Alain Bazot
Président de l'UFC-Que Choisir
Le Gouverneur de la Banque de France vient de présenter ce matin un bilan étonnamment flatteur de la sécurité des moyens de paiement. Pourtant, malgré les artifices, les chiffres sont formels : la fraude bancaire a battu tous les records en 2018. Elle a ainsi bondi de 36 % sur un an pour atteindre un peu plus d’un milliard d’euros. Du jamais vu ! Si la Place n’a pas manqué de faire du chèque le bouc-émissaire de ces résultats cauchemardesques, cette vision est réductrice puisque la carte bancaire totalise 90 % des fraudes1. Plus grave encore, elle passe à côté de l’essentiel, à savoir prévenir la fraude, faciliter le remboursement des victimes et surtout sécuriser les paiements à l’avenir.
La fraude bancaire est massive et subie par un nombre grandissant de consommateurs. Plus de 1,2 million de ménages en ont été victimes en 20172. Cette fraude connaît une croissance brutale puisque en seulement huit ans, le nombre de ménages déclarant avoir subi un débit frauduleux a progressé de 144 %. Cette délinquance financière est d’autant plus insupportable que son coût – environ 860 euros par ménage victime – est supporté par les consommateurs. En effet, les banques qui remboursent la fraude la refacturent, soit directement par les frais payés aux clients, soit via les commerçants, qui répercutent ces sommes sur leurs prix de vente. En réalité, c’est la communauté des consommateurs qui rembourse les victimes.
Dans ces conditions, permettez-moi de pointer deux défaillances quant au traitement de cette délinquance. La première relève le peu de zèle des banques et des pouvoirs publics à sa prévention. Alors que moins d’une victime sur quatre (24 %) est avertie par sa banque lors d’une fraude, la répression de ces infractions est pour le moins lacunaire. Trois victimes sur quatre ne déposent pas plainte (74 %). Pire, plus de 95 % des plaintes déposées ne sont pas élucidées3.
A ce laisser-faire s’ajoute une résistance passive des banques. Si la loi les oblige à rembourser immédiatement toutes les sommes prélevées indument, 20 % des fraudes ne sont jamais indemnisées ! Comment s’en étonner alors que sur le terrain, faire valoir ses droits relève du chemin de croix. Tout est fait pour que la victime d’une fraude abandonne : accusation de négligence, demande de plainte, de multiples justificatifs, délais de remboursement longs, etc.
Vous l’aurez compris, une réponse d’envergure s’impose face à cette alerte inédite. Elle nécessite la mise en œuvre à marche forcée de l’authentification renforcée prévue par l’Europe ainsi qu’un mécanisme législatif permettant de sanctionner les manœuvres dilatoires des banques qui nient aux consommateurs leur droit au remboursement. Enfin, gageons que les prochains bilans permettent de mieux diagnostiquer la fraude pour la combattre plus efficacement dorénavant.
Alain Bazot
Président de l'UFC-Que Choisir
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