Anne-Sophie Stamane
Indépendance des médecinsLes étudiants en médecine peu protégés de l’influence des laboratoires
Sur le modèle d’un palmarès similaire réalisé aux États-Unis, des membres de l’association pour une formation et une information médicale indépendante (Formindep) ont classé les facultés de médecine françaises en fonction de leur action pour préserver les étudiants des laboratoires. Les résultats sont consternants.
Sur les 37 facultés de médecine en France, neuf à peine annoncent avoir amorcé un semblant d’action pour préserver leurs étudiants de l’influence commerciale des laboratoires pharmaceutiques. Encore faut-il tempérer : elles se sont contentées d’introduire dans leurs programmes d’enseignement un cours sur les conflits d’intérêt qu’entraînent les relations avec l’industrie pharmaceutique. Deux seulement, celles de Lyon Est et d’Angers, sont allées un tout petit peu plus loin, mais ne mettent en pratique qu’une ambition très modeste. La première se passe notamment de tout financement privé.
Ce constat affligeant est tiré d’une enquête minutieuse menée par des membres de l’association pour une formation et une information médicale indépendante (Formindep), soutenue par l’Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF), et publiée lundi dans la revue Internet PlosOne. Sur le modèle d’un palmarès réalisé depuis 2007 aux États-Unis, ils ont voulu classer les facultés de médecine françaises en fonction de leur action pour éviter que les industriels n’approchent de trop près, trop tôt, les futurs médecins. Leur travail s’est arrêté au seuil des Centres hospitaliers universitaires (CHU), où les futurs médecins poursuivent leur formation à partir de l’internat : les laboratoires y sont toutefois très présents aussi, nourrissant régulièrement les internes, organisant des réunions d’informations, fournissant des fascicules, etc.
Concrètement, les auteurs ont d’abord cherché sur le site Internet de chaque faculté de médecine la trace d’une politique vis-à-vis des laboratoires pharmaceutiques, avant d’envoyer aux doyens un questionnaire par lettre recommandée. 13 critères étaient retenus, par exemple l’interdiction des cadeaux, le refus du financement privé par l’industrie, la possibilité pour les firmes d’organiser des événements au sein de la faculté, la transparence des liens d’intérêt des enseignants, l’autorisation ou non pour les profs de rencontrer les représentants commerciaux, etc.
Un classement qui sera mis à jour l’année prochaine
Seules 3 facultés ont daigné répondre, et pas toujours favorablement, les autres ayant tout simplement ignoré le questionnaire. Les auteurs n’ont pourtant pas ménagé leurs efforts pour obtenir une réponse : ils ont relancé à cinq reprises les doyens qui ne réagissaient pas à leurs sollicitations, leur laissant plusieurs occasions de rebondir. Difficile donc de déterminer précisément leur attitude vis-à-vis des laboratoires, les informations ayant été finalement glanées par contacts personnels, mais leur silence laisse deviner tout le désintérêt porté à la problématique des conflits d’intérêt.
Mais l’espoir est permis : aux États-Unis, la première édition du classement des facultés de médecine par l’association des étudiants en médecine avait également montré une très faible mobilisation contre les liens d’intérêt. Depuis, les choses ont évolué : les deux tiers des écoles affichent désormais un score élevé. En 2013, une étude a établi que les médecins sortant des cursus les plus vertueux avaient de meilleures pratiques de prescription. Espérons qu’un tel mouvement pourra être amorcé en France. Réponse l’année prochaine, puisque le classement sera mis à jour.