ACTION UFC-QUE CHOISIR

SécheresseLa gestion archaïque des agences de l'eau

I. Etat des lieux

Une sécheresse localisée dans les régions de grandes cultures irriguées

Résumé :Si une soixantaine de départements font l'objet de restriction d'eau, la sécheresse est localisée dans les régions d'Aquitaine, du Midi-Pyrénées, des Pays de Loire, du Poitou-Charentes et de Provence-Alpes-Côtes-d'Azur. Ces régions concentrent une large part de l'irrigation agricole et, notamment du maïs irrigué. En Midi-Pyrénées par exemple, l'irrigation agricole représente plus de 90 % de la consommation nette d'eau. Un constat lucide s'impose : la carte de la sécheresse se confond avec la carte de l'irrigation agricole.

1. Une sécheresse localisée dans l'ouest de la France

La sécheresse en France se localise sur des territoires bien spécifiques. Sur les 19 départements classés en « situation préoccupante », 15 d'entre eux sont situés dans les régions d'Aquitaine, du Midi-Pyrénées, des Pays-de-Loire et du Poitou-Charentes. Ces quatre régions regroupent aussi la moitié des départements classés en situation de vigilance (cf. tableau de synthèse). Du point de vue de la politique environnementale, les quatre régions en alerte rouge relèvent de la compétence des deux agences de l'eau : l'agence Adour-Garonne et l'agence Loire-Bretagne.

2. Les quatre régions en alerte rouge concentrent une large part des surfaces irriguées et de la production de maïs

Les forts épisodes de sécheresse qui touchent les régions du sud-ouest ne peuvent pas être expliquées par les seules conditions climatiques. En réalité, ces territoires concentrent une large part de l'irrigation agricole et, notamment, de la production de maïs irrigué (cf. tableau de synthèse). Le bassin de l'Adour-Garonne arrive ainsi en tête des surfaces irriguées avec 650 000 hectares puis viennent le bassin Rhône-Méditerranée-Corse (375 000 hectares) et le bassin Loire-Bretagne (281 000 hectares).

Du point de vue de la gestion de l'eau, l'irrigation agricole pratiquée dans le Rhône et en méditerranée est moins problématique que dans le grand sud-ouest. En effet, plus du tiers de la surface irriguée dans cette zone est consacrée aux vergers qui épuisent moins la ressource aquatique que l'irrigation des grandes cultures comme le maïs. A l'inverse, la forte croissance de l'irrigation dans l'ouest de la France s'explique largement par le développement de la culture du maïs. Ainsi, 44 % du mais grain français est cultivé en Aquitaine, en Midi-Pyrénées et en Poitou-Charentes, et 40 % du maïs fourrage français est produit en Pays-de-Loire et en Bretagne. Si l'on se penche, par exemple, sur l'agriculture du Midi-Pyrénées, on constate que les trois-quarts des surfaces irriguées dans cette région sont consacrés au maïs.

Le récent rapport du Ministère de l'agriculture (Irrigation durable, février 2005) apporte un éclairage important sur le lien entre l'irrigation et la sécheresse. Ce rapport hiérarchise les zones d'irrigation selon leur impact sur la ressource aquatique et les conflits d'usage qu'ils peuvent entraîner. Il apparaît que la zone la plus problématique est justement localisée dans les bassins de l'Adour et de la Garonne ainsi que dans la région Poitou-Charentes. Le Ministère de l'agriculture explique que « dans ces territoires, les pointes de la demande agricole se produisent en été et au début de l'automne, période correspondant à l'étiage des cours d'eau alors que d'autres besoins importants pour l'économie locale (tourisme, pêche) ne peuvent être satisfaits que si les cours d'eau ne présentent pas de caractéristiques de qualité et de débit minima. Le partage de la ressource y est souvent conflictuel du fait de déséquilibres structurels entre ressource et usages et peut y prendre une tournure virulente ».

Surtout le rapport constate que « le changement climatique pourrait être un facteur aggravant de déséquilibre » et, par conséquent, que « cette évolution nécessite un effort particulier de recherche pour définir de nouveaux modèles agronomiques et d'exploitation ».

