Alain Bazot
Président de l'UFC-Que Choisir
La dernière annonce par le Premier ministre d’une « indemnité inflation » de 100 € au bénéfice de 38 millions de personnes entend clore, jusqu’à nouvel ordre, la séquence des mesures gouvernementales pour répondre à l’augmentation de la facture d’énergie des ménages, et plus largement à l’inflation qui touche durement le pouvoir d’achat des consommateurs.
Les annonces du gouvernement pour répondre à l’augmentation des prix peuvent être résumées à quatre mesures : une rallonge de 100 € du chèque énergie pour les 20 % de ménages en bénéficiant, une limitation de la hausse du prix du tarif réglementé de vente d’électricité (TRVE) à 4 % en février 2022 (alors que son mode de calcul officiel aurait pu aboutir à une hausse allant de 10 à 15 %), un gel du tarif réglementé de vente du gaz (TRVG) jusqu’à la fin 2022 au niveau des prix au 1er octobre 2021, et enfin, donc, « l’indemnité inflation » de 100 € versée aux personnes dont les revenus mensuels sont inférieurs à 2000 €. Une première analyse peut être faite, avec une approche différenciée selon les mesures.
En ce qui concerne le plafonnement de la hausse de l’électricité à 4 % – qui se fera via une modulation de la TICFE, une taxe spécifique à l’électricité – c’est évidemment une mesure aux effets positifs pour les consommateurs, sans impact pour le fournisseur, alors qu’au regard des prix actuellement appliqués sur le marché de gros, on peut estimer que la hausse aurait été de 12 à 15 %. L’UFC-Que Choisir plaidait pour sa part pour un relèvement du plafond de l’ARENH (qui aurait limité dans des proportions analogues la hausse du TRVE). Cette solution aurait été préférable car la baisse de la fiscalité prévue par le gouvernement n’a vocation à s’appliquer qu’en 2022, quand un relèvement du plafond de l’ARENH – légalement possible – aurait vu ses effets pérennisés au-delà de 2022. Notre proposition part du principe que les consommateurs ont une légitimité à demander que la compétitivité du parc électronucléaire leur profite pleinement, et en priorité. Le gouvernement préfère diffuser l’idée que la dépendance du prix de l’électricité est une fatalité du marché international contre lequel on ne peut rien faire.
Pour le gaz, il ne s’agit ni plus ni moins que d’un faux bouclier tarifaire. Non seulement les prix sont gelés à un niveau 50 % plus élevés que ceux constatés début 2021, mais en plus ce gel est en réalité synonyme de lissage des prix, puisque lorsque les prix baisseront sur les marchés internationaux, les factures des consommateurs ne baisseront pas en proportion, pour assurer un remboursement des fournisseurs. En l’état, le dispositif sera neutre pour l’État. Pas pour le portefeuille des consommateurs puisqu’en réalité il s’agit de reculer pour mieux payer.
Pour ces deux énergies pourtant, une baisse de la fiscalité (passage au taux réduit de TVA sur la consommation, au moins temporaire, et fin de la TVA sur les taxes) aurait permis à un ménage moyen, qu’il soit chauffé au gaz ou à l’électricité, d’économiser de 180 à 200 € sur sa facture annuelle.
La rallonge du chèque énergie et l’indemnité inflation sont quant à elles des mesures de nature différente, puisqu’elles sont conditionnées à des niveaux de revenus (par ménage pour le chèque énergie, par personne pour l’indemnité inflation). Si on ne peut que comprendre et approuver qu’un coup de pouce spécifique, même insuffisant, soit donné aux foyers les plus modestes, comment ne pas souligner l’injustice de l’indemnité inflation, qui au-delà d’exclure du périmètre une large partie de nos concitoyens, abonde indifféremment un urbain utilisant les transports en commun et un rural pouvant dépenser 300 euros par mois en carburant pour travailler ? Une baisse de la fiscalité sur les carburants (au moins pour compenser l’aberration fiscale que constitue la TVA sur les taxes – qui correspond à 8 % d’une facture – dont la fin doit être décidée au niveau européen) aurait au moins eu le mérite de mettre sur un pied d’égalité tous les consommateurs captifs, et seulement eux, des hausses des prix du carburant. En arrosant large à l’aveugle, avec un arrosoir de poche, le gouvernement fait simple, mais parfaitement injuste.
Mais cette séquence des annonces gouvernementales a mis en évidence le peu d’entrain des pouvoirs publics pour utiliser le levier fiscal, et la stratégie adoptée par le gouvernement pour porter le discrédit sur ceux portant des propositions d’ordre fiscal. Elles seraient trop coûteuses pour les finances publiques, comme l’a notamment inlassablement répété le ministre de l’Économie. Pour faire gonfler les chiffres, Bruno Le Maire est même allé jusqu’à chiffrer sur 10 ans l’impact sur les finances publiques d’une baisse de la TVA sur les carburants. On se demande pourquoi il s’est arrêté en si bon chemin, quand un chiffrage sur un siècle aurait bien davantage marqué les esprits !
Évidemment, personne ne peut être indifférent à la meilleure tenue possible des finances publiques. Cela étant, ce sujet mérite mieux que les raisonnements binaires qui ont pu être établis. La fiscalité justifie plus que jamais une réflexion globale sur son acceptabilité dans la façon de l’appliquer, en prenant soin d’interroger la pertinence de faire de la fiscalité massive sur l’énergie (« vache à lait de l’État », pour reprendre le terme du Président de la Commission indépendante de régulation de l’énergie). En matière de bien essentiel, la légitimité de maintenir à un très haut niveau une TVA dont chacun sait qu’elle est des plus injustes doit être questionné.
La fiscalité appelle également de la transparence. Si certaines des mesures proposées auront un coût pour les finances publiques, il restera à les mettre en balance avec les ressources complémentaires dont elles bénéficient jour après jour au regard de la hausse du prix de l’énergie, et plus largement des matières premières (la TVA fixe s’appliquant à des prix toujours plus élevés).
Mais pour conclure, je ne voudrais pas que tout soit résumé à des mesures d’ordre fiscal. L’UFC-Que Choisir l’avait montré, plusieurs milliards d’euros de pouvoir d’achat peuvent être rendus aux consommateurs en mettant fin à des rentes de situations dans de nombreux secteurs (complémentaires santé, banque…) sans que cela impacte les finances publiques. Le pouvoir d’achat est la résultante de 2 composantes : les revenus et les niveaux de prix, ce que les politiques, comme les chroniqueurs oublient trop souvent.
Souhaitons que les prochaines élections nationales soient l’occasion, pour les candidats (es), de se positionner sur les propositions de l’UFC-Que Choisir pour rendre durablement du pouvoir d’achat aux consommateurs, en ne se focalisant pas exclusivement sur le niveau des revenus.
Alain Bazot
Président de l'UFC-Que Choisir
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