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AbattoirsUn tiers des établissements en non-conformité

Face au scandale suscité par les vidéos de l’association L214 prises dans les abattoirs d’Alès, du Vigan et de Mauléon-Licharre en octobre 2015 et février et mars 2016, l’Assemblée nationale réagissait, en mars, en montant une commission d'enquête sur les conditions d'abattage. Dirigée par le député Olivier Falorni, elle recevait le 18 mai 2016 le ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, venu présenter les résultats d’une grande enquête diligentée dans le cadre du plan d’action sur le bien-être animal 2016-2020. 

Dès la fin mars, suite à la troisième vidéo de l’association de protection animale L214 montrant des images insoutenables de maltraitance animale en abattoirs, Stéphane Le Foll ordonnait aux préfets d’engager une inspection de l’ensemble des abattoirs du pays. Tout au long du mois d’avril, des inspecteurs d’État ont donc contrôlé de manière inopinée l’ensemble des abattoirs de boucherie français hexagonaux et des départements d’outre-mer. Soit 259 établissements et 460 chaînes d’abattage.

Un tiers des établissements en infraction

« Dans deux tiers des établissements contrôlés, aucune infraction n’a été constatée par les inspecteurs », déclarait Stéphane Le Foll devant la commission. Pour le tiers restant, on dénombre notamment des défauts de conformité mineurs comme l’absence de mise à jour d’appareils électriques. Plus graves, des défauts d’étourdissement des bêtes ont été constatés sur 39 chaînes donnant lieu à des mesures correctives immédiates. Enfin, des manquements graves ont été constatés sur 19 chaînes (5 %) donnant lieu à l’établissement de procès-verbaux contre 8 établissements et même à la suspension et au retrait de l’agrément de 2 établissements. « Il reste encore des progrès à faire », analyse le ministre qui juge insuffisant le seul contrôle vétérinaire. En 2014 déjà, la Cour des comptes jugeait sévèrement les contrôles sanitaires des aliments, les estimant bien trop rares et cléments.

Pénalisation de la maltraitance en abattoirs

Stéphane Le Foll a profité de son audition pour rappeler les grandes lignes de son plan d’action pour les abattoirs. Celui-ci prévoit notamment la généralisation du responsable « bien-être des animaux » à tous les abattoirs qui jusqu’à présent n’est imposé qu’aux abattoirs traitant plus de 1 000 unités de gros bétails par an ou 150 000 oiseaux ou lapins par le règlement européen du 24 septembre 2009. Autre mesure, dans le cadre de l’extension de la loi Sapin II, les personnes qui signaleraient des problèmes de maltraitance animale dans les abattoirs devraient bénéficier d’un statut protecteur.

Enfin, le ministre annonçait une future disposition législative visant à condamner pénalement les responsables d’abattoir mais aussi les transporteurs en cas de mauvais traitements animaux qui seront requalifiés en délits.

Non aux abattoirs mobiles, pas d’opposition à la vidéosurveillance

Interrogé par les députés sur la pertinence éventuelle de la réouverture de petits abattoirs de proximité ou d’abattoirs mobiles afin de limiter les transports des animaux, facteur de stress, le ministre s’est dit fermement opposé à cette option qu’il juge « incompatible avec une gestion efficace des contrôles sanitaires ».

En revanche, concernant l’utilisation de la vidéosurveillance pour contrôler les chaînes d’abattage, le ministre a déclaré ne pas être opposé à cette option tout en appelant à un débat pour définir l’encadrement de cet outil afin de « ne pas mettre toute la pression sur les épaules des salariés »

Mise à jour du 27 mai 2016 : Les députés, invités surprise des abattoirs

Sortir de l’hémicycle pour se confronter à la réalité du terrain était l’un des objectifs de la commission parlementaire sur les conditions d’abattage. En parallèle des auditions de chercheurs, d’inspecteurs sanitaires, d’ouvriers des abattoirs ou encore d’associations de défense des animaux, les députés ont donc prévu de se déplacer, à l’improviste, dans une dizaine d’abattoirs d’ici le mois de septembre. Deux visites ont déjà eu lieu.

Le 9 mai, sur les coups de 4 h 30, une poignée de députés s’est ainsi présentée aux portes de l’abattoir de Feignies, dans le département du Nord. Même scénario quelques jours plus tard, à Autun, en Saône-et-Loire. Deux abattoirs aux profils bien distincts.

Le premier est un établissement récent de taille industrielle, en gestion privée sous le contrôle du groupe Bigard, qui ne reçoit que des bovins. Le second, établissement public (intercommunal) de petite taille est un abattoir multi-espèce (vaches, porcs, agneaux et même cerfs) recevant les bêtes d’exploitations situées à moins de 60 km.

Présent lors des deux visites, le député et rapporteur de la commission Jean-Yves Caullet a été saisi par l’impact de la différence de moyens des deux établissements sur les conditions d’abattage.

Si à Feignies, les règles en matière de bien-être animal étaient respectées d’un bout à l’autre de la chaîne, à Autun des dysfonctionnements majeurs ont été constatés lors de l'amenée des bêtes sur la chaîne d’abattage et pour l’étourdissement des petits animaux (ovins et porcs). « Cela concerne en particulier les derniers mètres du parcours des animaux avant leur piégeage. En l’absence de "restrainer à bande" [sorte de tapis roulant] pour amener les bêtes, celles-ci ont tendance à stopper leur avancée. Elles doivent alors être poussées par l’opérateur, ce qui provoque un stress supplémentaire pour l’animal et pour l’opérateur », rapporte le député. Ce dernier précise qu’aucune volonté de maltraitance animale n'a été observée, les opérateurs faisant au mieux avec leurs moyens, mais déplore un manque d'investissements dans la modernisation du matériel et du bâtiment. Consciente de ces lacunes, la direction de l’établissement épinglé pour « manquement grave » lors de l’inspection générale de mars 2016 prévoit une refonte totale des chaînes d’abattage de l’établissement d’ici 2019. Pour un coût estimé à 4,7 millions d'euros qui sera en grande partie à la charge de la communauté de commune d’Autun. De son côté, la commission poursuit ses visites qui, dans un souci de diversité, devraient également comprendre des abattoirs de volaille et pratiquant l’abattage rituel.

Marie-Noëlle Delaby

Marie-Noëlle Delaby

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