Enchères au clicAttention, jeu dangereux
Ils s’appellent Swoggi, Cliic, Smartclic, Encheresvip, Bidbrainy… Derrière ces sites Internet qui promettent d’impressionnants rabais se cache un système d’enchères d’un nouveau genre où l’on peut perdre beaucoup d’argent.
Un iPad à -90 %, un ordinateur pour quelques dizaines d’euros, une voiture à un prix défiant toute concurrence… il suffit de surfer sur Google et ailleurs pour que ces annonces alléchantes sautent aux yeux. Un clic sur la bannière et vous voilà transporté sur un site d’enchères pas tout à fait comme les autres. La recette est toujours la même : un objet (un téléphone dernière génération, une console de jeu, un ordinateur…) est mis aux enchères à un prix très bas (le plus souvent 0 euro). Chaque membre inscrit sur le site a la possibilité d’enchérir comme il le souhaite. À chaque surenchère, le prix de l’objet augmente de 1 centime et 20 secondes viennent s’ajouter au décompte final (1). Le compte à rebours reprend alors sa course effrénée. Lorsqu’il arrive à 0, le dernier joueur à avoir enchéri remporte le droit d’acheter l’objet au prix atteint par l’enchère.
Voilà comment des internautes se vantent d’avoir gagné « une cafetière pour 2,04 euros » ou « une console de jeu Wii pour 7,25 euros ». Séduisant, mais pas tout à fait vrai. D’une part parce que, quel que soit le site, il revient toujours au gagnant de prendre à sa charge les frais de livraison de son lot (compter autour d’une dizaine d’euros). Mais surtout, contrairement aux sites d’enchères classiques, chaque mise est payante. Avant de participer à une enchère, les membres doivent acquérir des crédits qui seront déduits de leur cagnotte à chaque mise. Au final, chaque enchère coûte entre 50 centimes et 1 euro.
Avant de gagner, il faut dépenser
Au prix d’achat de l’objet, il faut donc ajouter tous ces crédits dépensés pour remporter l’enchère. Les plus chanceux n’auront misé que quelques euros. D’autres, en revanche, n’hésitent pas à « investir » des dizaines d’euros de crédits dans l’espoir de remporter le gros lot. Pris dans le jeu, certains joueurs vont même jusqu’à dépenser plus que ce que vaut l’objet ! Cela a été le cas le 1er novembre dernier, par exemple, d’un joueur inscrit sur le site Cliic.fr sous le pseudonyme de Spartial. Pour remporter l’enchère qui lui a permis d’acheter un casque audio à seulement 7,66 euros, Spartial a dépensé 150 euros de crédits. Au final, ce casque d’une valeur de 54 euros lui aura coûté 157,66 euros (150 + 7,66 euros), sans compter les frais de port ! Pas franchement une bonne affaire… Et puis il y a les perdants (les plus nombreux) qui, malgré de nombreuses surenchères, n’ont pas réussi à décrocher le gros lot. Ceux-là ont parfois dépensé plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines d’euros sans rien remporter. L’argent qu’ils pensaient avoir « investi » est définitivement perdu.
Miser à tout prix
À les croire, les sites d’enchères au clic auraient inventé une nouvelle façon de faire de bonnes affaires tout en s’amusant. En fait, le système qu’ils ont mis en place n’est ni plus ni moins qu’un jeu d’argent. D’ailleurs, la plupart des sites mettent en garde leurs utilisateurs contre les risques d’addiction et limitent le nombre d’articles que chaque membre est susceptible de gagner en 1 mois. Car, il faut l’avouer, l’enchère au clic est assez grisante. Une bonne dose de suspense, de l’action, le tout enrobé d’une grande simplicité d’utilisation, tout est fait pour inciter les utilisateurs à miser à tour de bras en leur faisant oublier que chaque enchère leur coûte 1 euro. Et comme si cela ne suffisait pas, tous les sites ont mis en place des systèmes d’enchères automatiques (ou « robots ») chargés de miser à la place du joueur lorsqu’il n’est pas devant son écran. Il suffit d’indiquer à l’avance le nombre d’enchères à placer ainsi que l’enchère maximale à ne pas dépasser, et le tour est joué. C’est en retournant sur le site après le travail ou le lendemain matin que vous découvrez si vous avez gagné l’objet ou bien (et c’est le cas le plus fréquent) si votre crédit a été épuisé en vain.
Un grand gagnant : le site
Pour éviter une trop grande déception de la part des perdants, la plupart des sites ont mis en place des compensations. Chez Cliic, par exemple, les internautes ont la possibilité sur certaines enchères d’acheter l’article qu’ils convoitaient en bénéficiant d’une remise équivalente à l’argent qu’ils avaient investi. Des crédits sont également offerts aux joueurs arrivés en deuxième et en troisième position de certaines enchères. Swoggi offre de son côté la possibilité aux participants à certaines enchères de rejouer leurs crédits perdus.
Mais au final, s’il y en a un qui gagne gros presque à chaque coup, c’est le site. Imaginez : si une console portable est vendue 8,44 euros et que chaque enchère coûte 1 euro au joueur, le site aura empoché 844 € alors que l’objet affichait une valeur de seulement 174 euros. Mais Damien Devisme, l’un des trois co-fondateurs de Cliic.com, l’assure : « Nous avons beaucoup de frais, notamment en termes de marketing. La rentabilité n’est pas si importante. » Peut-être. En tout cas, une chose est sûre : en quelques mois, le nombre de sites d’enchères au clic a explosé. Et ce n’est certainement pas que pour « amuser » les internautes.
(1) Le palier d’enchère et le temps de décompte ajouté peuvent varier.
Gare aux abus
Avant de cliquer à tort et à travers, mieux vaut prendre quelques précautions.
- Préférez un site ayant recours aux services d’un huissier. Il semblerait en effet que certaines pratiques douteuses aient cours : enchères bidonnées, objets non livrés, faux bugs informatiques… Par ailleurs, choisir un site basé en France facilitera les recours en cas de réclamation.
- Ne concourez que pour les produits que vous souhaitez réellement acquérir.
- Méfiez-vous, au moins au début, des objets trop « courus », plus difficiles à remporter.
- Gardez toujours à l’esprit que chaque enchère vous coûte de l’argent, surtout au moment de programmer vos enchères automatiques.
- Sachez vous arrêter à temps pour éviter de vous ruiner.
Ça marche aussi à l’envers
Sur certains sites, les enchères sont « inversées ». Les membres disposent dans ce cas d’un temps imparti pour déterminer le prix le plus bas auquel ils sont prêts à acheter l’objet mis en jeu. Mais attention : au gong final, c’est celui qui a donné le prix le plus bas et, surtout, qui est le seul à avoir donné ce prix, qui remporte l’enchère. Comme pour les autres sites d’enchères, chaque mise est payante et un seul joueur sort gagnant.