Le secteur bancaire, la banque de détail en 21 questions
Le secteur bancaire suscite énormément de questions et peu de réponses sont à disposition du grand public. L'UFC-Que Choisir a distingué 5 grandes thématiques (poids économique du secteur bancaire, concentration, marges, mobilité des consommateurs et exclusion bancaire) et apportent, enfin, des réponses claires et objectives.
1. Le poids économique du secteur bancaire et financier
1.1 - Quelle est la place du secteur bancaire et financier ?
Le système bancaire et financier français occupe une place significative dans l'économie française. Le poids dans le produit intérieur brut français de la valeur ajoutée de l'« intermédiation financière », (correspondant à l'activité bancaire dans les statistiques de la Comptabilité nationale pour 2003) était de 3,15 % (contre 3,1 % en 2002 et 3 % en 2001) et celui des branches d'assurances était de 1,4 %.
1.2 - Quel est le nombre de comptes ouverts en France ?
L'importance économique du secteur bancaire se mesure également par le taux élevé de bancarisation de la population en France. L'accès généralisé des entreprises et surtout des particuliers aux services bancaires constitue l'une des caractéristiques économiques et même culturelles de la France de l'après-guerre. Le nombre de comptes ordinaires à vue, y compris La Poste, détenus par la clientèle est proche de 69 millions et celui des comptes à terme et sur livret de 145 millions pour une population de près de 62 millions d'habitants.
1.3 - Quels sont les résultats du secteur bancaire ?
Le résultat net de l'ensemble du système bancaire a atteint près de 18 milliards d' euros. Les sept principaux groupes bancaires français ont affiché une forte remontée des résultats en hausse de 27,1 %, soit un taux de rendement des capitaux propres proche de 15 % pour les groupes les plus performants. Leur produit net bancaire a augmenté de 7,1 %. La banque de détail est restée le principal moteur de cette croissance, mais elle a été relayée, au second semestre, par la banque d'investissement et par la gestion d'actifs.
1.4 - Quelle est la contribution de la banque de détail dans ces résultats ?
Manifestement, les principaux groupes français sont majoritairement orientés vers la banque de détail.
2. Le mouvement de concentration du secteur bancaire
2.1 - Le nombre des établissements de crédit a t-il évolué ?
De 1993 à 2003, le nombre d'établissements de crédit a diminué de plus d'un tiers. Au cours des dernières années, la concentration au niveau bancaire s'est poursuivie. Le nombre de banques commerciales se réduit de 25% en 10 ans, de 409 à 304 établissements. Les banques mutualistes et coopératives de 29%.
2.2 - Le marché de la banque de détail est-il concerné par le mouvement de concentration ?
L'accentuation la plus nette du mouvement de concentration a concerné le marché de la banque de détail, qui traite toutes les opérations de la clientèle de particuliers. Avec l'opération d'adossement du Crédit Lyonnais auprès de Crédit Agricole SA, il n'y a plus que six groupes offrant une gamme complète de services (hors La Poste) sur l'ensemble du territoire métropolitain.
2.3 - Qui contrôle la gestion des dépôts ?
Si on prend en compte non seulement les réseaux regroupés sous une même enseigne, mais également l'ensemble de leurs filiales, les 5 premiers groupes (de la prise de contrôle du Crédit Lyonnais par le Crédit Agricole) gèrent plus de 81% des dépôts de clientèle et près de 71 % des crédits. Par ailleurs, depuis 1997, le mouvement de concentration est particulièrement significatif sur les crédits à la consommation et les crédits à l'habitat.
Poids des cinq premiers groupes (Base métropolitaine) - Méthode des groupes au sens économique
2.4 - Comment ce mouvement de concentration se traduit-il en terme de part de marché ?
Sur le marché national de l'intermédiation traditionnelle, aucun établissement ne détient seul une part de marché supérieure à 15 %, mais le seuil de 25 % est dépassé par l'ensemble regroupant le réseau Crédit Agricole avec le Crédit Lyonnais. Sur les marchés de dimension départementale, pour les dépôts il y a 1 département où un établissement dépasse le seuil de 50% alors que pour les crédits cette situation prévaut dans 14 départements. Un cumul des parts respectives du Crédit Agricole et du Crédit Lyonnais montre que le seuil de 25 % serait dépassé dans 79 départements pour les dépôts et dans 83 départements pour les crédits, et le seuil de 50 % dans 3 départements pour les dépôts et 15 départements pour les crédits.
