Anne-Sophie Stamane
Laboratoires et médecinsLe Conseil d’État exige plus de transparence
Une circulaire du ministère de la Santé prévoyait de ne pas dévoiler la rémunération des médecins perçue dans le cadre d’une prestation ou d’un essai clinique pour le compte d’un laboratoire. Le Conseil d’État annule cette exception.
Il n’y a aucune raison de passer sous silence les rémunérations perçues par des professionnels de santé dans le cadre d’un contrat avec un laboratoire pharmaceutique, pour une intervention lors d’un congrès ou pour un essai clinique, par exemple. Ainsi en a décidé le Conseil d’État, le 24 février dernier, en annulant les dispositions d’une circulaire du ministère de la Santé qui faisait de ces contrats une exception à la règle de transparence en vigueur. Il satisfait par là une demande du conseil de l’Ordre des médecins.
Pour saisir l’enjeu de cette décision, il faut remonter à 2013. À compter du mois d’octobre, en application de la loi sur la sécurité du médicament, le montant des avantages en nature ou en espèces accordés par les entreprises du secteur de la santé aux médecins, étudiants en médecine et autres professionnels de santé doit être déclaré et publié, d’abord sur le site de l’Ordre des médecins, puis, à partir de juin 2014, sur le site dédié transparence.sante.gouv.fr. Les contrats de prestation sont exclus de cette obligation, car ils ne sont pas considérés comme des avantages. C’est-à-dire qu’ils sont signalés, mais les sommes en jeu sont gardées secrètes.
Résultat, n’apparaissent sur le site gouvernemental que des notes de restaurant ou d’hôtel, et des frais de transport ou d’inscription, pour des montants modestes, en général compris entre 20 et 250 €. Pendant que les dizaines de milliers d’euros versés en échange de l’organisation d’un essai clinique ou d’une allocution sous la bannière d’un industriel lors d’un congrès sont soigneusement soustraits aux regards indiscrets ! Pourtant, c’est bien à l’occasion de ces juteux contrats que les laboratoires employeurs nouent des liens privilégiés avec des médecins devenus leurs employés, tout disposés, de ce fait, à jouer avec zèle leur rôle de leader d’opinion auprès de leurs pairs.
Deux ans après l’entrée en vigueur de l’obligation de transparence, la décision du Conseil d’État arrive à point nommé pour rétablir l’équilibre, et devrait normalement contraindre les autorités à jouer le jeu jusqu’au bout.