Anne-Sophie Stamane
72 molécules sur la sellette
Suite à la décision de la Commission européenne de suspendre 400 médicaments génériques, l’Agence du médicament française (ANSM) doit trouver des solutions pour les 72 produits commercialisés sur notre territoire.
La Commission européenne vient de suspendre 400 médicaments génériques vendus en Europe. Or, 72 d’entre eux sont prescrits et délivrés en France (1). À l’origine de cette décision, les manquements de l’entreprise indienne Synapse Labs, missionnée par les fabricants pour vérifier la bioéquivalence entre chaque générique et le médicament de référence, un prérequis indispensable à la commercialisation.
En clair, Synapse Labs était responsable des études montrant que la copie se diffusait de la même façon dans l’organisme (voir encadré ci-dessous) que la spécialité d’origine, une condition indispensable à l’autorisation de commercialisation. Or des inspections diligentées à partir de 2020 par les autorités sanitaires espagnoles ont montré des dysfonctionnements suffisants pour remettre en cause le sérieux du travail réalisé. Suite aux premières alertes, l’Agence européenne du médicament a été saisie. Elle a recommandé une première fois, en décembre 2023, de suspendre les génériques concernés. Après une ultime vérification réclamée par les fabricants, elle a confirmé sa position, transmise à la Commission qui a logiquement acté la suspension.
Solution de substitution pour les patients
La balle est maintenant dans le camp de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), gendarme du secteur en France. En pratique, il n’y a pas de risque identifié à prendre ces génériques, aucun rappel n’a été lancé, mais les autorités sanitaires doivent s’assurer, avant qu’ils ne sortent du circuit de vente, qu’il y a bien une solution de substitution pour les patients. Surtout dans le contexte de pénurie qui caractérise le marché européen du médicament ! La situation la plus simple est celle où les fabricants de génériques ont mis à profit les longs délais, depuis les premières alertes, pour faire refaire les études de bioéquivalence. Dans ce cas, et à condition qu’elles soient validées, le maintien sur le marché est possible. Sans nouvelles données, et s’il existe des alternatives thérapeutiques, la suspension devient effective.
Enfin, la configuration la plus délicate concerne les génériques qui n’ont plus de médicament de référence et pas d’équivalent. L’ANSM est alors autorisée à maintenir le médicament suspendu pour une période de 2 ans.
Mise à jour du 5 juillet 2024
Après examen de la liste des 72 médicaments génériques concernés en France par la suspension européenne, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a décidé de suspendre et soustraire du stock des pharmacies, à compter du 3 juillet, les 7 médicaments suivants :
• Olanzapine Arrow 5 mg comprimés ;
• Olanzapine Arrow 7 mg comprimés ;
• Olanzapine Arrow 10 mg comprimés ;
• Nevirapine Arrow LP 400 mg comprimés à libération prolongée ;
• Metformine Almus 500 mg comprimés pelliculés ;
• Tramadol Almus 50 mg gélules ;
• Ibuprofène Liderlens 400 mg capsules molles (non commercialisé).
L’ANSM précise qu’aucun signal n’a montré de problème de sécurité, mais que l’existence d’alternatives thérapeutiques rend la suspension possible et effective.
Par ailleurs, 41 médicaments, qui devraient être suspendus mais pour lesquels il n’y a pas assez d’alternatives thérapeutiques (ou pas en quantité suffisante en raison des pénuries actuelles), bénéficient d’un sursis de 24 mois, à l’issue duquel de nouvelles études sont attendues. Il s’agit de molécules utilisées en hématologie, oncologie, cardiologie, gastroentérologie, dans le diabète et le traitement du VIH. La liste est consultable sur le site de l’ANSM.
Pour 22 autres génériques, de nouvelles études de bioéquivalence ont été fournies et validées, d’où leur maintien sur le marché.
Enfin, 2 médicaments de la liste ne sont concernés par aucune décision car leur autorisation de mise sur le marché (AMM) n’est plus valable.
La bioéquivalence
Les fabricants de génériques n’ont pas à produire d’études d’efficacité clinique et de sécurité, puisque la marque détentrice du brevet initial l’a fait au moment de la mise sur le marché du produit d’origine, dit « princeps ». Ils ont malgré tout une contrainte, celle de prouver que leur médicament, composé de la même molécule active mais parfois d’excipients différents, se comporte, dans l’organisme, de la même façon que le médicament de référence. C’est ce qu’on appelle la bioéquivalence. Elle se mesure en vérifiant que la même quantité de substance active se diffuse dans le plasma sanguin après la prise du générique, à la même vitesse, et avec un pic au même moment. En clair, la courbe de diffusion du générique doit avoir le même profil que celle du médicament d’origine. L’exactitude n’est pas requise, mais la marge de tolérance est réduite.