3. Inflation et marges des services bancaires
1.1 - Les prix des services bancaires ont-ils augmenté ?
On assiste à une augmentation des prix des services bancaires à laquelle s'ajoute un élargissement de périmètre du domaine payant avec la multiplication des lignes de frais annexes. Toutes banques confondues, nous avons recensé plus de 180 frais différents. Selon l'INC, le coût d'utilisation d'un compte de dépôt à vue associé aux services bancaires les plus couramment utilisés, a augmenté de 129%, en 18 ans. En 2003, le coût du panier INC a augmenté de 3,2 %. A titre de comparaison, sur un an l'indice INSEE a crû de seulement 1,96 %.
3.2 - Quelles sont les marges réalisées par les banques sur les services de paiement ?
La marge totale unitaire (revenus directs et indirects - coûts techniques et commerciaux) dégagée sur les retraits aux distributeurs automatiques, les prélèvements et les virements sont de l'ordre, respectivement, de 35%, 60% et 90%.
3.3 - Le service « virement » est-il particulier ?
Compte tenu de la quasi-nullité des coûts sur les virements, la totalité des revenus (directs et indirects) sur ce service constitue de la marge brute pour la banque. Cela explique en partie pourquoi la contribution du virement à la marge globale de la banque est loin d'être négligeable. Pour la seule année 2003 et sur les 8 banques étudiées, ce service aura dégagé une marge totale de près d' 1 milliard d'euros.
3.4 - Le cas du virement est-il isolé ?
Certainement pas. Les banques ont multiplié les frais à des prix complètement déconnectés des coûts. Tel est le cas par exemple des frais de retrait au guichet facturé 7,50 euros par le Crédit Lyonnais, quel que soit le montant retiré ou les frais de photocopie d'extraits de compte facturé 6,10 euros par la Banque Populaire. Si ces frais n'ont pas fait l'objet dans notre étude d'une reconstitution précise de l'ensemble des coûts, nous pouvons néanmoins affirmer que ces prix sont exorbitants au regard des coûts supposés pour produire ces services.
3.5 - Comment les banques rentabilisent les comptes débiteurs ?
Les banques ont compris qu'il était possible d'augmenter la rentabilité d'un client par l'exploitation de son compte débiteur. Tant que le client est potentiellement solvable, la banque se satisfait de sa position débitrice. Elle peut lui appliquer des frais « sanctions ». Tel est le cas par exemple du frais « opération au-delà du découvert autorisé » facturé 4,90 euros par opération par la BRED. Les clients placés dans cette situation ne peuvent plus retirer du liquide et multiplient les paiements par carte. Cette opération ne fait l'objet d'aucun traitement particulier par la banque ( envoi d'un courrier...) et ne nécessite aucun travail en back office. Son coût de traitement est infime et le risque d'insolvabilité très faible. D'ailleurs si ce risque s'élève, la banque décide aussitôt d'engager une procédure d'interdiction bancaire. Le client doit ainsi supporter la charge des intérêts de son compte débiteur auquel s'ajoute les frais « sanctions ».
3.6 - La facturation des retraits aux DAB peut-elle se justifier ?
Le retrait au distributeur engendre des coûts réels pour les banques. Mais la possibilité de retirer de l'argent aux DAB est déjà largement financée par le prix de la carte de paiement elle-même. Aujourd'hui, les retraits aux DAB dégagent une rentabilité élevée de l'ordre de 35 %.
3.7 - Pourquoi les banques facturent-elles seulement les retraits aux DAB « déplacés » ?
Economiquement, cela ne peut pas se justifier. Notre étude démontre que les coûts d'un retrait placé et déplacé sont très proches. Autrement dit, l'interbancarité pèse très peu dans l'économie de ce service. Les banques se versent bien les unes aux autres une commission de 1 euro sur chaque retrait. Mais pour une banque cette commission est neutre puisqu'elle verse, à quelque chose près, autant de commissions qu'elle n'en reçoit. L'essentiel des coûts est donc composé par l'amortissement de la machine, son alimentation en liquide...
