Première victoire majeure !Grâce à l’action de nos ONG un premier Tribunal administratif (celui d’Orléans) annule les arrêtés préfectoraux validant les chartes pesticides dites de bon voisinage de 5 départements !
Ces décisions majeures pourraient faire boule de neige. En effet, nos organisations ont engagé en tout 43 recours contentieux contre ces chartes que nos ONG jugent illégales et non protectrices pour les populations.
43 recours déposés par nos ONG
En 2022 et 2023, nos ONG (1) ont déposé 43 recours contentieux devant les tribunaux administratifs contre les chartes dites de bon voisinage. Nos ONG et leurs conseils considèrent que ces textes ne sont pas à la hauteur des enjeux sanitaires posés par l’exposition des riverains aux pesticides et sont entachés d’illégalités sur plusieurs points.
5 départements concernés par les décisions du Tribunal Administratif d’Orléans
Attaquées localement par nos ONG (2), par une association locale et une habitante, les chartes départementales étaient censées définir les règles d’application locales des pesticides notamment pour ce qui est des « distances de sécurité » à respecter. Cinq départements sont concernés par les jugements du Tribunal administratif d’Orléans : Loiret, Cher, Indre-et-Loire, Eure-et-Loir et Loir-et-Cher.
Le juge a retenu deux griefs contre les chartes départementales.
Des conditions supplémentaires illégales qui réduisaient encore les distances avec les habitations
La première concerne la notion de « zones attenantes aux bâtiments habités et aux parties non bâties à usage d’agrément contiguës à ces bâtiments », qui incluent les bâtiments d’habitation et de vie, ainsi que les cours et jardins.
Les chartes restreignaient ces notions en ajoutant des conditions liées à la durée et la fréquence de présence des personnes dans les zones, ainsi qu’à la taille des propriétés. Pour le juge, « en précisant cette notion », les représentants de l’État dans le Loiret, le Cher, l’Indre-et-Loire, l’Eure-et-Loir et le Loir-et-Cher ont ajouté aux critères légaux, d’une part, la condition illégale du caractère irrégulier ou discontinu de l’occupation d’un bâtiment, et, d’autre part, les notions, incertaines et sujettes à interprétation, de « très grande propriété » et de « lieu très étendu », communique le tribunal administratif. Nos organisations et leurs conseils avaient clairement pointé ce problème inacceptable.
Ces dispositions avaient pour objectif d’adapter localement les distances de sécurité. À condition « d’apporter des garanties équivalentes en matière d’exposition des habitants et des travailleurs ainsi que les modalités d’information préalable à l’utilisation de ces produits ».
Une information des riverains préalable aux épandages trop imprécise pour être protectrice
Le second grief concerne l’information des riverains : « Les modalités fixées par la charte sont imprécises et ne permettent donc pas d’atteindre l’objectif d’information préalable », estime le tribunal. C’est aussi un point majeur soulevé par nos organisations ! Pour rappel, était considéré comme une information préalable par les utilisateurs de pesticides le simple fait par exemple de disposer d’un gyrophare allumé au moment de l’épandage. Pour nos organisations il ne pouvait clairement pas s’agir d’une information préalable à la pulvérisation des pesticides !
5 premiers arrêtés préfectoraux annulés
Pour le Tribunal Administratif, ces arrêtés « méconnaissent » les articles du Code rural et de la pêche maritime qui encadre l’utilisation des produits phytopharmaceutiques.
« C’est une grande victoire pour nos ONG qui se battent depuis des années contre ces chartes et les textes nationaux qui ne sont clairement pas assez protecteurs pour les populations riveraines de zones d’épandages exposées aux pesticides. » déclarent les ONG. « Reste à savoir si ces décisions vont désormais s’étendre aux autres départements où de telles chartes ont été adoptées et attaquées par nos soins. Comme nous l’avions montré nombre d’entre elles sont des copiés-collés du contrat de solutions fourni par la FNSEA à ses antennes locales. Gageons que l’effet domino va se produire et que nous pourrons enfin espérer la fin de cette mascarade et la mise en place de règles et mesures vraiment protectrices pour ces populations vulnérables. » concluent-elles.
Retour sur l’historique de ce dossier
Grâce à la pression des ONG et des riverains, la question de la protection des riverains vis-à-vis des pesticides a fini par faire l’objet d’une « attention » particulière des pouvoirs publics. C’est suite à un premier recours déposé contre l’arrêté de 2006 encadrant l’utilisation des pesticides et la publication d’un nouvel arrêté paru le 4 mai 2017 qu’est apparu l’article 83 de la loi « EGAlim » du 30 octobre 2018 prévoyant que l’usage de produits phytosanitaires à proximité de zones d’habitation soit subordonné à la mise en place de mesures de protection des personnes qui y vivent (notamment les fameuses Zones de Non-Traitement = ZNT), à compter du 1er janvier 2020. Deux textes réglementaires ont été publiés en 2019 à l’issue desquels des premières chartes dites de bon voisinage ont été élaborées et publiées en 2020. Insatisfaits des textes proposés en décembre 2019, nos ONG ont déposé un nouveau recours à la suite duquel le Conseil d’État dans sa décision du 26 juillet 2021, a demandé d’adapter et de compléter le dispositif proposé sur quatre aspects, dans un délai de 6 mois :
- Élargissement des ZNT aux lieux accueillant des travailleurs présents de façon régulière ;
- Renforcement des distances de sécurité pour les produits suspectés d’être Cancérogènes Mutagènes Reprotoxiques (CMR2) ;
- Les chartes devaient obligatoirement prévoir une information préalable des riverains et personnes à proximité des parcelles ;
- Les chartes révisées devaient être soumises à consultation publique par le préfet, conformément aux dispositions de l’article L. 123-19-1 du code de l’environnement.
Ainsi, en application du décret n°2022-62 du 25 janvier 2022, intégrant ces nouvelles dispositions, les chartes d’engagement, formalisées début 2020, devaient être complétées pour répondre au nouveau contexte réglementaire. L’arrêté et le décret du 25 janvier 2022 relatifs aux mesures de protection des personnes lors de l’utilisation des pesticides prévoient que les chartes d’engagement soient modifiées conformément à ces nouvelles dispositions. De nouveaux projets de chartes ont donc été mis en consultation à l’été 2022. Comme en 2020, les projets de chartes ont été rédigés par les chambres d’agriculture et après consultation proposées à l’approbation des préfets. Générations Futures avait dressé un état des lieux sur ces chartes. Suite à cet état des lieux, nous avons décidé d’engager avec d’autres ONG des recours gracieux puis 43 contentieux contre ces textes.
(1) Voir : https://www.generations-futures.fr/actualites/pesticides-chartes-justice/ Les organisations requérantes étaient : Générations Futures, l’UFC-Que Choisir, l’Union Syndicale Solidaires, FNE Pays de la Loire, Nature environnement 17, FNE Midi-Pyrénées, et les organisations solidaires étant l’AMLP, le Collectif des Victimes des pesticides de l’Ouest.
(2) Générations futures et l’union syndicale Solidaires, les UFC-Que Choisir du Cher, d’Orléans, du Loiret et d'Indre-et-Loire, la société d’étude de protection et d’aménagement de la nature en Touraine (Sepant) et une habitante du Loiret.