Covid-19 et commercesSaine concurrence ?
Mais quel bazar ! Le premier confinement fut marqué par le grand bazar des « masques », le deuxième débute par un invraisemblable imbroglio concernant les règles d'ouverture des commerces.
Dans le cadre de la fronde de certains élus locaux ayant adopté des arrêtés pour maintenir les petits commerces ouverts face à la totale tolérance offerte à la grande distribution, le Premier Ministre a opposé une fin de non recevoir, déclarant néanmoins que les rayons « non essentiels » des grandes surfaces seraient fermés à compter de mardi.
Il faut dire que la fermeture des seuls commerces de proximité, qui plus est sur un critère inadapté à l'enjeu sanitaire et qui confine à une vision totalitaire de ce qui est « essentiel » dans la vie de chacun, avait de quoi émouvoir. J’ai été amené à m’entretenir du sujet avec le Ministère chargé de la consommation ce week-end, occasion de lui faire part de la totale incompréhension de l'UFC-Que Choisir, tant sur la forme que sur le fond, vis-à-vis des mesures décidées. Sur la forme d’abord, il est regrettable que le Président ait pris sa décision initiale de fermer les seuls petits commerces, sans consultation des parties prenantes, à commencer par les représentants de consommateurs. Cette forme de gouvernance sans aucune concertation, ni préparation préalable n'est pas acceptable en 2020. Sur le fond ensuite, et surtout, car oui, la seule fermeture des commerces de proximité pose un problème de saine concurrence au premier sens du terme.
Qui peut comprendre qu'en forçant les consommateurs à converger, transhumer vers les seules grandes surfaces, provoquant une concentration des personnes dans des allées notoirement moins contrôlées par rapport à ce que tout un chacun a pu constater dans les petites boutiques (veillant scrupuleusement au respect des mesures barrières), on est face à une décision opportune, efficace, et donc acceptable ? Le Premier Ministre annonce la fermeture à partir de mardi des « rayons non essentiels » des grandes surfaces : quels rayons inaccessibles ? Comment ? Quels contrôles ? Bref, cette mesure apparaît comme une hérésie, le qualificatif d’imbécilité ayant déjà été utilisé par un journaliste d'une célèbre matinale de radio, sur le plan sanitaire… Le critère de "biens essentiels" au lieu de celui de la capacité à réguler les flux, assurer de la distanciation, etc. manque de pertinence au-delà du fait qu'il est arbitraire.
Je m’en tiendrais là si, en outre, la décision n'impactait pas directement la survie déjà compliquée des magasins de proximité, de biens et des services, ceux qui animent les centres-villes, les chefs-lieux de canton, limitent les déplacements... Une telle décision, ouvrant un boulevard, que dis-je, une autoroute pour les plateformes de e-commerce, à commencer par les GAFAM, particulièrement Amazon, est la traduction d'une vision des modes de distribution de demain dont les consommateurs ne veulent pas, un univers régi par quelques grands opérateurs et qui tourne le dos à l'aspiration à davantage de proximité et d'humanité… Est-ce cela le monde d’après que le Président de la République appelait de ses vœux à la sortie du premier confinement ? C’est désolant !