ACTION UFC-QUE CHOISIR

ElectricitéL'UFC-Que Choisir saisit le Conseil d'Etat pour effacer... la prime d'effacement

Après l’échec de la commission mixte paritaire sur le projet de loi transition énergétique qui aurait pu revenir sur le paiement inadmissible par les consommateurs de la « prime pour effacement », l’UFC Que Choisir passe à l’action. L’association  saisit le Conseil d’Etat afin qu’il annule l’arrêté finalisant ce dispositif scandaleux qui alourdit injustement la facture de l’ensemble des consommateurs et s’avère, en outre, inefficace, voire contre-productif.

En vue d’une baisse de la consommation électrique et de la réduction des gaz à effet de serre, la loi sur la sobriété énergétique de 2013 a créé le dispositif d’effacement. Il consiste à créer juridiquement le statut "d'opérateur d'effacement" distinct des fournisseurs, afin qu'ils sollicitent les consommateurs d’électricité pour qu’ils désactivent, sur une période donnée leur chauffage et/ou chauffe-eau. Cet opérateur est rémunéré en fonction du nombre de MWh ainsi effacé. La charge financière du mécanisme est imputée à la collectivité des consommateurs, via la contribution au service public de l’électricité (CSPE) payée dans la facture d’électricité. Si le décret d’application prévoyait que la prime de l'opérateur soit fixée en fonction des avantages que la collectivité peut retirer de ce mécanisme - économies d'énergie générées auprès des clients effacés et/ou de la réduction du gaz à effet de serre - l’arrêté du 22 janvier annihile toute avancée du fait d’une part de son montant et d’autre part, des modalités mêmes de cette prime.

Un système aveugle et inefficace :

Contrairement au principe énoncé dans le décret, cette nouvelle « taxe » n’est aucunement la contrepartie d’un bénéfice pour la collectivité… bien au contraire ! L’arrêté fixe en effet le montant de la prime versée aux opérateurs d’effacement à 16 € du MWh en heures de pointe et 2 € en heures creuses, quel que soit l’impact réel de l’effacement sur la consommation des ménages. En effet, ces montants forfaitaires ont été fixés en partant du principe que tous les effacements permettront de faire baisser la consommation globale de 50%. Or, selon l’ADEME, la baisse de consommation est nulle pour le chauffe-eau effacé et de 30 à 40% pour le chauffage. L’ADEME va même plus loin en indiquant, qu’il existe un risque que les clients qui effacent leur chauffage électrique pendant la période indiquée par l’opérateur, utilisent des modes de chauffage bien plus émetteurs de CO2 tels que le chauffage au fioul. Au final, loin de finaliser l’intérêt général, cette prime sert avant tout les intérêts financiers des opérateurs d’effacement au détriment des consommateurs…. mais aussi des fournisseurs.

Une réelle distorsion de concurrence:

Ce mécanisme tend à favoriser artificiellement les seuls opérateurs d’effacement au détriment des fournisseurs d’électricité qui peuvent proposer des offres tarifaires différenciées en fonction des heures de la journée. En effet, le montant de la prime, leur permettant de rendre facialement plus attractives leurs offres, constitue pour les opérateurs un avantage concurrentiel indéniable.  Cette distorsion de concurrence risque de peser fortement sur le pouvoir d’achat des ménages, tant au niveau individuel que collectif. Individuel d'abord, puisque la grande différence entre "l'effacement" par un fournisseur d'électricité et celui par un opérateur, tiers au contrat de fourniture, est que dans le premier cas le consommateur bénéficie d'un prix du KWh moins cher au moment du report de consommation, alors que dans le second, le prix du KWh est identifique à celui appliqué pendant la période effacée. Collectif ensuite, car plus les offres des opérateurs d'effacement, bonifiées par la prime, seront souscrites par les ménages effacés, plus elles seront in fine coûteuses pour l’ensemble des consommateurs d’électricité à travers l’augmentation de la CSPE (qui a déjà augmenté de pas moins de 2,5% au 1er janvier de cette année).

Par ailleurs, comme le relevait l’Autorité de la Concurrence, en 2013, un tel avantage est susceptible de constituer une aide d’Etat. Faut-il d’ailleurs ici rappeler que le Conseil d’Etat a récemment censuré, pour ce motif, un dispositif similaire : le tarif rachat de l’éolien.

Au vu de ces éléments, et dans la continuité de ses actions contre toute augmentation injustifiée des tarifs d’électricité et pour une meilleure maîtrise de la consommation énergétique, l’UFC-Que Choisir, toujours dans l’attente d’une évolution législative sur le dispositif même de l’effacement, a donc déposé ce jour un recours en excès de pouvoir devant le Conseil d’Etat afin qu’il annule l’arrêté relatif à cette prime injuste, inefficace, voire contreproductive.

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