Caleçon anti-ondesPrise en main
Nous avons essayé le « Boxer Brief Radiashield », un caleçon anti-onde prétendant protéger la fertilité masculine des ondes des téléphones portables et autres appareils électromagnétiques. Nos impressions.
Livré dans un petit coffret élégant, le « Boxer Brief Radiashield » a été conçu par la société new-yorkaise Belly Armor. Il est vendu 49 dollars aux États-Unis, soit 45 euros au taux de change d’avril 2015. Le distributeur pour la France, la société Alvok, le propose à 59 euros (livraison comprise) sous la terminologie Belly Armor.
Il protège la « fertilité masculine », menacée, précise l’emballage, « par l’exposition aux ondes électromagnétiques émises notamment par les téléphones portables, tablettes numériques… ». Il ne s’agit pas pour autant d’un dispositif de soin. Les conditions générales de vente précisent que ni le producteur ni le distributeur « ne prétendent pouvoir diagnostiquer, prévenir ou traiter des maladies ou autres problèmes de santé ».
La baisse de fertilité est-elle ou non un « problème de santé » ? Ce point de sémantique en tête, nous poursuivons notre découverte du produit. Le Radiashield se mérite. C’est un caleçon qui se lave seulement à l’eau froide, jamais en machine, avec un détergent doux. Il est relativement confortable, mais nous le déconseillons aux cyclistes. Les coutures sont inopportunément placées. Il est composé à 95 % de modal, une fibre textile obtenue, nous apprend Wikipédia, par « le filage de fibres de cellulose de bois, souvent du hêtre ». Le Boxer Radiashield contient aussi – d’où son nom – du Radiashield, un tissu intégrant des fils d’argent anti-rayonnement. Dans quelle proportion exactement ? On l’ignore, car la notice mentionne 5 % de Spandex (du lycra) et de Radiashield, sans plus de précision.
L’ensemble est censé avoir « les mêmes propriétés de protection qu’une feuille d’aluminium de 6 mm d’épaisseur ». 0,6 cm ? Ce n’est pas une feuille, c’est une tôle pour aile d’Airbus. En pratique, deux épaisseurs de papiers aluminium de cuisine de quelques microns bloquent totalement la réception d’un smartphone. Le Radiashield est loin d’avoir la même efficacité. Même emmitouflé dans trois épaisseurs de caleçon, nos portables captent le signal deux fois sur trois.
Aller plus loin dans les expérimentations ? Au préalable, il faudrait avoir quelques indices sur les effets des ondes des portables ou du Wi-Fi sur la fertilité masculine. On en est loin.
« Aucune preuve d’un lien de cause à effet »
Des chercheurs de l’université d’Exeter ont rendu publics en juin 2014 les résultats d’une méta-analyse portant sur dix études impliquant au total 1 492 hommes. Leurs conclusions suggéraient un faible effet sur la « motilité » des spermatozoïdes (- 8 % en moyenne). Les auteurs appelaient à la plus grande prudence dans l’interprétation de ces résultats. La motilité est assimilable à la mobilité en langage profane, pas à la fertilité ! Comme le disait le Pr Sheena Lewis, de l’université de Belfast, « une baisse de 8 % de la motilité n’est probablement pas significative en termes de fertilité réelle d’un homme ». Le Pr Richard Sharpe, de l’université d’Edinburgh, relève pour sa part que « les deux études les plus larges considérées dans l’analyse aboutissent à des conclusions divergentes ». L’une conclut à un impact, l’autre à son absence. Et quand impact il y a, « aucune preuve d’un lien de cause à effet n’est mis en évidence ». Il peut y avoir eu effet thermique, les spermatozoïdes étant sensibles à la chaleur.
En résumé, il ne serait guère sérieux de conseiller le Radiashield aux couples qui tentent d’avoir un enfant. Même s’il bloquait radicalement les ondes, ce qu’il ne fait pas plus que d’autres dispositifs anti-ondes que nous avons testés en laboratoire, ce caleçon resterait une réponse inappropriée à leur préoccupation. Ou alors, il faut admettre symétriquement que le téléphone portable en permanence dans la poche du jean est un contraceptif masculin efficace. Qui prendrait le risque ?