Le passage à l'euro et ses conséquences pour les consommateurs
L'UFC-Que Choisir, présente dans 80 observatoires départementaux de l'euro, espère que l'euro sera une opération neutre, comme le promettent les pouvoirs publics. Mais les prévisions laissent envisager le contraire : menace des chèques payants ; écrasement des différences entre le premier prix et le haut de gamme ; taille et composition des produits ; modifications des seuils...
I. Ce qui est actuellement mis en place pour le passage à l'euro
1. Arrondis et seuils
Le règlement européen estime que si la différence liée à la conversion est de plus ou moins égale à 3 centimes, elle est acceptable et juridiquement correcte.
Exemple : une banque mutualiste de l'Ouest de la France a « gagné » 0,01 euro sur chaque part sociale, lorsqu'elle a effectué la conversion. En droit, cette conversion était correcte. Mais plusieurs consommateurs se sont indignés en constatant que l'opération a rapporté à cet établissement plusieurs milliers de francs.
L'UFC-Que Choisir demande que dans tous les cas où cela est possible, la conversion se fasse au profit du consommateur.
France Télécom, qui calcule ses prix sur la base de secondes, estime que la différence d'arrondis atteindrait 400 millions sur un an : le petit écart de trois centimes, en plus ou en moins, sera multiplié à une échelle immense. Le problème se pose avec autant d'acuité pour d'autres opérateurs comme les pétroliers par exemple.
L'Etat doit montrer l'exemple : il s'est engagé à modifier les seuils systématiquement en faveur du consommateur. Or il apparaît que ce n'est pas le cas sur certains seuils notamment en matière d'assurance-vie.
2. Echange des pièces et billets en francs
Les commerçants auront une double caisse francs / euros jusqu'au 17 février 2002 (date de fin du cours légal du franc). Cette période sera certainement la plus sensible à gérer.
C'est pourquoi l'UFC-Que Choisir incite les consommateurs à utiliser leurs banquiers au maximum (c'est leur métier !) pour assurer plus de sécurité et éviter les problèmes de rendu de monnaie, la queue dans les magasins.
L'UFC-Que Choisir insiste pour que cet échange soit effectué gratuitement dans toutes les banques jusqu'en mars 2002. Après cette date, l'échange doit rester encore gratuit dans l'établissement du consommateur jusqu'au 30 juin 2002.
3. Double affichage
Le double affichage, qui conformément à la règle du « ni-ni », n'est pas obligatoire, présente le double intérêt d'informer et de rassurer quant à la valse des étiquettes tant redoutée.
Toutefois, on déplore trop d'erreurs de conversion et une grande disparité sur cette pratique entre les petits commerces et la grande distribution. [Ces erreurs, notamment avec le développement des prix d'appel en euros, pourraient être qualifiées de publicité mensongère].
Certains partenaires développent le double affichage en euros majeurs, c'est-à-dire que les prix les plus apparents (et ronds) sont les prix en euros. On peut craindre de grandes disparités selon le type de magasin, facteur majeur de confusion (selon l'endroit où le consommateur se rendra, il aura des prix en euros majeurs ou des prix en francs majeurs).
Une règle impérative : le prix final en francs doit apparaître jusqu'au 1er janvier 2002 (arrêté du 3 décembre 1987). L'UFC-Que Choisir demande que ce double affichage soit obligatoire de novembre 2001 à mars 2002.
Par ailleurs, le double affichage doit être généralisé avant d'envisager un passage à l'euro majeur, qui de toute façon, ne devrait intervenir que dans les derniers mois de 2001.
4. Paiement en euros
Les chéquiers en euros sont adressés systématiquement aux clients des banques. Or, les banques ont prévu dans leurs tarifications de sanctionner lourdement l'erreur de chéquier (« frais de chèque muté »).
Les terminaux de paiement par cartes bancaires peuvent, suite à une erreur de manipulation, générer des erreurs de monnaie. Il convient également de rappeler que ni le code confidentiel, ni la carte bancaire ne sont modifiés par le passage à l'euro.
L'UFC-Que Choisir insiste pour que les banques recréditent immédiatement le consommateur en cas de litiges, mais également pour qu'elles ne prélèvent aucun frais en cas d'erreurs.
5. Paiements transfrontaliers
La simplification des voyages dans les pays de la zone euro, grâce à la suppression des frais bancaires, est un avantage majeur et concret mis en avant par les pouvoirs publics. Malheureusement, les consommateurs se sont aperçus dès janvier 1999 que les prix sur les transactions de paiement dans les pays de la zone euro n'avait diminué que de 30 % en moyenne.
L'UFC-Que Choisir soutient la proposition de la Commission européenne de plafonner, par voie de règlement, les prix des paiements transfrontaliers (paiement par carte, virement, retrait dans les distributeurs...). Cette réglementation devrait intervenir au plus tard au 1er janvier 2002.
II. Les risques du passage à l'euro
1. Les contrats : principe de continuité
Le principe de la continuité des contrats a été adopté, sauf, précise le règlement européen, si les parties en conviennent autrement. Une disposition légitime entre professionnels, mais qui peut se révéler très inquiétante pour les consommateurs. Ainsi, on connaît le nombre de contrats d'adhésion qui sont signés : le consommateur en l'espèce ne peut négocier aucune clause et se voit dans l'obligation d'accepter ou de refuser l'ensemble du contrat.
Actuellement se multiplient les signatures d'avenants destinés à prévenir toute évolution due au changement de monnaie. Par exemple, un dépliant bancaire prévoit : « Le client accepte par la présente toutes les modifications tarifaires liées au changement de monnaie. ».
L'UFC-Que Choisir sera très vigilante à toute modification de contrat qui pourrait intervenir.
2. Evolution des prix
- Politique commerciale : changement de conditionnement, de quantité, de packaging (les barres chocolatées dans les distributeurs par exemple).
- Bouleversement des prix relatifs : du fait de la conversion, les différentiels seront plus importants. Un centime d'euro vaut 6,56 fois plus qu'un centime de francs.
- Prix des produits ou services sur lesquels il y a peu de concurrence : nous craignons que les professionnels ne tentent d'augmenter les prix.
L'UFC-Que Choisir rappelle l'importance du prix au litre et au kilo qui sera le seul repère fixe et point de comparaison pour les consommateurs. Le passage à l'euro ne doit en aucun cas être un motif de perception de frais ou d'augmentation des prix.
En cas d'augmentation constatée, nous invitons le consommateur à faire jouer la concurrence ou changer de commerçant ; râler auprès du commerçant et de l'association locale ou simplement de différer certains achats en attendant que les prix se calment.
Le mois de janvier est la période des soldes. Les commerçants seront invités à inscrire seulement trois prix sur leurs étiquettes : l'ancien prix barré en francs et en euros et le nouveau prix en euros seulement. A conseiller : éviter les achats d'impulsion pendant cette période !
3. Arnaques
- Les secteurs où il y avait des brumes vont devenir complètement opaques. Par exemple, le domaine du crédit à la consommation est déjà très inaccessible pour les consommateurs
- calcul des intérêts d'un crédit renouvelable par exemple. Or la multiplication des offres et le passage à l'euro seront des facteurs d'opacité supplémentaire...
- Des professionnels qui pourraient profiter du désarroi des consommateurs. En période de déstabilisation des consommateurs, il existe toujours des gens malhonnêtes pour tenter d'en profiter.
Exemple : les démarcheurs sont allés rencontrer des personnes âgées avec ce message: « Dépêchez-vous de sortir les billets en francs, parce qu'ils ne seront bientôt plus valables. » Or, aucune monnaie euros ne sera disponible avant le 14 décembre 2001 pour les particuliers.
Sont à craindre tout particulièrement les arnaques aux « kit » (sachets de 15,24 euros en pièces, soit 100 francs). Ceux-ci seront distribués par les banques, La Poste et certains buralistes. Il faut inciter les consommateurs à échanger leurs espèces en francs uniquement dans les banques.
- Ou encore, les courtiers qui utilisent les inquiétudes des consommateurs pour leur vendre leurs produits (financiers notamment).
Pour que ce passage à l'euro se passe bien, tous les opérateurs s'accordent pour dire qu'il faut créer un climat de confiance. Or il est difficile d'être en confiance avec des professionnels réfractaires au dialogue, ou encore avec d'autres dont la motivation est de vendre à tout prix, et pas forcément « bien ».
L'UFC-Que Choisir appelle donc les pouvoirs publics et les organismes de contrôle à une vigilance et à une sévérité exemplaire.
Elle incite les consommateurs à éviter les situations « à risque » pendant cette période : pas de démarchage à domicile, change de l'argent, en francs uniquement, dans les banques.