Il apparaît que le déficit d'eau en été est très largement dû à un recours excessif à l'irrigation. Par exemple, sur le bassin de l'Adour-Garonne, au cours de l'été, les prélèvements bruts d'eau sont d'un milliard de mètre cubes pour l'agriculture, de cent millions de mètres cubes pour l'eau potable et de vingt millions de mètres cubes pour le secteur industriel. L'agriculture prélève donc près de 90 % de la ressource en été dans cette zone géographique.

D'évidence, la gestion de la consommation d'eau dans les régions fortement touchées par la sécheresse concerne en premier lieu la régulation de l'agriculture irriguée et, notamment, des productions de maïs.

II. La gestion archaïque des agences de l'eau : Aucune incitation financière à diminuer l'irrigation

Résumé : L'UFC Que choisir a voulu comparer la politique de lutte contre la sécheresse menée par les agences de l'eau. Leur principal outil de régulation est la redevance indexée sur le volume de consommation qui, par l'incitation financière peut amener les irriguants à modérer leur prélèvement d'eau. Il apparaît que la redevance des irriguants est particulièrement faible dans les régions gravement touchées par la sécheresse et où les surfaces irrigués sont élevées. Par exemple, l'irrigation est six fois moins taxée en Midi-Pyrénées (très touché par la sécheresse) qu'elle ne l'est dans le Nord-Pas-de-Calais (aucune sécheresse). Ce paradoxe démontre que les pouvoirs publics préfèrent accorder un système dérogatoire à certaines productions agricoles, au détriment de la protection des ressources aquatiques.

1. La politique des agences de l'eau : plus le risque de sécheresse est élevé, plus la redevance des irriguants est faible !

L'UFC Que Choisir a voulu observer la politique poursuivie par les agences de l'eau dans le domaine de la sécheresse. Logiquement, les agences devraient chercher à réduire la consommation d'eau l'été dans les régions qui sont régulièrement atteintes par la sécheresse. Mécaniquement, cette diminution consiste à réduire le recours à l'irrigation agricole en favorisant la reconversion des cultures. Si les agences de l'eau n'ont pas la maîtrise des politiques de soutien au monde agricole, elles peuvent influer sur leur décision de production par le levier de l'incitation économique. En effet, les agences de l'eau fixent deux types principaux de redevance, la redevance pollution et la redevance pour prélèvement et consommation. Elles peuvent ainsi accroître une redevance pour inciter l'usager, agricole ou non, à diminuer sa pollution ou à modérer sa consommation d'eau. Selon un principe fondateur des agences de l'eau, la redevance pour prélèvement et consommation devrait logiquement dépendre du niveau de consommation nette de l'usager (celui qui consomme beaucoup paie beaucoup). L'UFC Que Choisir a régulièrement dénoncé le régime dérogatoire dont bénéficiait les agriculteurs qui, en payant de très faibles redevances, ne sont que très peu incités à réduire leur pollution et à modérer leur consommation.

Dans le cas présent, nous avons voulu comparer la politique des agences de l'eau concernant la consommation d'eau par les irriguants. Il était supposé que, dans les bassins où l'irrigation et le risque de sécheresse sont à des niveaux élevés, les agences de l'eau mobiliseraient l'incitation économique. Dans cette perspective, l'agence doit normalement rendre l'usage de l'eau plus coûteux pour l'irrigation en augmentant la redevance payée par les exploitants. Le rapport du Ministère de l'agriculture dresse ce comparatif de la politique des agences de l'eau (cf. première colonne du tableau de synthèse). Il apparaît que, dans les bassins où l'irrigation et la sécheresse sont élevées, le coefficient de redevance payé par l'irriguant est nettement plus bas que la moyenne. Ainsi, l'agence de l'eau Adour-Garonne, très concernée par la sécheresse, taxe l'irrigation à hauteur de 0,23 centimes au m³ alors que les agences de l'eau Artois-Picardie, Rhin-Meuse et Seine-Normandie, peu ou pas touchées par la sécheresse, taxent dans une fourchette allant de 1,14 à 1,50 centimes par m3.

Les agences Loire-Bretagne et Rhône-Méditerranée-Corse présentent aussi des coefficients de redevance relativement bas pour des bassins d'irrigation importants.

Cet examen comparatif fait donc apparaître une aberration manifeste : plus le risque de sécheresse dû à l'irrigation est important et plus la taxation de l'irrigation est faible !

