Musique en ligneL'accès à la diversité culturelle en berne
Le Bureau Européen des Unions de Consommateurs (BEUC) à Bruxelles et l'UFC-Que Choisir rendent publics deux tests exclusifs pan-européens sur la distribution de la musique en ligne : l'un porte sur la diversité de l'offre (1), l'autre sur l'interopérabilité des formats proposés (2).
(1) La grande pauvreté de l'offre musicale des sites de vente en ligne testés en Angleterre, en Allemagne, en Hollande et en France fait barrage au développement de la diversité culturelle. Sur un échantillon de 260 titres d'artistes balayant plusieurs répertoires d'audience internationale, ayant déjà manifestement rencontré un public et disponibles dans l'univers physique, 95 % des références sont absentes du site E-compile en France, 70 % sur T-Online en Allemagne, 63 % sur Sony Connect, 60 % sur Itunes store en Angleterre.... Les musiques classiques sont presque totalement oubliées ( à 90 %), quel que soit le site testé.
La restriction de l'offre conduite principalement par les grands producteurs, déjà constatée dans l'univers physique, révèle une recherche prioritaire de la rentabilité à court terme. Cette attitude est d'autant plus injustifiée que certaines contraintes économiques propres à l'univers physique (coût et gestion de stockage, rétribution d'un réseau complexe de distribution...) n'existent plus dans l'univers numérique.
Cette stratégie d'appauvrissement est en complète contradiction avec la diversité des goûts et des choix des consommateurs selon leur profil. Elle a donc pour conséquence :
- de ne pas répondre aux besoins du public/consommateur,
- d'appauvrir et de restreindre la taille du marché potentiel,
- de menacer un grand nombre d'artistes produits ayant un public (même limité), qui sont sous exposés et sous distribués,
- de marginaliser des répertoires pourtant rentables mais plus faiblement que les « blockbosters ».
(2) Le deuxième test démontre l'absence quasi générale de compatibilité entre les formats de lecture. Les consommateurs qui achètent de la musique en ligne ne savent pas que le risque d'une lecture impossible du fichier téléchargé sur leur appareil de lecture est particulièrement grand. Ils sont donc amenés par la suite à « contourner » le logiciel (DRM) de cryptage.
Ils ne savent pas non plus que le producteur via le (DRM) contrôle les utilisations qu'il fait de l'oeuvre et peut unilatéralement modifier son périmètre d'usages autorisés : en nombre de copies ou de transferts de son ordinateur vers son baladeur par exemple.
Le Ministre de la Culture prend-il conscience de ces dérives liées aux formats informatiques, des insuffisances de l'offre et de leur traduction en termes d'accès à la diversité culturelle, cherche-t-il à y remédier ? Non, à l'évidence non. Son projet de loi sur le point d'être examiné au Parlement légitime la confiscation d'un marché par les majors et les grands éditeurs de logiciel en renforçant excessivement les droits et leur pouvoir.
Il est même sérieusement à craindre que le lobby des industriels au sein du CSPLA conduise à la proposition d'amendements visant à pousser encore plus loin cette logique en rendant obligatoire et systématique l'usage de dispositifs de cryptage (DRM) applicables aux logiciels peer to peer, de messagerie et de webradio.
Pour l'UFC-Que Choisir un tel blanc-seing donné à la « grosse » industrie dans l'univers numérique serait une aberration nuisible tant du point de vue de l'innovation commerciale que de l'objectif, abandonné par le Ministre, d'un accès le plus large possible à la diversité culturelle.