Laurence Delain-David
Assurance vieRéforme et nouveaux contrats
Attendue depuis des mois, la réforme de l’assurance vie initiée par le rapport Berger-Lefebvre a enfin été dévoilée, dans le cadre de la présentation du collectif budgétaire 2013. Elle crée notamment deux nouveaux supports d’investissement et modifie à la marge le régime successoral des gros contrats.
La montagne aurait-elle, une fois de plus, accouché d’une souris ? Objet de nombreuses rumeurs, la réforme de l’assurance vie telle qu’elle ressort du projet présenté en Conseil des ministres mercredi 13 novembre ne change rien ou presque pour la plupart des assurés ! Elle a d’ailleurs été immédiatement saluée par les assureurs comme une « réforme équilibrée, laissant intact le cadre fiscal ».
L’enjeu, il est vrai, est d’envergure puisque aujourd’hui les encours gérés au titre de l’assurance vie pèsent plus de 1 444 milliards d’euros. Et apparemment, les professionnels du secteur sont parvenus à éviter que l’ambition première de certains, visant à réaménager une fiscalité qui profite essentiellement aux gros patrimoines, ne se concrétise (1 % des contrats mobilise un quart des encours tandis que près de 90 % d’entre eux n’atteignent pas 50 000 €).
Dans une interview donnée au quotidien Le Monde le 15 octobre 2013, le rapporteur de la commission des finances de l’Assemblée nationale, Christian Eckert, avait pourtant clairement annoncé sa volonté de « jouer sur tous les paramètres » pour revoir un système d’imposition « trop avantageux au regard de son apport à l’économie ». Il proposait ainsi de réduire l’abattement de 4 600 € dont profitent les gains du contrat au bout de huit ans, de relever le taux de 7,5 % qui s’applique au-delà, de rabaisser de 152 500 à 100 000 € le montant d’abattement dont profitent les bénéficiaires du contrat en cas de décès de l’assuré et de ne pas l’appliquer aux personnes redevables de l’ISF. Quelques mois plus tôt, dans leur rapport sur la réforme de l’épargne financière, les députés Karine Berger et Dominique Lefebvre avaient pour leur part suggéré un durcissement de l’imposition des contrats de plus de 500 000 € insuffisamment diversifiés et la fiscalisation systématique des versements de moins de quatre ans.
De tout cela il ne reste guère de traces dans le texte qui sera soumis au vote des parlementaires début décembre. Le régime fiscal dérogatoire dont profite l’assurance vie, tant sur le plan successoral que sur celui de l’imposition des revenus, sort indemne du projet gouvernemental. La seule modification notable concerne la transmission des contrats de plus de 1 million d’euros, au titre desquels les bénéficiaires devront acquitter, après abattement de 152 500 €, une taxe de 31,25 % contre 25 % actuellement.
Deux nouveaux supports d’investissement
La véritable nouveauté réside dans la création de deux nouveaux produits. Le premier, l’euro-croissance, présenté comme un « troisième pilier entre les fonds en euros et les unités de compte », se distingue du fonds en euros classique dans la mesure où il ne propose une garantie du capital qu’à une échéance prédéterminée (huit ans minimum). Ce délai donne à l’assureur davantage de latitude pour prendre du risque et booster la performance de ses actifs en misant davantage sur les marchés actions. Mais en contrepartie, l’assuré perd la liquidité de son placement. À cet égard, d’ailleurs, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) s’est empressée de rappeler que « la mise en place de l’euro-croissance exigera des dispositions protectrices afin que les épargnants habitués à des garanties à tout moment aient bien conscience des conséquences d’un basculement sur ces supports ». Accessible dans le cadre d’un multisupport sans qu’il y ait pour autant (au moins jusqu’en 2016) perte de l’antériorité fiscale des encours transférés à partir d’un autre contrat, l’euro-croissance s’inspire directement des contrats « eurodiversifiés » institués en 2005, mais qui sont pour l’heure restés confidentiels. Seul le réseau BNP Paribas Cardif en propose avec à la clef des performances fort variables : (+ 12,92 % en 2012 pour BNP Paribas Avenir Retraite, contre - 2,20 % en 2011).
Le projet prévoit par ailleurs le lancement d’un autre contrat, qui, en contrepartie de la prise de risque qu’il impose (au moins un tiers de l’encours doit être placé en actions de petites et moyennes entreprises, dans les secteurs du logement social et de l’économie solidaire), profitera d’un abattement supplémentaire d’assiette de 20 % pour le calcul des droits dus par le bénéficiaire en cas de succession. Visant en priorité les souscriptions de plus de 1 million d’euros dont le régime successoral a été durci en parallèle, cette offre ne va pas sans rappeler les anciens contrats risqués dits « DSK-NSK », qui bien que totalement défiscalisés n’ont jamais trouvé leur public.