La scandaleuse rente des audioprothésistes
Au lendemain de la présentation du projet de loi de financement de la sécurité sociale, et s’alarmant du sous équipement des 6 millions de Français malentendants, l’UFC – Que Choisir dénonce aujourd’hui la scandaleuse rente des audioprothésistes. Dans une étude exclusive, l’association pointe les trois causes de la dérive des prix, et pour y remédier, presse les pouvoirs publics de mettre en œuvre sans délai trois solutions concrètes.
Prix des audioprothèses : une cause de renoncement aux soins pour 2,1 millions de malentendants
Malgré un prix moyen de 1550 € par appareil, soit 3100 € dans le cas très majoritaire d’un équipement des deux oreilles, les audioprothèses sont très peu remboursées par l’Assurance maladie (120 € par appareil seulement) ainsi que par les complémentaires santé, aboutissant à un reste à charge moyen de 1100 € par oreille. La comparaison effectuée par l’UFC – Que Choisir avec des pays voisins aux reste-à-charges plus faibles montre que pas moins de 2,1 millions de malentendants français ne s’équipent pas en raison d’un coût trop élevé, soit un taux de renoncement aux soins de 58 %.
Audioprothésistes : des marges brutes de 78 %, tirées par une pénurie de professionnels
L’origine de ces prix excessifs est à chercher du côté des audioprothésistes, profession qui a le monopole de la distribution des audioprothèses. Ils revendent ainsi les appareils 4,5 fois leur prix d’achat (327 €), réalisant une marge brute moyenne de 78 %. Une fois les divers frais et salaires déduits, la marge nette demeure très confortable : entre 15 % et 18 % (contre 10 % dans le déjà rentable secteur de l’optique).
Ces surcoûts résultent avant tout de la pénurie, savamment entretenue, d’audioprothésistes en France. En raison de leur faible nombre (3091, pour des besoins estimés par notre étude à 7150 professionnels), ils sont en position d’obtenir des salaires deux à trois fois plus élevés que les professions de santé comparables (infirmières ou kinésithérapeutes, à niveau de formation équivalent). Résultat : plus du tiers du prix (534 €, soit plus de 1050€ pour l’équipement des deux oreilles) revient en salaire à l’audioprothésiste. Le lobby de la profession se mobilise pour un lucratif statu quo, qui a jusqu’à présent été chèrement payé par les consommateurs. Comment admettre que le Ministère de la santé puisse plus longtemps faire le choix de préserver la rente économique des 3100 audioprothésistes plutôt que de résorber le non-équipement de 2,1 millions de malentendants ?
Fin de la vente couplée appareil-prestations de suivi : dissocions maintenant les remboursements
Aujourd’hui, l’acheteur paie d’un bloc l’audioprothèse et les prestations de suivi tout au long de la vie de l’appareil. Cela se traduit par un prix d’entrée plus élevé, et le paiement par avance de prestations qui peuvent ne pas être effectuées (fermeture de l’audioprothésiste, non-port de l’appareil, décès de l’utilisateur). La « loi Macron » a légalement supprimé cette vente indissociable. Reste à l’Assurance maladie à adapter son processus de remboursement, qui continue à lier matériel et suivi. Cela permettra de faire émerger la vérité des prix, entre l’appareil en lui-même et les prestations qui l’accompagnent.
Indépendance des audioprothésistes : des doutes sur les recommandations de produits
Le rachat en cours d’Audika - le leader français de la vente d’audioprothèses - par un fabricant l’illustre, le secteur est soumis à une progressive mise sous dépendance économique de la distribution par les industriels. Celle-ci passe par deux biais : la prise de contrôle directe des distributeurs (plus d’un point de vente sur cinq en France), et une activité de financement des audioprothésistes, via des prêts. Dans les deux cas, la contrepartie exigée est claire : mettre en avant leurs produits auprès des consommateurs. Dans ces conditions, les consommateurs peuvent-ils être sûrs que les produits recommandés sont les plus adaptés à leur audition, et garants du meilleur rapport qualité-prix ?
L’UFC – Que Choisir, résolue à obtenir la résorption de l’inacceptable sous-équipement des malentendants français, demande aux pouvoirs publics la hausse du numerus clausus pour les études d’audioprothésiste, la dissociation du remboursement de l’audioprothèse et des prestations associées, et la pleine transparence sur les liens capitalistiques et financiers qui unissent audioprothésistes et fabricants.
Retrouvez l'étude et les propositions de l'UFC-Que Choisir sur "Audioprothèses: Un marché verrouillé au détriment des malentendants" (PDF- 1379Ko)
Retrouvez l'infographie sur la perte d'audition et l'appareillage