Les études économiques menées par plusieurs agences de l'eau (1) viennent confirmer ce diagnostic. L'agence Adour-Garonne estime, par exemple, que la redevance consommation représente un peu moins de 3 % du coût de la mobilisation de l'eau pour les irrigants de cette région. En intégrant les coûts d'aspersion, la part de la redevance représente à peine 1 % du coût total de l'irrigation. Une étude similaire menée par les agences de l'eau Seine Normandie et Loire-Bretagne montre que la redevance représente approximativement 5 % du coût de l'irrigation. Ainsi, il apparaît que c'est dans l'Adour-Garonne, où l'irrigation et les risques de sécheresse sont les plus élevés, que la redevance de l'agence de l'eau a le moins d'impact sur les coûts d'exploitation des irriguants.

Comment expliquer un paradoxe aussi choquant ? Du point de vue de la politique environnementale et de l'équité, il n'est pas possible de proposer une justification rationnelle. En réalité, le processus décisionnel des agences de l'eau est très lié aux intérêts économiques locaux. Le conseil d'administration des agences réunit des élus locaux, des représentants des usagers (agriculteurs, industriels et associations) et des représentants de l'état. De la sorte, la forte présence des activités d'irrigations dans un bassin incite les instances de agences de l'eau à accorder des système dérogatoires.

Plusieurs institutions officielles sont venues alerter sur ce type de dysfonctionnements. Notamment, le rapport au Président le République établi par la Cour des Comptes en 2003 passait en revue les résultats des différentes missions de contrôles opérées dans les agences de l'eau. Concernant l'irrigation le rapport souligne que « les conditions d'assujettissement des agriculteurs irriguants à la redevance illustrent à l'extrême, le peu de considération pratique accordé aux dispositions de la loi du 3 janvier 1992 (...) » qui a institué le principe d'égalité des citoyens devant la ressource aquatique. La Cour des comptes décrit très bien le processus décisionnel opaque et très contestable des agences de l'eau : « les redevances appliquées aux irriguants sont restées davantage le fruit d'une négociation globale qu'elles n'ont résulté d'une application à l'usage irrigation des paramètres communs aux autres redevables. Ainsi existe-t-il dans chaque bassin, de manière plus ou moins formalisée, un protocole spécifique conclu avec la profession agricole pour encadrer la contribution du secteur, voire pour en dispenser certains exploitants ». A l'évidence, les « négociations globales » et « les protocoles spécifiques » ont mené à un système dérogatoire qui ne protège en rien la ressource aquatique.

De ce point de vue, « l'exception Adour-Garonne » dans le domaine de l'irrigation représente un exemple caricatural de la gestion archaïque des agences de l'eau. Ces constats factuels plaident pour une politique nationale de l'eau qui harmoniserait les coefficients de redevance des agences. Cette harmonisation permettrait d'éviter le syndrome des dérogations locales qui existent tant dans la régulation de la consommation que pour la lutte contre la pollution. L'harmonisation restaurerait aussi une équité entre les agriculteurs : il est injuste que l'irriguant de la Seine-Normandie paie plus que celui de l'Aquitaine.

3. Au final, la redevance payée par les irriguants n'est pas incitative

Le recours à l'irrigation est parfois techniquement indispensable pour certaines productions et dans certaines régions (la culture maraîchère dans le midi de la France par exemple). Mais, pour la production de grandes cultures, l'irrigation induit surtout une meilleure rentabilité économique de l'exploitation. Ce différentiel de rentabilité s'explique, premièrement, par le meilleur rendement agronomique que procure l'irrigation. Deuxièmement, les primes que la politique agricole commune (PAC) accordent aux cultures irriguées stabilisent le revenu de l'exploitant. Dès lors, la redevance payée par l'irriguant aux agences de l'eau n'est incitative que si elle permet de relativiser de façon significative le différentiel de rentabilité.

Le Ministère de l'agriculture a mené une étude sur le cas emblématique de la production de maïs dans le Poitou-Charentes. Il apparaît que le rendement du maïs irrigué est supérieur de 30 % à celui du maïs non irrigué. En intégrant l'impact des aides compensatoires de la PAC, le revenu courant avant impôt de l'irriguant est supérieur de 20 % à celui du producteur qui n'irrigue pas. Par conséquent, si la redevance de l'agence de l'eau Adour-Garonne (qui gère deux départements du Poitou-Charentes) représente 1 % du coût de l'irrigation, elle ne peut en aucun cas inciter les agriculteurs à modérer leur consommation d'eau par une diminution des surfaces irriguées.

