Erwan Seznec
Accus rechargeablesLe leader en panne
Malgré la qualité de ses produits, très bien notés par « Que Choisir », l'entreprise Uniross est au bord du dépôt de bilan. Un exemple révélateur des difficultés rencontrées par les entreprises qui commercialisent des produits écologiques et économiques pour les consommateurs.
En décembre 2007, nous les avions sélectionnés comme notre meilleur choix parmi les fabricants de piles rechargeables. Avec une note de 16,4/20, Uniross surclassait largement ses 22 rivaux sur le plan technique. De plus, son kit chargeur + quatre piles était loin d'être le plus cher de notre sélection. Il faisait figure d'excellent produit. D'une manière générale, l'UFC-Que Choisir préconise l'utilisation de piles rechargeables. Réutilisable jusqu'à 300 fois, un kit de quatre piles permet une économie de 1 500 euros par rapport à des piles jetables et il évite l'envoi à l'incinérateur de produits toxiques pour l'environnement (une pile sur trois seulement est recyclée).
Un an après notre enquête, malgré la qualité de ses produits, malgré les priorités affichées des pouvoirs publics et des distributeurs en faveur du pouvoir d'achat et de l'environnement, les nouvelles d'Uniross sont paradoxalement très mauvaises. Basée à Lognes (77), cette entreprise française, leader des rechargeables dans l'Hexagone, est au bord du dépôt de bilan. Sa situation doit être examinée par le tribunal de commerce de Meaux aujourd'hui lundi 1er décembre.
Cachées dans les rayons des hypermarchés
« Nos difficultés ont commencé en 2007 en raison de l'envolée des cours des matières premières », raconte Christophe Gurtner, son PDG et principal actionnaire. La fabrication de piles et de batteries (comme celle de l'e-Solex, fabriquée par Uniross) est en effet gourmande en métaux. A priori, la difficulté n'était pas insurmontable. Uniross aurait pu, d'une part, répercuter la hausse sur ses prix de vente. Le problème est que la PME n'est pas vraiment en position de force vis-à-vis de la grande distribution. Même si la situation a évolué ces dernières années, les piles rechargeables restent souvent bien cachées dans les rayons des hypermarchés ! Les enseignes ont bien compris, en effet, que les piles jetables leur assuraient un chiffre d'affaires récurrent nettement plus intéressant que les rechargeables, et elles font peu d'efforts pour promouvoir ces dernières.
Soutien du Commissariat à l'énergie atomique
Une difficulté supplémentaire est venue plomber davantage encore la situation d'Uniross. De manière passablement surprenante, la PME n'a obtenu aucun soutien de ses banques. Elle aurait eu besoin notamment de ce qu'on appelle des couvertures bancaires, à même de l'aider à affronter les variations brutales du prix de ses approvisionnements. « Nous n'avons rien obtenu du tout, si ce n'est un durcissement éprouvant de nos relations avec nos banquiers », déplore Christophe Gurtner. Le jeune PDG s'est tourné ensuite vers le gouvernement. Celui-ci parachève la création de son « fonds d'investissement stratégique », destiné à prendre des participations dans des entreprises prometteuses. Heureux hasard, le puissant Commissariat à l'énergie atomique (CEA) recommande précisément de soutenir Uniross, avec qui il développe des projets communs. Au-delà des piles à usage domestique, le savoir-faire d'Uniross est en effet déclinable à bien des secteurs, allant des transports à la gestion des réseaux d'énergie. Pour le moment, toutefois, l'État n'a pas donné suite à son appel à l'aide. « Il semble se désintéresser du dossier, déplore Christophe Gurtner. Ce n'est pas le cas de notre grand concurrent de Hong-Kong, GP batteries. Si nous sommes placés en redressement, ils seront certainement sur les rangs pour reprendre la société... »