Pauline Janicot
Victime de fraude bancaireComment réagir, comment contester ?
Si, en dépit de toutes vos précautions, vous êtes victime d’une fraude, agissez rapidement pour éviter que les conséquences de l’escroquerie ne soient trop lourdes.
Si, lorsque vous consultez vos comptes en ligne, vous détectez un incident, contactez immédiatement votre établissement bancaire ou, si besoin, faites opposition au moyen de paiement piraté en appelant les numéros indiqués sur votre carte bancaire ou sur le site Internet de votre banque. Car, même si la loi est de votre côté, vous devrez parfois vous armer de patience pour vous faire rembourser. « En cas de fraude avérée et signalée, de plus en plus d’établissements ont tendance à jouer la montre, en mettant en doute la non-responsabilité du client ou en lui demandant de nombreuses pièces justificatives. Le temps joue en leur faveur car, à la longue, certains particuliers se découragent et renoncent à engager une procédure », s’agace Ganaëlle Soussens, avocat à Paris XVIIe.
Piratage de chèque
Un piratage de chèque peut revêtir plusieurs formes : le montant débité n’est pas le bon, le chèque a été débité pour le bon montant mais pas par le bon destinataire ou il n’a jamais été rédigé de votre main (dans le cadre du vol d’une seule formule de chèque, par exemple). La loi impose aux banques de vérifier tous les chèques émis par leurs clients mais, en général, elles ne répondent à cette obligation que pour ceux dont le montant est supérieur à 5 000 €.
Si vous êtes victime, vous devez suivre une procédure stricte (voir encadré) pour vous faire rembourser. Sans réponse de votre établissement, réclamez à votre conseiller, toujours par écrit avec accusé de réception ou par e-mail, l’« image-chèque », c’est-à-dire la photocopie ou le scan du chèque débité en indiquant son numéro. Si ce dernier a été falsifié grossièrement (signature qui n’est pas la vôtre, modification flagrante du montant, changement évident du nom du bénéficiaire…), la banque est responsable car elle n’a pas réalisé de vérification. Elle doit donc vous recréditer rapidement du montant dérobé. Méfiez-vous si votre conseiller vous demande de faire opposition à ce chèque, car s’il a été falsifié, cette démarche est parfaitement inutile. En revanche, elle est obligatoire en cas de perte ou de vol.
Attention néanmoins, car une opposition est toujours facturée. Et si la falsification du chèque est parfaite, la banque pourrait se dégager de sa responsabilité. Il ne vous resterait alors plus qu’à l’attaquer en justice, avec un aléa important.
Piratage de virement ou prélèvement
Le piratage de votre compte par virement ou prélèvement est plus rare, à moins que vous n’ayez utilisé un accès non sécurisé ou un ordinateur infecté par un virus et ainsi laissé l’accès à vos données personnelles à un pirate. En revanche, une arnaque moins connue consiste à vous faire dérober, physiquement, vos données bancaires en agence. Son vol réalisé, l’escroc remplit un formulaire d’ordre de virement ou de prélèvement, en sa faveur, signé de votre nom.
Une fois l’argent viré sur son compte, il récupère les sommes en liquide et… disparaît dans la nature. « Cela arrive, par exemple, quand nos clients remplissent un formulaire de dépôt de chèque en agence directement sur la pile », explique un banquier. Il suffit au voleur d’empocher le formulaire vierge suivant le vôtre pour y lire, par transparence, vos coordonnées bancaires et voir apparaître… votre signature. Si vous êtes victime de ce type de vol, votre banque doit vous rembourser dans les mêmes conditions que pour un chèque falsifié. Pour éviter ce genre de piratage, remplissez vos formulaires chez vous et récupérez en agence tous les doubles où sont indiquées vos données personnelles.
