Révisions à prévoir sur l’information et le signal prix pour le consommateur
Alors que l’interdiction de la vente de voitures thermiques neuves en 2035 est désormais actée, l’UFC-Que Choisir rend publique une étude dénonçant l’inaptitude de l’actuelle étiquette énergie à orienter les consommateurs vers les véhicules électriques les moins polluants et les limites du système d’aides. En conséquence, l’UFC-Que Choisir, qui promeut avant tout le développement et l’utilisation des transports collectifs, appelle à une série de réformes permettant de garantir une transition du parc automobile qui soit à la fois respectueuse des objectifs environnementaux et des intérêts des consommateurs.
Une étiquette énergie inadaptée à la voiture électrique
Si la capacité des voitures électriques à réduire les émissions de gaz à effets de serre par rapport aux voitures thermiques est largement reconnue, l’étude de l’UFC-Que Choisir montre toutefois que les analyses en cycle de vie imposent de ne pas sous-estimer les émissions des voitures électriques. En effet, si les émissions de CO2e (1) d’une voiture électrique sont nulles à l’usage, la production de celle-ci est beaucoup plus émettrice que celle d’une voiture thermique du fait de la fabrication de sa batterie. Par exemple, une Peugeot 208 essence émet 7,3 tonnes de CO2e lors de sa fabrication, alors qu’une Peugeot 208 électrique en émet 12,8 tonnes (2). Le différentiel est toutefois largement compensé sur l’ensemble du cycle de vie : en France, une Peugeot 208 essence émet 44,4 tonnes de CO2e, contre 14,8 tonnes pour une Peugeot 208 électrique (2).
L’analyse en cycle de vie permet donc une bonne comparaison des émissions entre voitures thermiques et voitures électriques, mais elle met également en évidence des différences notables entre voitures électriques. Par exemple, en cycle de vie, une Dacia Spring émet 10 tonnes de CO2e, contre près de 25 tonnes pour une BMW iX xDrive50 (2). Les consommateurs devraient disposer de cette information essentielle au moment de l’achat d’un véhicule électrique. Or, l’étiquette énergie actuelle, affichée obligatoirement sur les voitures neuves, porte uniquement sur les émissions du véhicule à l’usage.
L’ensemble des voitures électriques affichent ainsi une étiquette A et 0 gCO2/km émis. Elle n’est absolument pas adaptée à la voiture électrique car ni les émissions liées à la fabrication, ni celles issues de l’électricité utilisée ne sont prises en compte. Les consommateurs ne peuvent pas différencier l’impact climatique de différents modèles de voitures électriques. Ils naviguent donc en plein brouillard.
Inefficacité et incohérences du système d’aides
Une étiquette énergie établie grâce à une analyse du cycle de vie serait d’autant plus pertinente qu’elle pourrait utilement constituer un étalon des aides à l’achat, avec l’objectif de promouvoir les voitures réellement les moins émettrices et ainsi maximiser la réduction globale des émissions.
Les aides à l’achat restent indispensables alors que le coût d’acquisition d’une voiture électrique est, en moyenne, supérieur de 25 % à celui d’une voiture thermique, surplus inaccessible pour de nombreux ménages. Or, le bonus écologique ne facilite pas réellement et justement l’accès à la voiture électrique. Son ciblage, même s’il a été amélioré, reste encore problématique. L’aide, calculée en fonction du prix du véhicule : 27 % de celui-ci plafonné à 5 000 ou à 7 000 € (3), ne montre pas une progressivité suffisante. Ainsi, un consommateur très modeste touchera 5 616 € pour l’achat d’une Dacia Spring, alors qu’une personne aisée touchera 5 000 € pour l’achat d’une Tesla Model 3, soit quasiment la même somme.
Ces freins économiques à l’achat d’un véhicule concernent aussi les véhicules d’occasion, a fortiori dans le contexte actuel d’indisponibilité des véhicules neufs. D’une part, l’aide à l’acquisition d’une voiture électrique d’occasion est dérisoire (1 000 €), d’autre part rien n’est fait pour lever les réticences des consommateurs qui ne disposent actuellement d’aucune information encadrée et fiable sur l’état de santé de la batterie, information pourtant essentielle pour s’assurer que le véhicule électrique d’occasion acheté est utilisable pendant plusieurs années.
Favoriser une mobilité alternative à la voiture particulière avant tout
La voiture particulière est utilisée pour 63 % des déplacements quotidiens et 72 % des déplacements longue distance en France (4) et demeure donc le mode de transport principal des Français. Si les véhicules électriques peuvent permettre la réduction des émissions de gaz à effet de serre, ils peuvent également engendrer des effets rebond du fait de la baisse du coût d’utilisation. En Norvège, où l’électromobilité s’est généralisée depuis plusieurs années, des changements de comportements en ce sens ont été constatés : les acquéreurs de voitures électriques utilisent moins les transports en commun et des modes actifs et parcourent plus de kilomètres s’ils étaient déjà automobilistes. Dès lors, la voiture électrique est donc loin d’être la panacée. Son développement impose donc aux pouvoirs publics tous les efforts pour encourager avant tout l’adoption de mobilités non individuelles.
Au vu de ces constats, l’UFC-Que Choisir, soucieuse de promouvoir une mobilité respectueuse de l’environnement et accessible financièrement, demande :
- La possibilité d’utiliser la prime à la conversion pour l’achat de billets et d’abonnement de transports collectifs, ainsi que sur les plateformes proposant des services d’autopartage et de covoiturage ;
- Une refonte du système d’aide et de malus, de telle sorte qu’il oriente efficacement les consommateurs vers les véhicules les moins émetteurs de gaz à effet de serre, autant neufs que d’occasion ;
- Une réforme de « l’étiquette énergie » afin qu’elle permette aux consommateurs d’identifier celles qui sont vraiment les moins émettrices, en tenant compte des émissions à l’étape de fabrication des véhicules ;
- La fourniture obligatoire d’un certificat de l’état de santé de la batterie dans le cadre de la vente d’un véhicule électrique d’occasion ;
- Un soutien public à l’accroissement des connaissances pour réduire les lacunes du véhicule électrique, d’une part le poids des batteries et l’utilisation d’une grande quantité de matériaux importés et dont la ressource est limitée, et d’autre part sa dépendance au mix énergétique.
(1) L'équivalent dioxyde de carbone (CO2e) est une mesure métrique utilisée pour comparer les émissions de divers gaz à effet de serre sur la base de leur potentiel de réchauffement global (PRG), en convertissant les quantités des divers gaz émis en la quantité équivalente de dioxyde de carbone ayant le même potentiel de réchauffement planétaire
(2) Données Greenncap, considérant le niveau d’émission du mix électrique français (57 gCO2-eq./kWh), 240 000 kilomètres parcourus et une durée de vie de 16 ans.
(3) Si son revenu fiscal de référence annuel par part est inférieur à 14 089 €.
(4) Enquête sur la mobilité des personnes 2018-2019, Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires