ACTION UFC-QUE CHOISIR

Finance verteIl est urgent de mettre fin à l’écoblanchiment

Surfant sur la sensibilité toujours plus prononcée des citoyens aux enjeux environnementaux, les sociétés de gestion de portefeuille proposent de plus en plus aux épargnants des fonds dits « durables » ou « verts » en alternative aux fonds traditionnels… Or, l’UFC-Que Choisir dévoile aujourd’hui une étude approfondie (1) soulignant les failles béantes dans leur construction aboutissant à une forme d’écoblanchiment qui ne saurait perdurer. L’association appelle donc à une urgente mise à niveau de la réglementation, et demande plus particulièrement au ministre de l’Économie de verdir le principal label public, l’ISR, pour instaurer, au plus vite, la confiance sur ce marché.

Dans le cadre d’une enquête « client mystère », l’UFC-Que Choisir a passé au crible 8 fonds dits « durables » des principales sociétés de gestion des banques et des assureurs. Alors que l’Union européenne fait de l’essor de ces placements, l’une des conditions de l’atteinte de la neutralité carbone à horizon 2050, il est impératif qu’ils soient crédibles et que les conditions soient remplies pour permettre une bonne comparaison des offres.

Les comptes d’apothicaires des sociétés de gestion

Les fonds « durables » ont en commun de reposer sur l’intégration de critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (on parle alors de critères ESG) qui s’ajoutent aux critères financiers pour sélectionner les entreprises qui les composent. Alors qu’on pourrait logiquement attendre que l’objet premier de ces fonds « durables » soit d’orienter l’investissement vers des secteurs respectueux de l’environnement, ils n’ont aucune obligation de respecter des exigences minimales en la matière. Dès lors, il est d’autant moins admissible que l’absence d’harmonisation des pondérations des critères ESG puisse diluer l’enjeu environnemental, a fortiori quand l’investissement est fléché vers des secteurs notoirement nocifs à l’environnement.

Ce défaut d’encadrement aboutit à de véritables absurdités. Par exemple, les fonds d’Amundi et de Groupama AM considèrent que le poids des critères « verts » pour établir le caractère durable de l’investissement dans le secteur automobile n’est respectivement que de 37 % et 33 %, c’est-à-dire que les critères sans rapport avec l’environnement sont très largement majoritaires. Autre illustration, le bien mal nommé fonds « Actions environnement » de La Banque postale AM, composé d’entreprises enregistrant des surconsommations d’eau (+ 52 %) et des surémissions de carbone (+ 34 %) en comparaison avec leurs pairs, a pu s’afficher comme étant plus durable qu’un fonds traditionnel. Un comble !

Les failles béantes du secteur de l’analyse ESG

Les sociétés de gestion ont recours à des agences de notation spécialisées dans l’analyse extra-financière pour évaluer les performances de durabilité des entreprises qui peuvent intégrer un de leurs fonds. Or, cette activité n’est ni standardisée, ni supervisée, ce qui conduit à des divergences méthodologiques affectant gravement sa fiabilité. Ainsi, par exemple, en fonction de l’agence de notation extra-financière retenue, la consommation d’eau des 600 plus grandes entreprises européennes peut varier selon un rapport allant de 1 à 46 000 !

Alors que de tels écarts discréditent la notation ESG et plus généralement les placements « durables », il convient de souligner que ces agences sont soumises à un conflit d’intérêts patent. Rémunérées par les entreprises qu’elles notent, et à qui elles proposent des prestations de conseil, comment peuvent-elles être impartiales dans l’analyse qu’elles fournissent aux sociétés de gestion ?

ISR : le label de Bercy qui lave moins vert que vert

Devant tant de déconvenues, on pourrait attendre d’un label public qu’il soit garant d’un standard de qualité élevé. Or le label ISR, porté par Bercy et présent dans 84 % des fonds labelisés, est particulièrement laxiste. À ce jour, les fonds labellisés peuvent investir sur le secteur des combustibles fossiles et n’ont pas l’obligation d’aligner une part minimale de leurs investissements avec des activités compatibles avec la neutralité carbone à horizon 2050 (2). De plus, on ne peut que déplorer que les entreprises n’aient pas à adopter des plans crédibles pour réduire leurs effets néfastes sur l’environnement et la santé des consommateurs (cibles de baisse en valeur absolue des émissions, engagement de sortie d’activités liés à la déforestation par exemple, etc.).

Alors que le Comité du label ISR a présenté à l’automne dernier des propositions d’évolution de son cahier des charges, celles-ci pêchent par leur caractère très général, ce qui laisse craindre que la réforme demeure modeste. Bercy doit donc d’urgence changer de braquet s’il veut instaurer la confiance sur ce marché nécessaire au financement de la transition écologique.

Dans l’attente d’une stricte réglementation de l’épargne durable à l’échelle européenne mettant un terme à l’écoblanchiment, l’UFC-Que Choisir demande au ministre de l’Économie d’imposer une révision ambitieuse du cahier des charges du label ISR afin qu’il devienne un réel étalon de la finance durable, ce qui nécessite :

  • Une exclusion des entreprises portant manifestement atteinte au climat ;
  • Une sélection rigoureuse des entreprises sur le fondement de critères objectifs ;
  • Une harmonisation des systèmes de notations des sociétés de gestion afin de permettre aux épargnants de comparer les performances de leurs fonds.

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(1) Détails, sources et méthodologie de l’étude dans la présentation jointe au communiqué de presse.


(2) À titre illustratif, Greenfin, l’autre label public, impose déjà que ses fonds soient composés d’un quart d’entreprises ayant au moins 50 % de leur chiffre d’affaires en lien avec des « éco-activités ».

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