Projet de loi Agriculture et AlimentationUn texte sans grande ambition qui ne réglera pas les crises agricoles
Depuis le début de l’année, plusieurs chantiers se sont ouverts dans la suite des Etats Généraux de l’Alimentation (EGA) : projet de loi, plans de filières et plans thématiques. Alors que le projet de loi agriculture et alimentation est sur le point d’être discuté dans l’hémicycle à l’Assemblée nationale mardi 22 mai, les organisations membres de la plateforme citoyenne pour une transition agricole et alimentaire1 alertent sur la stratégie agricole et alimentaire française qui semble se dessiner. Après environ 10 mois de travaux, il est difficile de retrouver l’ambition annoncée des EGA dans les processus en cours. Au-delà de l'enjeu de lisibilité des mesures, amoindrie par le morcellement des dispositifs, la batterie de propositions n'est pas à la hauteur des conclusions des ateliers des EGA et des attentes des citoyens.
Un manque de cohérence entre les différents dispositifs :
• Alors que les questions relatives à la baisse de l’utilisation de produits phytosanitaires, la protection de la biodiversité et la lutte contre le changement climatique constituent de réelles attentes sociétales et sont pour certaines l’objet d’une commande publique (ex. Plan phytosanitaire), il apparaît qu’elles ne sont quasiment pas traitées au sein des plans de filières.
• Alors que l’agriculture pèse à elle seule 20 % des émissions de gaz à effet de serre et que les politiques agricoles et alimentaires françaises doivent s’aligner sur les objectifs de l’Accord de Paris à hauteur d’une division par 2 des émissions du secteur agricole d’ici à 2050, il n’y a aucune référence à la protection du climat dans le projet de loi et très peu dans les plans de filières !
• L'interdiction du glyphosate dans les 3 ans ne figure plus dans la loi, ni dans le plan phytosanitaire.
• L’objectif de 50 % de produits de qualité, dont 20 % de produits bio dans la restauration collective d’ici 2022, ne trouve pas de concrétisation dans le grand plan d'investissement. Ce dernier, disposant de 5 milliards d’euros ne prévoit pas de financement spécifique pour la territorialisation de l’alimentation.
• La mesure consistant à instaurer un plat végétarien hebdomadaire, plébiscitée par les citoyens dans le cadre de la consultation citoyenne lancée en ligne à l’occasion des EGA, a été rejetée par le gouvernement lors de l’examen en Commissions à l’Assemblée nationale.
• Si l’interdiction des œufs issus de poules en cages constituait un engagement de campagne du Président de la République, rappelé lors de son discours à Rungis, le Ministre de l’Agriculture n’a pas souhaité l’inscrire dans la loi préférant le renvoyer aux plans de filières. Pourtant, dans ces plans de filières, analysés par la plateforme, les ambitions sont insuffisantes et ne suffiront pas à elles seules à faire évoluer les pratiques.
• Le relèvement du seuil de revente à perte, présenté par le Gouvernement comme la mesure phare pour augmenter le revenu des agriculteurs, ne permettra pas de relever les prix agricoles puisque le projet de loi ne contient aucune mesure pour obliger la grande distribution ou les industriels à répercuter aux agriculteurs les sommes prélevées. En revanche, l'impact inflationniste sera certain et immédiat sur les consommateurs. Selon les estimations il représente entre 800 millions et 5 milliards d’euros pendant les deux ans que durera l'expérimentation.
De nombreuses priorités passées à la trappe dans le projet de loi :
Les parlementaires ont déjà commencé leur travail puisque le projet de loi est déjà passé par deux commissions. Et même si des avancées intéressantes ont pu être notées en commission développement durable, elles sont pour une grande partie passées contre l’avis du gouvernement, et nombre d’entre elles ont été supprimées lors du passage en commission des affaires économiques.