III. Ce qu'il ne faut pas faire :

- Gérer la pénurie chaque année

- Accroître l'exploitation de la ressource

L'UFC Que Choisir refuse que la gestion de l'eau soit écartelée entre la politique gouvernementale, qui gère la pénurie par des restrictions au coup par coup, et l'appel au gaspillage des lobbies de l'irrigation, qui réclament la construction de grands barrages pour maintenir la production de maïs.

1- Gérer la pénurie : les restrictions d'eau en urgence du gouvernement

Sur le court terme, le gouvernement a bien anticipé la sécheresse dès le mois d'avril. Par des arrêtés préfectoraux, il a ainsi pu réduire la surface irriguée dans certaines régions comme le Poitou Charentes. Mais ces restrictions décidées après la période de semences restent limitées et ont seulement évité un scénario catastrophe. Surtout, ces décisions ne sauraient constituer une politique structurelle de lutte contre la sécheresse. On ne peut pas laisser les agriculteurs développer l'irrigation, avec de fortes subventions et de très faibles redevances, pour ensuite leur demander, en urgence, de renoncer à une partie de la production. Il est désormais établi que l'eau devient une ressource rare en France. Il est donc plus que temps d'en finir avec la politique des restrictions d'eau de dernière minute

2- La fuite en avant : développer l'accès à la ressource aquatique en construisant des grands barrages financés par la collectivité

L'association générale des producteurs de maïs (AGPM) s'oppose à un changement structurel de la gestion de l'irrigation. Premièrement, elle justifie chaque année le maintien de la production de maïs irrigué à des niveaux élevés. Les arguments avancés témoignent

parfois d'une très grande légèreté. Dans un communiqué du 6 avril 2005 intitulé « semer le maïs : ou est le problème ?», l'AGPM affirme que « semer du maïs aujourd'hui est raisonnable » car « la France est en zone tempérée et l'on peut s'attendre à un printemps pluvieux, voire à un été arrosé, qui limiteraient ainsi les besoins des cultures en irrigation ». Malheureusement, cette prévision météorologique ne s'est pas confirmée et la France est aujourd'hui gravement touchée par la sécheresse.

Sur le fond, l'AGPM s'oppose à la mise en place d'un système incitatif de redevance. Sa revendication principale a été exprimée lors de son dernier congrès tenu en septembre 2004 : « le stockage de la ressource en eau doit être une priorité stratégique pour l'état français (...). La loi sur l'eau doit être l'occasion d'inscrire cette priorité de façon ambitieuse ». Les irriguants voudraient en fait que soient construits des barrages pour stocker l'eau l'hiver et l'utiliser lors des périodes de sécheresse. Cette proposition, qui est actuellement relayée par le ministre de l'agriculture, constitue une aberration économique et environnementale. D'un point de vue économique, le financement des barrages sera à la charge de la collectivité. Les particuliers seront donc sollicités dans leur porte-monnaie pour assurer la viabilité d'une production agricole déjà hautement subventionnée. D'un point de vue environnemental, ce choix revient à accroître par tous les moyens possibles l'accès à la ressource aquatique ce qui reste le meilleur moyen de désinciter aux économies d'eau. Cette politique de la fuite en avant, coûteuse et déraisonnable, se heurtera un jour ou l'autre à la rareté de la ressource.

IV. Les propositions de l'UFC Que Choisir

1- Pour une politique nationale de l'eau : mettre fin aux « dérives localistes » des agences de l'eau en harmonisant les redevances

La logique de la gestion de l'eau par bassin hydrographique s'impose de façon évidente. Elle est d'ailleurs pleinement reconnue par la directive cadre européenne. De la même façon, il est logique que les agences de l'eau puissent moduler leur redevance et leur aide selon le contexte environnemental et économique. Malheureusement, cette gestion, très locale et assumée par un processus décisionnel peu responsable, a aboutit à des aberrations. La redevance très faible que paye les irriguants dans les bassins fortement touchés par la sécheresse illustre parfaitement les travers du système des agences de l'eau. L'UFC Que Choisir estime qu'il est nécessaire de créer les bases d'une politique nationale de l'eau. Très concrètement, cette politique implique une harmonisation des coefficients de redevances. Le Parlement devrait ainsi définir des fourchettes de coefficients de redevance qui, tout en laissant une marge d'adaptation, donnerait un axe politique clair à toutes les agences de l'eau. Enfin, le contrôle des aides et des redevances des agences de l'eau par la représentation nationale assurerait une plus grande transparence du système et jetterait les bases d'un véritable débat citoyen sur la gestion de l'eau.