Piratage de carte bancaire
Si vous vous êtes fait dérober les données de votre carte bancaire, le voleur peut réaliser des achats à distance avec vos numéros. Une fois que vous vous en apercevez, contestez rapidement les débits qui ne sont pas de votre fait auprès de votre banque pour vous les faire rembourser. Si votre code secret ou votre signature n’a pas été utilisé(e), elle ne peut pas s’y opposer.
Les nouvelles cartes bancaires intègrent une option « paiement sans contact », qui permet de régler jusqu’à 20 € chez un commerçant en approchant sa carte du terminal sans composer de code. Cette option est contestée par des techniciens car, comme la carte émet des ondes, ses données peuvent être piratées à distance.
Si vous constatez des débits frauduleux sur votre compte à cause de cette option sans contact, votre banque doit également et intégralement vous rembourser. Le GIE carte bancaire précise même que « les transactions effectuées avec la fonction sans contact ne supportent pas de franchise. Les sommes indûment débitées sont donc intégralement remboursées ».
Derniers conseils
Si vous avez la moindre présomption de fraude ou de piratage, changez immédiatement les codes d’accès à votre compte bancaire, de préférence en utilisant un autre ordinateur ou une autre application que les vôtres et toujours par le biais d’un réseau sécurisé. Appelez également votre conseiller ou envoyez-lui un mail, en lui signalant que vous soupçonnez une tentative de fraude à la carte bancaire. Il a les moyens de bloquer informatiquement d’éventuelles demandes de virement, prélèvements ou dépenses réalisées avec vos coordonnées de carte bancaire. Soyez particulièrement vigilant à l’étranger, car les pirates savent que les délais de réaction sont plus longs et ils n’hésitent pas à cibler les touristes en priorité. Enfin, si votre banque tarde à vous rembourser ou ne vous répond pas, constituez un dossier qui récapitule toutes vos démarches, en indiquant les dates (constatation de la fraude, appel au conseiller, envoi de la lettre de demande de remboursement…). Il vous sera très utile si vous devez aller devant un tribunal.
Dernier point : sachez que si le litige porte sur un montant inférieur à 4 000 €, vous pourrez vous adresser, seul, au juge de proximité, en téléchargeant un formulaire Cerfa sur Internet. Au-delà de cette somme, mais en-dessous de 10 000 €, c’est le tribunal d’instance qui est compétent. « Attention, il faut s’adresser au bon tribunal, c’est-à-dire celui du siège de la banque ou d’un de ses établissements. À défaut, l’affaire sera renvoyée devant le bon tribunal d’instance, mais des mois précieux seront perdus », précise Ganaëlle Soussens. Enfin, au-dessus de 10 000 €, vous devrez vous adresser au tribunal de grande instance. Dans tous les cas, sachez que si la banque perd, elle sera condamnée à vous rembourser votre dû et parfois une partie de vos frais d’avocat. Les établissements bancaires hésitent donc de plus en plus à aller en justice.
Mode d’emploi pour contester une fraude
Si vous avez été victime d’un piratage, vous avez treize mois pour contester l’opération frauduleuse auprès de votre banque (article L. 133-24, code monétaire et financier). Attention, « ce délai passe à 70 jours si la fraude a eu lieu hors de l’Union européenne », précise Véronique Haccoun, directrice associée ligne de services de fraudes chez Ernst & Young.
Vous devez contester l’opération frauduleuse (débit par carte bancaire, encaissement d’un chèque falsifié, virement ou prélèvement illicite…) en envoyant un courrier avec accusé de réception à votre conseiller bancaire. N’hésitez pas à glisser que l’article L. 133-18 du code monétaire et financier stipule qu’« en cas d’opération de paiement non autorisée signalée par l’utilisateur dans les conditions prévues à l’article L. 133-24, le prestataire de services de paiement du payeur rembourse immédiatement au payeur le montant de l’opération non autorisée et, le cas échéant, rétablit le compte débité dans l’état où il se serait trouvé si l’opération de paiement non autorisée n’avait pas eu lieu ». Si votre responsabilité n’est pas engagée, votre banque doit vous rembourser les sommes prélevées et vous recréditer les frais éventuels (agios…) relevant de l’opération frauduleuse (article L. 133-19). La plupart des banques exigent un dépôt de plainte pour traiter la demande de remboursement, mais ce n’est pas une obligation en cas d’utilisation frauduleuse. En revanche, il est nécessaire de porter plainte en cas de vol des moyens de paiement.
