BILLET DE LA PRÉSIDENTE

BuitoniLes scandales alimentaires ont toujours les mêmes ingrédients !

Et encore un scandale alimentaire de plus… Alors que depuis début janvier, ont été dénombrés, outre les terribles décès de deux enfants, pas moins de 41 cas confirmés de syndrome hémolytique et urémique (SHU) similaires, c’est seulement maintenant, soit quatre mois après les premiers signalements, que les pratiques déplorables en matière d’hygiène du fabricant Nestlé semblent se confirmer, deux inspections officielles ayant récemment mis en évidence un niveau dégradé d’hygiène alimentaire dans l’usine.

Cette information tombée hier démontre que ni l’industrie alimentaire, ni les pouvoirs publics n’ont su tirer les leçons des scandales alimentaires qui se succèdent désormais régulièrement. On retrouve en effet, aujourd’hui comme hier, les mêmes ingrédients frelatés du parfait scandale alimentaire : course au profit du côté de l’industrie, opacité du côté des pouvoirs publics.

L’état effroyable des lignes de production dénoncé, photos à l’appui, par d’anciens salariés, et désormais confirmé par les inspections officielles, montre qu’une partie de l’industrie n’a aucunement renoncé à ce productivisme forcené, rognant sur les procédures d’hygiène dans le seul but de préserver ses marges. Ces manquements répétés que nous observons depuis plusieurs années remettent gravement en cause le contrat moral sur lequel est basé notre système d’hygiène. Rappelons que ce contrat, basé sur la confiance, consiste pour l’État à déléguer aux industriels une partie des contrôles autrefois réalisés par les services officiels. Comment ne pas mettre en doute la fiabilité de ce dispositif, alors qu’il est mis à mal par des groupes pourtant mondialement renommés ?

Quant aux pouvoirs publics, ils ont également une grande part de responsabilité en poursuivant, malgré les semonces répétées de la Cour des comptes*, une politique aveugle de réduction des coûts de la fonction publique ayant pour effet de réduire drastiquement le nombre de contrôleurs officiels. Mais surtout, il est inadmissible que les autorités aient gardé ces vieux réflexes de contrôle de l’information. Comment accepter, au regard de la gravité des faits, que l’on continue à nous distiller au compte-goutte des informations lacunaires ? Le ministère de la Santé nous apprend que le lien entre la consommation de pizzas Buitoni serait avéré pour certains cas de SHU. Certes, mais pour combien d’entre eux ? Et qu’en est-il des décès ? Quid de l’efficacité des rappels auprès des consommateurs ? Lors de l’affaire des laits contaminés Lactalis, les pouvoirs publics avaient -sous la pression- déclenché des mesures de rappel inédites et avaient promis d’améliorer les conditions de rappel des produits afin de minorer l’impact de prochains scandales… Surtout, comment se fait-il qu’il ait fallu attendre 15 jours entre la première inspection démontrant de graves défauts d’hygiène dans l’usine de Caudry et sa révélation publique par l’AFP et non par l’administration ?

Au vu des dernières révélations, l’UFC-Que Choisir va se constituer partie civile dans le cadre de l’enquête que le parquet de Paris a ouverte la semaine dernière. Mais en tout état de cause, j’appelle les pouvoirs publics à faire sans plus tarder toute la transparence, comme ils avaient su le faire pour le scandale Lactalis, en publiant l’intégralité des résultats des contrôles officiels et des autocontrôles réalisés sur l’usine Buitoni, et en organisant des points d’information réguliers avec les associations de consommateurs.


Selon la Cour des comptes, entre 2008 et 2013, la DGCCRF a vu une diminution de l’effectif des contrôleurs équivalent à 1 400 postes à temps plein. Parallèlement, le nombre d’établissements contrôlés par les services a diminué de 24 % entre 2011 et 2016 (source : référé de la Cour des Comptes au Ministère de l’économie et à la garde des Sceaux - Mars 2018)

Alain Bazot

Alain Bazot

Président de l'UFC-Que Choisir

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