2- Rendre économiquement possible la reconversion de l'agriculture irriguée

Une politique de lutte contre la sécheresse doit se fixer des objectifs ambitieux d'incitations économiques qui permettent de diminuer l'irrigation sans déstabiliser l'équilibre économique des exploitants. Il est nécessaire de rapprocher le niveau de rentabilité des productions non irriguées de celui des productions irriguées. Cette convergence passe logiquement par :

- une taxation véritablement incitative de l'irrigation en exerçant une forte hausse de la redevance payée par les exploitants aux agences de l'eau.

- un soutien financier pour les reconversions vers les cultures alternatives à l'irrigation. Ce soutien proviendrait notamment du produit de la taxe exercée envers les irriguants.

La taxation sans l'aide à la reconversion permettra de diminuer la consommation d'eau mais risque d'handicaper le revenu des agriculteurs. La seule politique d'aide à la reconversion ne parviendra pas à faire basculer les agriculteurs qui ont fortement investi dans l'irrigation.

Selon l'UFC Que Choisir, c'est la conjonction de ces deux mesures (taxes sur l'irrigation, aides à la reconversion) qui permettrait un changement structurel des productions agricoles.

Rappel des propositions de l'UFC Que Choisir :

- Instituer un contrôle des agences de l'eau par la représentation nationale les coefficients de redevances des agences de l'eau sont votés chaque année par le Parlement. Le contrôle du Parlement permettra à la représentation nationale de prévenir des dérogations locales qui nuisent à l'environnement et qui sont contraires à l'intérêt général.

- Un fort relèvement de la redevance applicable à l'irrigation, pour inciter les agriculteurs à diminuer leur consommation d'eau, et qui constituerait une écotaxe anti-sécheresse.

- Aider au développement des cultures printanières, en reversant le produit financier de l'écotaxe anti-sécheresse aux agriculteurs qui désirent reconvertir leurs cultures irriguées.

Annexe

La réforme de politique agricole commune va-t-elle diminuer le recours à l'irrigation ?

Résumé : Parmi les mesures issues de la nouvelle PAC seul le système du droit au paiement unique ouvre la possibilité d'une baisse de l'irrigation. Par ce biais, les subventions touchées par les producteurs de maïs ne sont plus mécaniquement liées au recours à l'irrigation. Mais l'impact de cette politique est très aléatoire, notamment parce que les exploitants voudront continuer à amortir leur investissement dans les dispositifs d'irrigation.

La politique agricole commune (PAC) porte une lourde responsabilité historique dans le développement de l'irrigation. La prime au maïs irrigué, créée en 1992 et qui octroie 457 euros à l'hectare, a constitué un très fort signal économique en faveur de cette culture. Les autorités européennes ont heureusement revu ce dispositif lors de la réforme de 2002.

La principale réforme de la PAC consiste à instaurer le système des droits à produire unique (DPU). Par ce biais, la PAC organise un découplage entre l'évolution des aides et l'évolution du niveau de production. La France a retenu l'option d'un découplage partiel. Jusqu'en 2013, les exploitants touchent une aide fixe calculée à partir du montant des subventions qu'ils ont reçue entre 2000 et 2002. Dans cette logique, la réforme prévoit que les aides ne seront plus indexées sur le recours à l'irrigation. Par exemple, si un producteur de maïs irrigué décide de réduire son recours à l'irrigation, ou de reconvertir une partie de ses cultures, son choix affectera peu le montant des aides reçues (2).

