Élisabeth Chesnais
NitratesLe décret qui augmente la pollution
Le décret relatif à la protection des eaux contre la pollution par les nitrates d’origine agricole paru mardi 11 octobre augmente les autorisations d’épandage de lisier. Aberrant !
On se pince pour y croire. Alors que les marées vertes ont envahi de nombreuses plages bretonnes cet été, alors que les teneurs des rivières en nitrates restent élevées, le gouvernement vient d’adopter un drôle de décret signé du Premier ministre, des ministres de l’Agriculture et de… l’Écologie. Il relève en effet les plafonds d’épandage d’effluents d’élevage sur les surfaces agricoles. Or qui dit plus d’épandage dit plus de rejets de nitrates donc plus de pollution. Comme si la contamination de la ressource en eau était sans importance, comme si les questions insistantes que la Commission européenne a récemment adressées à la France à propos de la prolifération des algues vertes sur les côtes bretonnes n’existaient pas.
Officiellement, il s’agit pourtant de la « mise en œuvre des programmes destinés à protéger les eaux contre la pollution par les nitrates d’origine agricole ». L’État doit modifier les règles des programmes d’action dans les zones classées « vulnérables » aux nitrates pour répondre aux exigences de la Commission européenne qui a engagé un contentieux contre la France.
Mais le décret publié au Journal officiel ce 11 octobre va faire exploser les rejets au lieu de les diminuer. Il limite en effet les épandages à 170 kg d’azote par hectare, ce qui ne change pas, mais il se base sur la surface agricole utile (SAU) et non plus sur la surface épandable, ce qui est très différent. Jusqu’à présent la surface épandable exclut une partie de la SAU, la proximité des cours d’eau, du littoral, des habitations et autres bâtiments. En supprimant cette notion de surface d’épandage, le décret augmente de 20 % les quantités d’azote organique (effluents d’élevage) qui seront épandues sur les sols ! Et les rejets de nitrates avec.
Le Commissariat général au développement durable a récemment évalué à 215 € par habitant le coût des pollutions agricoles dans les localités les plus touchées, ce nouveau décret va encore faire grimper la facture.