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Abattoirs

Le Parlement présente ses propositions

La commission d’enquête parlementaire sur les conditions d’abattage, créée en avril à la suite des vidéos de maltraitance diffusées par l’association L214, a présenté 65 propositions pour améliorer les pratiques, renforcer la formation, moderniser les équipements et surtout assurer plus de transparence autour de ces lieux que les élus décrivent comme de véritables « boîtes noires ».

Créés au XIXe siècle pour soustraire au regard des citoyens la mise à mort des animaux d’élevage, les abattoirs sont des lieux qui nous échappent et nous choquent les rares fois où nous les observons par la lorgnette de vidéos d’associations de défense des animaux.

Pour mieux connaître ces établissements, il aura fallu aux parlementaires pas moins de 6 mois et 38 séances pour auditionner une centaine d’acteurs gravitant dans ou autour des abattoirs (éleveurs, ouvriers et vétérinaires en abattoirs, représentants des cultes…). Le tout agrémenté de plusieurs visites inopinées dans des établissements qualifiés de véritables « bunkers » ou « boîtes noires » où « la police nous a parfois fait barrage pour tenter d’empêcher notre venue », précise Olivier Falorni, président de la commission, avant de dévoiler les grandes lignes du rapport.

Le contrôle vidéo plébiscité par les parlementaires

Premier constat des parlementaires : « le manque criant d’investissement dans certains établissements qui entraîne forcément des dysfonctionnements », détaille Jean-Yves Caullet, député rapporteur de la commission. Pour rappel, l’inspection générale menée par le ministère de l’Agriculture en avril 2016 avait montré qu’un tiers des 563 abattoirs français (hors volaille) étaient en non-conformité.

Afin de faciliter une mise aux normes, les parlementaires proposent d’abaisser à 100 000 € (contre 1 million actuellement) le seuil de dépense éligible à l’appel à projet « reconquête de la compétitivité des outils d’abattage » dans le cadre du programme d’investissements d’avenir. Autres propositions : l’augmentation du nombre de vétérinaires dans les abattoirs, et l’obligation pour les établissements de plus de 50 salariés qu’un agent vétérinaire soit présent en permanence au poste d’abattage. Enfin, la commission souhaite la promulgation d’une loi rendant obligatoire l’installation de caméras dans toutes les zones des abattoirs où des animaux vivants sont manipulés. « Afin de faciliter le contrôle du bien-être et non le flicage du personnel », selon Jean-Yves Caullet, qui précise toutefois que ces images seraient visibles par les services d’État, par la justice si nécessaire, mais aussi par les responsables d’établissement. Reste donc à définir comment limiter leur usage à la seule prévention des maltraitances, sans dérive productiviste (surveillance des cadences, etc.), tout en veillant au respect de la protection des données personnelles. Une question soulevée dès la sortie du rapport par l’eurodéputé PS Éric Andrieu qui, dans une lettre ouverte à la presse, rappelle que dans le cadre de la nouvelle législation européenne sur la protection des données personnelles, « seules les personnes habilitées dans le cadre de leurs fonctions peuvent visionner les images enregistrées, et la conservation de ces images ne saurait excéder 1 mois ».

« L’abattage rituel est inhérent au libre exercice du culte »

Autre point sensible évoqué par le rapport, l’abattage rituel qui, en France, bénéficie d’une dérogation à l’obligation d’étourdissement (article R.214-74 du code rural). Autrement dit, les animaux tués selon les rites casher ou hallal sont saignés sans être insensibilisés auparavant. « Une situation qui ne nous satisfait pas », commente Olivier Falorni, qui rappelle toutefois que cette dérogation ne peut être abolie en raison de la liberté constitutionnelle de pratiquer sa religion. Et de rappeler l’exemple de la Pologne qui, après avoir interdit l’abattage rituel en 2013, a dû lever cette interdiction en 2014, la Cour de justice européenne ayant jugé cette mesure inconstitutionnelle. Afin de contourner le problème, les parlementaires proposent de préciser dans le code rural que deux autres méthodes sont possibles en cas d’abattage rituel : l’étourdissement post-jugulation (quelques secondes après la saignée, qui peut durer plusieurs minutes), et l’étourdissement réversible. Des méthodes acceptées dans d’autres pays, à l’instar de la Nouvelle-Zélande, où l’abattage rituel doit impliquer un étourdissement réversible. L’inscription de ce choix devrait donner la possibilité aux cultes d’évoluer face à des consommateurs pratiquants eux aussi de plus en plus sensibles au bien-être animal, estime la commission, qui espère voir ces mesures « applicables » et « opérationnelles » rapidement adoptées par le ministère de l’Agriculture.

L’expérimentation des abattoirs mobiles encouragée

Enfin, les parlementaires se disent prêts, à travers la proposition 26, à « soutenir à titre expérimental la mise en service de quelques abattoirs mobiles ». La commission avait notamment auditionné en juillet Franck Ribière, producteur et scénariste du documentaire « Steak (R)évolution », qui souhaite importer en France le concept de l’entreprise suédoise Hälsingestintan. En 2015, sa désormais très médiatisée fondatrice Britt-Marie Stegs lançait le premier abattoir mobile de bovins en Europe. L’objectif de l’accord est une implantation du concept en France au cours de l’année 2017.

Marie-Noëlle Delaby

Marie-Noëlle Delaby

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