Pour que les entreprises jouent leur rôle dans l’électrification du parc automobile
Monsieur le Premier Ministre,
L’Assemblée nationale examinera le 30 avril une proposition de loi sur les flottes automobiles professionnelles. Le Réseau Action Climat et l’UFC-Que Choisir, ainsi qu’un large panel d’organisations de la société civile, vous appellent à soutenir une version ambitieuse de cette proposition de loi pour accélérer et contrôler le verdissement des flottes automobiles professionnelles.
Le gouvernement français s’est battu au niveau européen pour acter la fin de vente des véhicules thermiques neufs à partir de 2035. Nous avions alors unanimement applaudi cette victoire pour le climat qui donnait un cap clair à notre politique industrielle. Toutefois, nous avions également averti que l’atteinte de cet objectif fort supposait d’engager une profonde transition des transports, et plus largement des mobilités, en favorisant le développement des transports collectifs et des modes actifs.
Deux ans plus tard, nous tirons la sonnette d’alarme. La dynamique de verdissement du parc automobile est inquiétante. En dépit des efforts de plusieurs entreprises volontaires, l’électrification repose aujourd’hui principalement sur les ménages aisés et une très large majorité des Français sont désormais exclus du marché du neuf en raison de l’explosion des prix des véhicules sur les dernières années, notamment en lien avec la montée en gamme des constructeurs généralistes. Or, ce sont bien les ménages qui tirent la dynamique d’électrification, avec un rythme deux fois supérieur à celui des entreprises (22 % contre 11 %), alors que ces dernières représentent près de 60 % des immatriculations.
L’enjeu pour les prochaines années est donc très clair : il faut impérativement que les entreprises accélèrent leur rythme d’électrification afin que les ménages qui auront encore besoin d’une voiture aient accès à des véhicules électriques abordables. À défaut, nous assisterons à une transition à deux vitesses, laissant une large partie de la population sur le bord de la route.
En restant ambitieuse, la proposition de loi actuellement discutée au Palais Bourbon répond à ces deux objectifs. En incitant les plus grandes entreprises du pays à prendre leur juste part dans les achats de véhicules électriques, cette réforme permettra d’alimenter le marché d’occasion dans les prochaines années et ainsi de donner la possibilité aux classes moyennes et aux ménages précaires d’investir dans un véhicule moins polluant et moins coûteux à l’usage.
Dans un contexte budgétaire contraint, il est indispensable de s’appuyer sur la capacité d’investissement du secteur privé pour actionner les leviers de la transition. Plusieurs études d’impact, dont celle de l’Institut Mobilités en Transition, ont démontré que la trajectoire proposée est tout à fait atteignable pour les grandes entreprises ciblées et génère un marché de l’occasion du véhicule électrique plus dynamique pour rendre la transition plus inclusive. Le retour d’expérience d’entreprises pionnières, comme La Poste ou EDF, prouve également les bénéfices directs et indirects que cela peut engendrer.
Si la loi venait à ne pas être votée ou si son ambition venait à être trop réduite, nous risquerions de condamner les objectifs nationaux et européens de décarbonation du secteur des transports. À l’inverse, en combinant une trajectoire claire, un système de sanction efficace, en incitant les entreprises à se tourner vers les véhicules électriques les moins polluants notamment par le biais de l’éco-score, nous pouvons faire un grand pas vers une transition juste, écologique et acceptable socialement de nos mobilités.
Monsieur le Premier Ministre, vous vous étiez engagés à soutenir cette proposition de loi devant les organisations environnementales du Conseil National de la Transition Écologique le 14 mars. Nous vous appelons à honorer cet engagement et à tout mettre en œuvre pour que son ambition soit maintenue.
Nous restons bien sûr à votre disposition pour tout échange,
Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Premier Ministre, l’expression de notre très haute considération.
Signataires :
Marie-Amandine Stévenin, Présidente de l’UFC-Que Choisir
Morgane Créach, Directrice Générale du Réseau Action Climat
Jean Marie Robert, Secrétaire National CFDT Métallurgie
Diane Strauss, Directrice de Transport & Environment (T & E) France
Dominic Phinn, Directeur Transport, Climate Group
Tony Renucci, Directeur Général de l’association Respire
Véronique Devise, Présidente du Secours Catholique-Caritas France