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SurendettementLa Cour des comptes tire l'alarme

Le rapport annuel de la Cour des comptes relève la progression du nombre de particuliers surendettés et incrimine sans détour les crédits à la consommation, placés au mépris des précautions les plus élémentaires, parfois auprès de personnes privées de leurs facultés mentales.

Quelque 70 000 dossiers de surendettement étaient déposés chaque année entre 1991 et 1995 auprès de la commission Neiertz (1). Ils étaient 100 000 en 1998, 140 000 en 2002 et 200 000 l'an dernier. Leur nombre augmente pratiquement chaque année, que la conjoncture soit bonne ou mauvaise, relève la Cour des comptes dans son rapport annuel 2010. Sortant de leur rôle de vigie des finances publiques, les magistrats incriminent directement la distribution de crédits renouvelables à la consommation. Ces derniers sont présents dans 96 % des dossiers examinés en commission Neiertz et représentent 70 % des crédits non remboursés ! La Cour des comptes accuse très clairement les banques et leurs filiales spécialisées de les distribuer à tort et à travers : des organismes accordent sans hésiter « plusieurs crédits à des personnes manifestement hors d'état de rembourser », le quatrième servant, par exemple, « à rembourser les trois premiers ». L'examen de la capacité de remboursement est bâclé, certains établissements ne demandant ni bulletin de salaire, ni relevé de compte. La Cour mentionne le cas d'un salarié à mi-temps gagnant 607 euros par mois qui a accumulé 121 468 euros de dettes à la consommation. Sans oublier les cas de crédits « accordés à des personnes privées de leurs facultés mentales ». L'une d'entre elles, âgée et placée sous tutelle, disposait de 11 cartes de crédit, dont 4 délivrées par le même organisme.

L'inconscience des établissements financiers en la matière n'est pourtant qu'apparente. En réalité, comme le relève la Cour, les taux « exorbitants » pratiqués sur les crédits renouvelables leur garantissent « des marges qui leur permettent d'absorber sans problème un taux de défaillance qui reste limité ». Autrement dit, les débiteurs responsables payent pour les irresponsables, que les prêteurs laissent entrer en masse dans le champ du crédit à la consommation.

« Cartes confuses »

La Cour juge bienvenu un projet de loi en préparation (il sera examiné fin mars par l'Assemblée nationale), qui doit transposer une directive européenne d'avril 2008. La situation de l'emprunteur devra être évaluée par l'établissement de crédit et la consultation du fichier des incidents de paiement deviendra obligatoire. Les prêteurs devront en outre proposer une alternative au « revolving » pour tout emprunt inférieur à 1 000 euros.

Les « cartes confuses », à la fois carte de fidélité et carte de crédit, vont également être plus strictement encadrées. Les magistrats de la Cour des comptes relèvent qu'elles conduisent à acquitter « des taux d'intérêt beaucoup plus élevés que le montant de l'économie réalisée », quand on les utilise pour des achats à crédit. « Attrape-nigaud » ne fait pas partie du vocabulaire de la Cour, mais l'idée y est... Ces cartes « confuses » devront désormais comporter une fonction « paiement comptant » qui sera activée en priorité, et il sera interdit d'accorder des cadeaux ou des bonus pour inciter le client à préférer le paiement à crédit.

L'UFC-Que Choisir, pour sa part, prônait une interdiction pure et simple de la liaison carte de fidélité/crédit renouvelable. Le législateur a choisi une voie intermédiaire. Sans prendre position, la Cour des comptes estime que le respect des garde-fous qui vont être mis en place « demandera une vigilance certaine des pouvoirs publics ». Le secteur bancaire a souvent revendiqué un droit à l'autodiscipline. Il semble bien que la plaisanterie ne fasse plus rire personne.

Amendes grillées

Dans son rapport annuel toujours très riche, la Cour des comptes épingle également « la gestion du produit des amendes de circulation routière ». Après s'être penchée sur les taux de recouvrement des contraventions des quatre premières classes (amendes forfaitaires) émises en 2007, elle estime que 75 % d'entre elles sont réellement acquittées par l'automobiliste. Que deviennent les 25 % restants ? La Cour peine à apporter des réponses précises, « la situation étant confuse, ce qui peut alimenter bien des suspicions ». Particulièrement visé, le taux élevé d'annulation. À Paris, il s'élève ainsi à 15,4 % du total des PV délivrés, soit plus de 500 000. Selon la Cour, si la moitié des annulations semble justifiée par des motifs techniques légitimes (par exemple ratures, surcharges, carnet-souches dégradés...), le flou est de mise pour l'autre moitié. Dès lors, les magistrats financiers se demandent si la pratique des « indulgences » - autrement et plus brutalement dit les amendes annulées par « piston » ou convenance - ne perdurerait pas. Une pratique qui a pourtant été interdite par une circulaire du ministère de l'Intérieur datée du 18 décembre 2002. En théorie, l'agent qui franchit la ligne blanche s'expose à des sanctions. Mais la Cour note qu'en réalité, « elles ne sont pas prises ». Partant de ce constat, elle invite les pouvoirs publics à mettre en place un contrôle plus rigoureux et à accélérer la modernisation du système (PV électronique, notamment). Celle-ci ayant en outre l'avantage de permettre la réalisation « d'économies substantielles » dans le traitement des amendes forfaitaires.

Arnaud de Blauwe

Les médecins réfractaires à la télétransmission épinglés

En 2008-2009, 41 % des médecins spécialistes et 27 % des médecins généralistes ne télétransmettaient toujours pas leurs feuilles de soins. Ce système, qui repose sur la carte Vitale du patient, existe pourtant depuis plus de 10 ans. La résistance des professionnels, particulièrement forte à Paris, pèse sur les finances de l'Assurance maladie, note la Cour des comptes. Traiter une feuille de soins électronique coûte 0,27 euros, contre 1,74 euros pour la version papier. Au total, le potentiel d'économies est de 200 millions d'euros par an. Les patients sont aussi pénalisés : les délais de remboursement sont plus longs quand la feuille de soins est envoyée par la Poste, et il faut payer un timbre. La Cour des comptes estime donc qu'il est temps de « taxer » les feuilles de soins « papier ». L'assurance maladie a les moyens d'agir, puisque la pénalisation des professionnels de santé est prévue par la loi depuis... 2000 ! La récente loi Hôpital patients santé territoire (HPST) prévoit d'ailleurs explicitement de les soumettre à une contribution forfaitaire. Selon la loi, cette dernière aurait dû entrer en vigueur le 1er janvier dernier... La décision appartient au directeur de l'Assurance maladie.

Anne-Sophie Stamane

(1) Commission créée par la loi du 31 décembre 1989, initiée par Véronique Neiertz, secrétaire d'État à la consommation de 1988 à 1991.

Erwan Seznec

Erwan Seznec

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