Négociations sur le secteur optionnelLa facture de l’augmentation des médecins bientôt adressée aux plus modestes ?
Alors que l’Assurance maladie confirmait en mai dernier l’accentuation du phénomène des dépassements d’honoraires (2,5 milliards d’euros en 2010, soit - en euros constants - un doublement en 20 ans), l’UFC-Que Choisir s’alarme des négociations conventionnelles en cours de finalisation (prochaine réunion le 20 juillet) entre médecins et Assurance maladie, qui réactivent le désastreux projet de création d’un secteur tarifaire optionnel.
En effet, le secteur optionnel envisagé autoriserait certains médecins spécialistes (chirurgiens, anesthésistes, gynécologues obstétriciens) à pratiquer des dépassements d’honoraires pouvant atteindre 50 % du tarif de base, à condition qu’ils réalisent 30 % de leurs actes au tarif conventionné. Une aubaine pour les médecins concernés qui bénéficieraient ainsi d’une clientèle solvabilisée- puisque les complémentaires santé s’engageraient à prendre en charge ces dépassements- et d’un financement d’une partie de leurs cotisations sociales par la collectivité.
La prise en charge par les complémentaires santé est présentée, par les partisans du secteur optionnel, comme l’antidote pour l’usager au renchérissement des soins. Ce plaidoyer est parfaitement illusoire puisque ses cotisations, déjà en croissance de 52 % entre 2001 et 2008, exploseraient sous l’effet de l’augmentation du prix moyen des actes concernés. Quant aux 4 à 5 millions de Français dépourvus de couverture complémentaire, parmi les plus modestes, ils devraient assumer seuls le poids écrasant des dépassements d’honoraires ! Cette incidence, malicieusement gardée sous silence, est d’autant plus préoccupante que 16,5 % des Français déclarent d’ores et déjà renoncer à des soins pour des raisons budgétaires.
Les contreparties demandées aux médecins sont en outre largement en trompe-l’œil. Tout médecin doit, dès aujourd’hui, réaliser une part de ses actes à prix conventionné (pour les bénéficiaires de la CMU complémentaire ou les actes d’urgence, par exemple). Le plafond de dépassement autorisé est quant à lui très élevé puisque calqué sur la moyenne actuelle de 54 % (1) ! Faut-il rappeler que la loi exige que les dépassements soient déterminés avec « tact et mesure »?
Bref, le secteur optionnel revient à pérenniser et légitimer les difficultés d’accès aux soins existantes, en augmentant de surcroît le déficit de l’assurance maladie par les aides supplémentaires accordées aux médecins bénéficiaires. Et loin d’être limité à 3 spécialités, l’enjeu de l’accord devant être signé est immense. En effet, au vu des velléités des syndicats de professionnels de santé de généraliser le secteur optionnel, le risque est grand que son périmètre actuel ne soit que la 1ère pelletée de terre de l’enterrement de l’égal accès aux soins.
Profondément attachée à l’accès de tous à des soins de qualité et refusant qu’une réforme de la rémunération des médecins se fasse au détriment des usagers du système de santé, l’UFC – Que Choisir :
réclame l’abandon du secteur optionnel, inefficient et coûteux ;
demande un réexamen de la rémunération des actes médicaux, auquel tous les payeurs (assurance maladie, organismes complémentaires, usagers) devront être associés ;
presse le gouvernement de s’attaquer enfin aux dépassements les plus élevés.
(1) Dépassement moyen facturé en 2010 : 54 % du tarif opposable (étude CNAM-TS de mai 2011)