Lisibilité des tarifs bancairesEncore un engagement bafoué par les banques !
Alors que le Comité consultatif du secteur financier a rendu publique aujourd’hui son étude sur les tarifs bancaires en 2020, l’UFC-Que Choisir dénonce la trahison par les banques de leur engagement sur la lisibilité de leurs brochures. Actant l’échec de l’autorégulation à garantir la pérennité des droits des consommateurs, l’association appelle les pouvoirs publics à créer les conditions d’une saine concurrence, génératrice de modération tarifaire.
Les frais bancaires, une manne de 25 milliards d’euros
Les frais bancaires, c’est-à-dire l’ensemble des commissions prélevées au titre de la gestion des opérations bancaires quotidiennes, se sont élevés à 25 milliards d’euros en 2018. Représentant 32 % de l’activité « banque de détail » en France1, cette manne est stratégique pour les banques, ce qui ne les incite pas à en faciliter la lecture. A titre d’exemple, la brochure de BNP Paribas comporte pas moins de 410 tarifs quand ceux de la Société Générale se répandent sur 51 pages ! Plus décourageant encore, ces prix sont affichés sur une base aussi bien annuelle que trimestrielle ou mensuelle.
Devant tant d’inintelligibilité, comment s’étonner que 14 % des saisines du médiateur de la Fédération bancaire française2 (FBF) portent sur les tarifs bancaires et que la mobilité plafonne à seulement 2,5 % en 2019 ?
Les tarifs bancaires encore plus illisibles en 2020 !
Pour faciliter la compréhension et la comparaison des offres bancaires, à défaut d’une loi, les associations de consommateurs ont obtenu des professionnels qu’ils adoptent une terminologie normalisée, présentée sous une forme cohérente, de leurs tarifs depuis 2010. Pourtant, le rapport du Comité consultatif du secteur financier (CCSF) portant sur les tarifs bancaires 2020 révèle aujourd’hui que ces avancées sont en péril, et notamment que l’extrait standard des tarifs (EST) est en voie de disparition.
En effet, alors que les banques s’étaient engagées à publier un EST regroupant les douze principaux frais bancaires (tenue de compte, cotisation carte de paiement, etc.) dans leur brochure, cette norme est devenue facultative sous prétexte de l’arrivée du nouveau document d’information tarifaire succinct (DIT) imposé par l’Europe. En conséquence, dès cette année, les 13 millions de clients de BNP Paribas, de la Société Générale, du Groupe Crédit du Nord et de HSBC en sont déjà privés !
Pourtant, alors que le document européen devait rendre plus clairs les tarifs, force est de constater que le compte n’y est pas. Plus d’un tiers des professionnels (36 %) en ont profité pour accabler encore davantage leurs clients d’une surcharge d’informations en y détaillant chacun de leurs packages bancaires. A ce jeu pernicieux, les caisses régionales du Crédit Agricole se démarquent tristement : leurs DIT de huit pages en moyenne sont trois fois plus volumineux que ceux de la concurrence !
Seule la loi est garante de la pérennité des droits des consommateurs
La décision des banques de renoncer unilatéralement à leur engagement en matière de transparence tarifaire constitue un double camouflet. Avant tout pour les consommateurs qui s’étaient habitués à l’extrait standard des tarifs et qui pourraient à nouveau être plongés dans l’obscurité des brochures.
Plus grave encore, cette décision rappelle aux pouvoirs publics combien l’autorégulation est illusoire. Reposant sur des « bonnes pratiques » fixées par les professionnels, ces dernières ne peuvent être invoquées par les consommateurs dans leurs litiges et peuvent être librement amendées. Dans ces conditions, la pérennité des autres engagements bancaires, notamment celui portant sur le plafonnement des incidents de paiement pour les consommateurs en situation de fragilité financière qui montre des déficiences3, est également menacée.
Soucieuse de garantir aux consommateurs une information pertinente et une réelle concurrence sur le secteur bancaire tout en renforçant les droits des plus fragiles, l’UFC-Que Choisir appelle les pouvoirs publics à instaurer par la loi :
- La lisibilité des brochures, notamment par la publication de l’extrait standard des tarifs et l’expression des prix en base annuelle ;
- La clarté des documents d’information tarifaire en imposant que n’y figurent que le package bancaire le plus commercialisé ;
- Le plafonnement des frais d’incident de paiement pour les clients en situation de fragilité financière.
(1) Tech disruption in retail banking : France’s universal banking model presents a risk, S&P Gobal, 2019.
(2) Rapport d’activité 2018 du Médiateur de la Fédération bancaire française, 2019.
(3) Premier bilan de l’application des engagements de modération des tarifs d’incidents bancaires pris par les banques en 2018, Communiqué de presse, Ministère de l’Economie et des Finances, 21 février 2020.