4. La mobilité des consommateurs
4.1 - Les clients changent-ils de banque ?
En France, le taux de clôture est de 2% par an. Ce taux d'attrition est l'un des plus faibles des marchés occidentaux. Il est possible naturellement de prétendre que les clients français ne quittent pas leur établissement car ils en sont satisfaits. En fait, le « churn » sur un marché de services donné est tout autant lié sinon plus à la politique d'attractivité de la concurrence qu'à la satisfaction client (Cf marché des services de téléphonie mobile).
4.2 - Comment peut-on expliquer cette captivité ?
La mobilité devient probable lorsque deux conditions sont réunies :
- Le consommateur a un accès aux informations sur les prix des différents établissements.
- Le coût de la migration est inférieur au gain que le changement lui procure.
Aujourd'hui, ces deux conditions ne sont pas réunies. Notre étude montre que le coût de migration (supérieur à 300 euros) est de toute façon largement supérieur aux gains liés au changement. A titre d'exemple, certaines banques facturent plus de 40 euros la clôture d'un compte et 80 euros le transfert d'un Compte Epargne Logement (CEL).
4.3 - Cette problématique est-elle franco-française ?
La Commission Européenne (DG Marché Intérieur) qui cherche à définir « un cadre juridique envisageable pour un espace de paiement unique dans le marché intérieur « (07/05/02) constate : « Dans une grande majorité de cas, un paiement est fondé sur un compte bancaire et peut uniquement être réalisé à partir d'un compte bancaire. Les divers moyens de paiement utilisables sont des services qui sont offerts en liaison avec la gestion du compte bancaire.
Dans une économie compétitive, il est important que le client soit informé du prix de chaque moyen de paiement afin qu'il puisse utiliser le moins coûteux. Mais il est parfois nécessaire de changer de prestataire. Or, les clients sont rarement très mobiles car changer de banque est une opération complexe, compte tenu de la nécessité d'informer toute une série de participants et de modifier les ordres de paiement automatiques. Outre ces problèmes pratiques, on doit également signaler que les banques prélèvent parfois des frais considérables pour la clôture d'un compte bancaire. Il est légitime de se demander si ces frais de clôture de comptes correspondent à des coûts réels ou s'il s'agit en fait de pénalités visant à décourager la mobilité. La concurrence ne peut fonctionner que si la mobilité du client est assurée. »
5. L'exclusion bancaire
5.1 - Est-il possible de se passer d'un compte bancaire ? et de services bancaires ?
Les besoins bancaires et financiers sont relatifs à une société donnée à un moment donné. Or, en France, le degré de diffusion des produits et services bancaires est élevé, notamment par le fait qu'il existe une obligation d'avoir recours à un compte pour percevoir un salaire (loi n°73-4 du 2 janvier 1973). Contrairement au Royaume-Uni où la perception de sommes en liquide est encore possible. En outre, dans notre société, il est de plus en plus difficile de régler ses factures en espèce. Les professionnels imposent de disposer de moyens de paiement modernes (CB, prélèvement ou virement).
5.2 - L'exclusion bancaire est-elle une réalité ?
L'absence de définition commune et précise ne permet pas une mesure unique de cette situation. L'exclusion bancaire est pourtant une réalité et ne cesse de progresser : il ne s'agit pas seulement des personnes qui ne possèdent pas de compte, mais aussi de ceux qui ont des difficultés d'accès et d'usage aux services bancaires... Au final, il s'agit de 5 à 6 millions de personnes « exclues bancaires ».
5.3 - Le dispositif de droit au compte est-il suffisant et efficace ?
La loi a mis en place le droit au compte (loi du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions) et défini un service bancaire de base (décret du 17 janvier 2001). Mais selon le Haut conseil du secteur financier public et semi-public, « la procédure du droit du compte ne concerne qu'une fraction absolument dérisoire de la population des interdits bancaires ».