ENQUÊTE

Réforme du 100 % santéPourquoi une nouvelle réforme santé ?

Depuis plus de 20 ans, la prise en charge des dépenses de santé par l’Assurance maladie et par les organismes complémentaires n’en finit pas d’être revisitée. Dernier changement en date qui entre pleinement en vigueur d’ici quelques semaines : l’arrivée de la réforme dite du « 100 % santé ». Principes et objectifs.

On le sait : l’accès à de larges prises en charge des dépenses de santé est loin d’être le même pour tous. Au-delà des déterminants sociaux (âge, profession…) et territoriaux, le « budget » que chacun est en mesure de consacrer à la souscription d’une assurance complémentaire santé est sans aucun doute le facteur discriminant le plus important. Cette réalité touche de plein fouet les personnes qui ne peuvent pas ou qui ne peuvent plus bénéficier d’un contrat collectif d’entreprise obligatoire (et qui ne peuvent pas non plus être couvertes par le contrat collectif d’entreprise de leur conjoint) : les retraités, les chômeurs de longue durée, les micro-entrepreneurs ou encore les jeunes de plus de 25 ans sans emploi.

Renoncement aux soins : une réalité certaine

On le sait également : certains soins ou équipements courants sont peu ou pas pris en charge par l’Assurance maladie alors qu’ils sont relativement onéreux. Par exemple, les équipements optiques (monture + verres + traitements des verres), les prothèses dentaires et les aides auditives, pour lesquels le reste à charge est important. Pour amoindrir la facture, il n’y a pas d’autre solution que de disposer d’une solide garantie complémentaire. Mais, et c’est un peu le serpent qui se mord la queue, plus cette garantie est couvrante, c’est-à-dire plus ses remboursements sont élevés et viennent atténuer ou effacer les restes à charge, plus celle-ci est chère ! Et plus cela induit, en parallèle, un certain « renoncement aux soins ». Selon l’enquête santé et protection sociale de l’Irdes (Institut de recherche et documentation en économie de la santé) publiée en 2017, dont les chiffres sont repris par le ministère des Solidarités et de la Santé, 25 % des personnes interrogées en 2014 déclarent avoir renoncé à au moins un soin pour des raisons financières. Plus dans le détail, en France métropolitaine, le renoncement à des soins dentaires pour raisons financières a concerné 17 % des bénéficiaires de l’Assurance maladie âgés d’au moins 18 ans. Pour les équipements d’optique, cette proportion est de 10 %.

Des équipements financés à 100 %

La réforme du « reste à charge zéro », rebaptisée « 100 % santé », entend combattre ce phénomène connu depuis de nombreuses années qui touche, pour l’essentiel, les personnes âgées aux faibles revenus. Voulue par Emmanuel Macron, alors candidat à la présidentielle, concentrée sur l’optique, le dentaire et les audioprothèses, elle est la résultante de nombreuses et longues négociations entre l’Assurance maladie, les professionnels de santé et les assureurs santé, sans oublier certains fabricants et distributeurs de ces dispositifs. Car il n’a pas été facile d’encadrer des tarifs totalement libres jusqu’à présent, donc de réduire les marges des professionnels de ces trois secteurs de la santé (en contrepartie, la prise en charge de certains actes, notamment dentaires, a été revalorisée par la Sécurité sociale). Il n’a pas non plus été facile d’instaurer une gratuité totale de certains soins ou équipements qui constituent désormais la base des différents « paniers » du 100 % santé, car mécaniquement, ce « zéro reste à charge » – qui ne vaut que pour les personnes couvertes par une assurance complémentaire santé responsable ou par la Complémentaire santé solidaire (CSS) – augmente le montant des remboursements que vont devoir effectuer les assureurs santé, ce qui va inévitablement se traduire à terme par des hausses de cotisations.

Une assurance santé est toutefois indispensable

« Si elle est bien appliquée, c’est-à-dire si chaque acteur de santé la respecte en ne suréquipant pas ses patients et si chaque assureur santé n’augmente pas fortement ses cotisations, cette réforme est une véritable avancée sociale », explique Marianick Lambert, porte-parole et membre du bureau de France Assos Santé, structure qui regroupe toutes les associations d’usagers du secteur de la santé. Seul bémol de cette réforme : elle s’adresse uniquement aux personnes disposant d’une complémentaire santé, et non à celles qui n’en n’ont pas, alors que le renoncement à des soins faute de budget suffisant les concerne plus particulièrement, comme le relève l’enquête de l’Irdes. Selon la dernière enquête de la Drees sur la complémentaire santé publiée en avril 2019, 5 % de la population française, soit 3 millions de personnes environ, ne dispose aujourd’hui d’aucune garantie complémentaire santé, et ce malgré la généralisation des contrats d’entreprise et des dispositifs tels que la CMU-C ou l’ACS (remplacés depuis le 1er novembre 2019 par la CSS), pourtant accessibles (à condition d’en faire la demande) aux personnes disposant de faibles ressources.

Roselyne Poznanski

Roselyne Poznanski

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