Yves Martin
Voiture dieselUn achat souvent injustifié
En se focalisant uniquement sur le coût d’un plein, les automobilistes se ruent vers le diesel. Pourtant, ce choix n’est pas toujours justifié. Il peut même s’avérer plus coûteux que l’essence, sans même prendre en compte les conséquences environnementales d’une telle motorisation.
Il suffit de quelques centimes de moins à la pompe pour que le diesel séduise toujours plus d’automobilistes. Un plein de 50 litres revenant 9,5 € de moins si on roule au diesel (1), cette catégorie domine outrageusement le marché des immatriculations en France (75 % des voitures neuves).
Pour autant, cette domination du marché est-elle justifiée ? Clairement non. Le diesel ne convient en effet pas à tout le monde, loin de là. Déjà, parce que le kilométrage moyen d’un véhicule est aujourd’hui de 12 800 km (source CCFA, Comité des constructeurs français d’automobiles). Un chiffre qui avoisinerait les 9 000 km lorsqu’il s’agit de la seconde voiture. Or, il faut savoir que le diesel n’est rentable, selon les voitures, qu’à partir de 20 000 à 30 000 km par an. La faute à un prix d’achat et à un coût d’entretien plus élevés. D’après le Budget de l’automobiliste 2011 réalisé par l’Automobile club association (ACA), le montant annuel dédié à l’entretien d’une voiture est de 737 € pour un modèle à essence (une Renault Clio 1.2 TCE) et 1 461 € pour un diesel (une Peugeot 308 HDi 90). Soit 725 € par an de plus pour le diesel. Même si la revente peut parfois être plus avantageuse pour un diesel, le gain n’est pas systématiquement au rendez-vous. La différence de prix à la pompe ne suffit pas non plus à compenser le surcoût lié à l’achat d’un diesel. En outre, les moteurs à essence deviennent de plus en plus efficients, réduisant d’autant leur appétit. Mais surtout, le moteur Diesel n’est pas adapté à un usage urbain et, en cas d’utilisation exclusive en ville, les risques de rencontrer un problème mécanique sont très élevés.
Ne faire que des parcours urbains n’est pas très bon pour le moteur Diesel. Ce dernier est en effet conçu pour tourner à des régimes assez faibles et surtout constants pour offrir un meilleur rendement. En outre, le diesel doit être à bonne température pour fonctionner dans des conditions optimales. Situation que l’on n’obtient pas avec des trajets de moins de 5 ou 6 kilomètres sur route ou de moins de 10 à 15 minutes en ville.
Emballement du moteur
Quant au filtre à particules, indispensable pour limiter les émissions de particules – que le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) vient de classer comme cancérogène –, il pose un problème au moteur lui-même. Le risque ? Tout simplement la casse du moteur car le principe de cet élément est de retenir les particules en son sein (comme un filtre à café retient le marc) et qu’il peut finir par se boucher, empêchant le moteur de fonctionner correctement. Il faut donc impérativement éliminer les particules stockées en les brûlant : c’est la phase de régénération. Elle consiste en une injection complémentaire de carburant à la sortie du cylindre afin d’augmenter la température dans l’échappement. Or, si on coupe le moteur à cet instant précis, on se retrouve avec une quantité de carburant qui ne sera pas brûlée et qui va se dissoudre dans l’huile du moteur. Et si cela se produit trop souvent, le niveau d’huile peut monter de façon dangereuse. Dans le pire des cas, cela peut conduire à l’emballement du moteur, sans qu’il soit possible de l’arrêter, et à sa destruction. Fiat, Volvo, Citroën, Peugeot, Toyota… ont déjà fait les frais de cette situation. Ces problèmes à répétition pourraient même être à l’origine de l’arrêt de commercialisation depuis 2010 du trio C1, 107 et Aygo diesel (les trois modèles sont fabriqués dans la même usine). La nouvelle mouture de ces trois modèles, apparue au printemps 2012, n’est d’ailleurs proposée qu’en version essence chez les trois constructeurs. De son côté, Volvo finaliserait la mise au point d’un système (qui devrait être proposé début 2013) empêchant l’arrêt du moteur lorsque la phase de régénération est active. Ainsi, même une fois arrivé à bon port, même en ayant retiré la clef de contact, le moteur continuerait de tourner pour terminer la phase de régénération du filtre à particules. Une situation qui pourrait poser des soucis lorsque la voiture est garée dans un endroit très confiné ou si plusieurs véhicules se retrouvent dans cette situation au même endroit. En tout cas, il faut clairement que les constructeurs trouvent des solutions. Car, même si aujourd’hui certaines marques, comme Opel, équipent leurs voitures diesels d’un témoin indiquant que la phase de régénération est active, cela n’est pas suffisant et n’empêche pas de couper le moteur.
Le Stop & Start pose problème
Si on ne peut retirer au Stop & Start ses vertus environnementales qui permettent de limiter d’environ 15 % les émissions polluantes en ville, ce système ne fait pas bon ménage avec le moteur Diesel. Plus précisément, c’est le turbo qui n’apprécie pas les traitements qui lui sont infligés : arrêts et redémarrages à répétition. Cette pièce mécanique tourne en effet à des vitesses incroyables dépassant largement les 150 000 tr/min. Elle demande donc une lubrification minutieuse. Et, lorsque le moteur s’arrête, l’huile n’y est plus acheminée. Idem au moment du redémarrage où la lubrification n’est pas instantanée. Répétées des dizaines de fois dans une journée, ces phases finissent par affaiblir les axes du turbo qui peut alors rendre l’âme.
Une voiture équipée d’un moteur Diesel, en dehors d’une promotion spéciale d’un constructeur, n’est vraiment intéressante que si son usage est en adéquation avec sa façon de fonctionner. C’est-à-dire parcourir au moins 20 000 km par an et effectuer des déplacements d’une durée minimum de 30 minutes en milieu urbain et périurbain à des vitesses de roulage normales ou, et c’est encore mieux, sur routes et autoroutes. S’il s’agit de la deuxième voiture destinée aux courses ou à amener les enfants à l’école, l’essence est, de loin, la plus appropriée.
(1) Avec le SP95 à 1,594 €/l et le gazole à 1,404 €/l en moyenne en septembre 2012 (source UFIP, l’Union française des industries pétrolières).