Sans réaction de votre banque, relancez votre conseiller. Il tentera peut-être de vous renvoyer vers le médiateur, mais refusez, car il ne s’agit pas d’un litige commercial mais d’une fraude régie par la loi.
Sans nouvelle de sa part au bout d’une semaine, contactez une association de consommateurs, telle que l’UFC-Que Choisir, pour vous faire épauler. En général, les banques cèdent devant les clients les plus déterminés. Si ce n’est pas le cas, il ne vous reste plus qu’à aller en justice pour faire appliquer la loi et récupérer votre dû.
3 question à Hélène Feron-Poloni
Avocate spécialisée dans la défense des épargnants au cabinet Lecoq-Vallon-Feron-Poloni
Que Choisir Argent : En cas d’utilisation frauduleuse de ma carte bancaire, que dit la loi ?
Hélène Feron-Poloni : Si la banque ne prouve pas que le pirate a pu agir à cause de votre négligence, elle doit vous rembourser. Il faut être vigilant lors du dépôt de plainte, un particulier qui s’était fait dérober son portefeuille dans un train a indiqué que le voleur l’avait sans doute vu composer son code sur le Dab de la gare. La banque s’est appuyée sur cette déclaration pour ne pas le rembourser et a eu gain de cause.
QCA : Qu’en est-il des clients escroqués par hameçonnage ?
H.F-P. : Il y a beaucoup de procédures en cours de la part de particuliers qui attaquent leurs banques pour se faire rembourser. Pour le moment, les jugements de première instance leur sont globalement favorables en reconnaissant que ceux qui ont donné leurs identifiant et mot de passe à la suite d’un hameçonnage l’ont fait de façon involontaire, puisqu’ils pensaient en toute bonne foi avoir affaire à leur banque. En revanche, certains tribunaux considèrent que la responsabilité des clients est engagée, car ils ont remis volontairement leurs codes. Mais les cours d’appel sont favorables au remboursement des clients.
QCA : En cas de contentieux lourd, faut-il faire appel à un avocat ?
H.F-P. : Devant le tribunal de grande instance, où se plaident les litiges au-delà de 10 000 €, la défense par avocat est obligatoire. Mais ce n’est pas le cas pour les litiges de moins de 4 000 € entre clients et banques, qui se règlent normalement devant le juge de proximité. En revanche, il faut savoir que la banque, elle, sera représentée par un professionnel du droit. Les particuliers ont donc intérêt, dans certains cas sensibles, à se faire assister par un avocat, quitte à se regrouper avec d’autres consommateurs escroqués pour partager les frais.
Bon à savoir
Les assurances sont inutiles
De nombreuses banques vendent à leurs clients des assurances moyens de paiement, très différentes selon les réseaux. Certaines couvrent l’intégralité des cartes bancaires, chéquiers, clefs du logement…, tandis que d’autres assurent a minima. Si certaines de ces assurances peuvent être utiles en cas de perte ou vol de vos moyens de paiement, elles s’avèrent strictement inefficaces pour les fraudes. En effet, comme le code monétaire et financier vous couvre contre les escroqueries, vous ne pourrez pas faire jouer l’assurance. En revanche, sachez que certains conseillers indélicats utilisent comme argument l’absence d’assurance pour expliquer à leurs clients escroqués qu’ils ne peuvent pas les rembourser. Si cela est le cas, faites un rappel à la loi à votre conseiller en lui expliquant que vous n’avez pas été victime d’un vol ou d’une perte, mais bien d’une fraude, qui n’engage donc pas votre responsabilité.Marie Pellefigue