naissent alors des descendants « naturellement » 3N. Avec un inconvénient majeur pour la survie de l’espèce : ils sont stériles. Mais c’est un atout aux yeux de l’homme, car qui dit stérilité, dit graines absentes ou très petites. Il en va ainsi des huîtres (pas de laitance), mais également de la banane. « Les fruits fertiles des bananiers sauvages, diploïdes, ne sont pas consommables, car ils contiennent de grosses graines et peu de pulpe », précise Raphaël Mercier. Des fruits issus de cette triploïdie spontanée ont probablement été identifiés par nos ancêtres dans le Sud-Est asiatique, il y a plus de 3 000 ans, avant d’être cultivés (stériles, ces bananiers peuvent néanmoins se multiplier par rejets).

Une production industrielle et intensive

Autre triploïde naturel : le citron vert sans pépins. L’intérêt gustatif a donné des idées aux sélectionneurs : les pastèques sans leurs agaçantes graines noires sont ainsi issues d’une triploïdie « dirigée » en laboratoire. De même pour les pommes reinette du Canada ou belle de Boskoop, ou encore quelques variétés de poires choisies pour leur robustesse – qualité motivant également la création de triploïdes. Enfin, le gingembre et le curcuma ainsi « travaillés » produiront de plus grosses racines, qui seront ensuite récoltées en plus grande quantité. Pour autant, les triploïdes n’ont pas l’exclusivité de l’absence de graines : le raisin, même sans pépins, est bel et bien diploïde ! Alors, faut-il éviter ces produits ? Manger des huîtres ou des pastèques triploïdes n’aura aucun impact négatif sur votre santé. Le débat porte plutôt sur le modèle économique, qui s’inscrit dans une production industrielle (obtention en laboratoire) et intensive (l’objectif est d’atteindre un meilleur rendement, d’autant qu’il faut amortir les coûts de recherche et développement).

Avec leurs trop nombreuses graines, les fruits des bananiers sauvages, diploïdes, ne sont pas comestibles.

Pas un OGM

Selon la réglementation européenne (directive 2001/18), les organismes triploïdes ne sont pas des OGM. Explication : leur matériel génétique n’est pas modifié puisqu’il n’y a pas d’introduction de gènes ou de modification de bases sur l’ADN. Seul le nombre de chromosomes varie.

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