Théoriquement, cette réforme ouvre la possibilité d'un moindre recours à l'irrigation puisque ce mode de production n'est plus une condition sine qua non à l'attribution des aides. En réalité, l'impact de la réforme sur les choix d'irrigation reste très aléatoire. Le rapport du Ministère de l'agriculture de février 2005 indique que « la mission n'a trouvé que peu d'informations permettant d'évaluer quel pourrait être l'impact de la nouvelle PAC sur la demande en eau d'irrigation ». En effet, de nombreux agriculteurs ont investit dans des coûteux systèmes d'irrigation et peuvent décider de continuer à utiliser ce régime de production afin d'amortir leurs investissements.

La principale étude menée en France a été effectuée par ARVALIS ? Institut du végétal à la demande du Ministère de l'agriculture et porte sur des exploitations du nord de l'Aquitaine. Soulignant la complexité de la réforme, l'Institut estime qu' « il est encore trop tôt pour évaluer avec précision l'influence de la PAC sur l'évolution des systèmes irrigués dans la diversité des situations régionales. On peut néanmoins penser que dans de nombreuses situations, ils resteront relativement stables et que la demande en eau agricole demeurera importante pour assurer la stabilité des rendements et donc des revenus ainsi qu'une bonne qualité des produits ».

Enfin, une étude beaucoup plus approfondie à été présentée par une équipe de chercheurs espagnols au dernier séminaire annuel de l'association européenne des économistes agraires (3). Par un travail de simulation économique, l'étude examine les différents moyens de diminuer la consommation d'eau des agriculteurs du bassin de la Duero en Espagne. L'étude fixe deux objectifs à atteindre : une réduction de l'irrigation et un maintien du revenu agricole à un niveau soutenable. Il ressort que l'utilisation exclusive de la tarification de l'eau ou d'un changement de la PAC ne sont pas les meilleures solutions. Les auteurs concluent que « la tarification de l'eau et la politique agricole sont des facteurs d'égale importance pour réduire la consommation d'eau ».

Une autre réforme de la PAC vise à consolider le volet « développement rural » des aides communautaires. Par le mécanisme de la modulation, une petite partie des subventions communautaires seront prélevées pour venir abonder le fonds d'aide au développement rural. Ce fonds va prioritairement subventionner des exploitants sur des projets qui favorisent les externalités positives de l'agriculture : protection de l'environnement, lutte contre la désertification rurale, amélioration de la qualité des produit etc.. Une partie des fonds seront ainsi utilisés pour modérer la consommation agricole d'eau. Plusieurs programmes subventionnés au titre du développement rural ont été créés en ce sens. En Espagne, dans la région de Castille-Manche, le programme incite les exploitants à reconvertir leur culture d'irrigation. Malheureusement, le volet développement rural va engager des fonds assez modestes. A partir de 2007, il est prévu que 5 % des aides accordées en France reviennent à ce volet de la PAC, ce qui représentera 270 millions d'euros par an. Ainsi, la protection de la ressource aquatique bénéficiera au mieux de quelques dizaines de millions d'euros de subventions. Il convient donc de renforcer ce mécanisme vertueux. La proposition de mise en place d'une écotaxe anti-sécheresse, dont les fonds serviraient d'aide à la reconversion des cultures irriguées, s'inscrit pleinement dans cette logique.

Tableau de synthèse

Sécheresse, irrigation et redevances des agences de l'eau

Coefficient de redevancepayé par l'irriguantEn centimes euros/m3

Nombre de départementsen situation « préoccupante » de sécheresse

Adour-Garonne

0,23

9

Artois-Picardie

1,25

0

Loire Bretagne

0,75

6

Rhin Meuse

1,14

0

Rhône- méditerranée-corse

0,13

2

Seine-Normandie

1,50

1

Source Ministère de l'agriculture, 2005, d'après données du Ministère de l'écologie et du développement durable. N.B : le niveau « situation préoccupante » est le plus élevé dans le domaine de la sécheresse. Vient ensuite le niveau « situation de vigilance ».

(1) Les états des lieux pour la transposition de la directive cadre européenne (disponibles sur les sites internet des agences de l?eau).

(2) La France a maintenu un couplage production/aides à hauteur de 25 % pour les grandes cultures comme le maïs. Une baisse de la production induit donc une baisse modérée du montant des subventions.

(3) « Multi-critéria policy scenarios analysis for public management of irrigated agriculture », L.Riesgo et J.A Gomez-Limon, EAAE seminar, 3-5 février 2005.

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