Jean-Paul Geai
1855.comUn redressement judiciaire prévisible
Plus connue des amateurs de grands crus sous le nom de 1855.com, la société de vente de vins sur Internet, Héraclès, vient d’être placée en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Paris.
Pour l’UFC-Que Choisir, la décision, qui confirme que la société est en cessation de paiement, n’est pas vraiment une surprise tant ses pratiques commerciales étaient douteuses. D’ailleurs une plainte pour pratique commerciale trompeuse avait été déposée en mars dernier par l’UFC-Que Choisir devant le tribunal de grande instance de Paris suite aux très nombreuses réclamations des clients abusés par le site.
Dès l’ouverture du site 1855.com en 1999, ses fondateurs proposent aux amateurs de vins d’acheter des grands crus de bordeaux en primeur (des vins qui doivent rester encore 2 ou 3 ans en barrique), en bénéficiant d’un rabais de l’ordre de 30 % et permettant ainsi de profiter de bouteilles aux prix inabordables une fois qu’elles seraient mises sur le marché. Sauf que 1855.com commercialise des vins en primeur sans les avoir réservés au préalable auprès des propriétaires. Et quand le client demande quelques années plus tard à ce que sa commande soit honorée, le site a bien du mal à fournir les grands crus commandés, faute de les avoir en stock, ou alors il doit les acheter aux prix fort chez les négociants.
Très vite la machine s’emballe et les plaintes des clients se multiplient, en France mais aussi à l’étranger. Dès 2007, l’UFC-Que Choisir mettait en garde contre de telles pratiques et dénonçait un système de « vente à découvert, flirtant avec l’illégalité, car le vendeur propose un produit qu’il n’est pas certain de fournir ».
Avec l’emballement de la cote des millésimes, notamment en 2005 et 2009, 1855.com n’a pas la trésorerie suffisante pour acheter les vins commandés par ses clients et donc servir leurs commandes pourtant déjà payées.
Souvent conseillés par les associations locales de l’UFC-Que Choisir, les clients floués n’hésitent plus à saisir la justice. Et les condamnations suivent. Non seulement les juges ordonnent le remboursement des vins non livrés, mais ajoutent à leur décision des dommages et intérêts pour préjudice moral augmentés de dommages et intérêts correspondant à la plus-value qu’a enregistrée entre-temps la valeur des grands crus commandés mais non livrés.
Devant la multiplication des condamnations qui pesaient sur ses comptes, la société avait déposé une requête pour être placée sous sauvegarde judiciaire, mais le tribunal de commerce de Paris, constatant l’état de cessation de paiement de l’entreprise, a préféré la placer en redressement judiciaire. La société possède aussi les sites ChateauOnline et CavePrivée, aux pratiques tout aussi douteuses.
Vos recours en cas de redressement judiciaire d’une entreprise
L’entreprise poursuit son activité sous le contrôle d’un administrateur judiciaire désigné par le tribunal de commerce, le temps de trouver une solution. Les clients en attente de livraison ne peuvent pas annuler leur commande et se faire rembourser la somme déjà versée. En revanche, ils doivent informer l’administrateur judiciaire du contrat les liant avec l’entreprise et le mettre en demeure de se prononcer sur la poursuite de celui-ci. L’administrateur a un mois pour leur faire savoir s’il va exécuter leur commande ou s’il rompt le contrat. À défaut de réponse, la résiliation de plein droit est acquise et le client dispose d’un nouveau délai d’un mois pour déclarer sa créance auprès du représentant des créanciers. Si la poursuite du contrat est décidée, l’administrateur doit honorer la livraison ou exécuter la prestation.
Pour gagner du temps tout en évitant de prendre le risque de perdre vos droits, il est conseillé de privilégier la déclaration de créance.