La Plateforme citoyenne pour une transition agricole et alimentaire demande aux députés de rétablir de la cohérence pour impulser une réelle transition lors des débats à venir en inscrivant dans la loi :
• La définition d’un prix abusivement bas, en-dessous duquel l’aval ne pourra pas acheter de produits agricoles, et la mise en place d’un arbitrage public des relations commerciales, ainsi que la suppression du relèvement du seuil de revente à perte (SRP).
• Un soutien structurant à des filières et des dynamiques de Commerce Équitable « origine France », comme filières internationales, en tant que démarche permettant d’apporter aux consommateurs des garanties, vérifiées et tracées, sur la juste rémunération des producteurs.
• La santé environnementale avec l’interdiction du glyphosate à 3 ans, l’encadrement des néonicotinoïdes, des perturbateurs endocriniens, des huiles minérales, des additifs, mais aussi des nanomatériaux dans l’alimentation. Malgré un rapport sans appel de l’IGAS, rien n’est fait pour interdire au plus vite les pesticides les plus dangereux dans la loi.
• La protection des riverains des zones cultivées en instaurant des zones sans pesticides de synthèse aux abords des habitations.
• Un meilleur étiquetage pour les consommateurs : mode d’élevage, nourri aux OGM, nombre de traitements pesticides, etc.
• Le renforcement de la sécurité sanitaire de notre alimentation, notamment en redonnant les moyens à l’Etat d’être plus efficace, en exigeant plus de transparence sur les contrôles, la prévention et la gestion des crises et en stoppant l’impunité des industriels grâce à des sanctions exemplaires.
• La réglementation de la publicité et du marketing qui ciblent les enfants pour des produits trop sucrés, trop gras, trop salés.
• La prise en compte des protéines végétales au même titre que les protéines animales et l’introduction des repas végétariens dans les restaurations collectives.
• La mise en place de contrôles vidéo en abattoirs, conformément à l’engagement électoral d'Emmanuel Macron, et l’interdiction de la production d’œufs issus de systèmes en cages.
• Des mesures permettant l'atteinte d'une optimisation des actions de fertilisation azotée.
• L’objectif pour l’Etat de ne pas participer à travers ses achats à la déforestation dans le monde, anticipant ainsi sur la très prochaine Stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée.
1Les organisations membres de la PCTAA :
Action contre la Faim / ActionAid France / Agir Pour l’Environnement / Agronomes et Vétérinaires Sans Frontières / Amis de la Terre France / Association française des Diététiciens Nutritionnistes / Association Max Havelaar France / Attac France / BLOOM / CCFD-Terre Solidaire / Commerce Équitable France / CIWF France / CMR (Chrétiens dans le Monde Rural) / Comité français pour la solidarité internationale / Coordination SUD / CRID / Criigen / Eau et Rivières de Bretagne / Fédération Artisans du Monde / Fédération des Associations pour le Développement de l’Emploi Agricole et Rural (FADEAR) / Fédération Nationale d’Agriculture Biologique / Fermes d’Avenir / Filière Paysanne / Fondation pour la Nature et l’Homme / Foodwatch France / France Nature Environnement / Générations Futures / Greenpeace France / Ingénieurs Sans Frontières AgriSTA (Agricultures et Souveraineté Alimentaire) / LPO / Miramap / Mouvement de l’Agriculture Bio-Dynamique / Nature et Progrès / OGM dangers / Oxfam France / Plateforme pour une petite pêche / REFEDD (Réseau Français des Etudiants pour le Développement Durable) / RENETA (Réseau National des Espaces-Test Agricoles) / Réseau Action Climat / Réseau CIVAM / Réseau Cocagne / Réseau Environnement Santé / RESOLIS / Secours Catholique - Caritas France / SOL / Syndicat National d’Apiculture / Terre & Humanisme / Terre de Liens / UFC-Que Choisir / Union Nationale de l’Apiculture Française / WECF France / WWF France
Chaque position exprimée dans ce document est approuvée par la majorité des organisations membres de la plateforme, mais n'est pas nécessairement la position de chacune d'entre elles.