Erwan Seznec
Sécurité des piscinesUne loi pour rien ?
L'Institut national de veille sanitaire (InVS) vient de publier les chiffres des noyades pendant l'été 2009. Malgré les dispositifs de sécurité imposés par la loi du 1er janvier 2006, les piscines privées font toujours plus de victimes.
Mais à quoi servent les alarmes, abris, couvertures ou barrières de sécurité autour des piscines privées enterrées devenues obligatoires en janvier 2006 ? L'Institut national de veille sanitaire (InVS) vient de rendre publics les chiffres des noyades pendant l'été 2009. Ils permettent d'évaluer l'impact du texte pour la première fois, car il n'y a pas eu d'enquête en 2007 et 2008.
Les résultats ne vont pas, hélas, dans le sens espéré. Les noyades d'enfants de moins de 6 ans, que ces dispositifs étaient censés prévenir, ne reculent pas. Avant la loi, en 2004, du 1er juin au 30 septembre, l'enquête de l'InVS avait relevé 55 noyades d'enfants de moins de 6 ans en piscine privée familiale suivies d'hospitalisation, 12 ayant entraîné le décès. En 2009, l'InVS fait état de chiffres légèrement supérieurs : une soixantaine de noyades d'enfant de moins de 6 ans en piscine familiale enterrée, dont 13 décès. Il est vrai qu'entre-temps, le nombre de piscines privées a augmenté (de 20 à 30 %), ce qui accroît les risques, mais l'enquête 2009 porte seulement sur 3 mois (du 1er juin au 30 août), contre quatre en 2004 ! Difficile, dans ces conditions, de soutenir que la loi a atteint ses objectifs.
Après l'été 2006, l'InVS avait déjà tenté d'évaluer son efficacité, sans y parvenir. Les données recueillies étaient trop peu nombreuses et ambiguës. La saison avait été caractérisée par un léger recul des noyades d'enfants, mais une hausse du nombre de décès par rapport à 2004 (38 noyades, 17 décès).
Fiabilité douteuse
Certes, la loi de 2006 n'est pas respectée partout. Selon la Commission de sécurité des consommateurs (CSC), mi-2008, 40 % des piscines privées étaient encore dépourvues de dispositif de sécurité. Il est vrai aussi que les alarmes sont d'une fiabilité douteuse, comme la CSC l'a relevé dans un avis de juin 2008. Faut-il envisager un durcissement de la réglementation, bannir les produits défectueux, rehausser la hauteur des barrières ? La réponse ne va pas de soi. Compte tenu de la part du hasard et de la négligence, il n'est pas certain qu'un durcissement législatif soit la réponse adaptée à un accident qui survient une quinzaine de fois par an. Dispositif de sécurité ou non, aucun enfant incapable de nager ne doit être laissé seul près d'un plan d'eau. Pourtant, des études menées en Australie et en Nouvelle-Zélande ont montré que les barrières endormaient la vigilance des parents, diminuant le progrès escompté en termes de sécurité. La Nouvelle-Zélande est le pays développé où les décès d'enfants par noyade dans la piscine familiale sont le plus nombreux. Elle a adopté dès 1987 une loi rendant obligatoires les barrières. Le nombre de morts annuels est passé de 11 avant la loi à 4 ensuite (ce qui fait tout de même l'équivalent de 65 décès, ramené à la population française, car la Nouvelle-Zélande compte seulement 3,8 millions d'habitants). Ce résultat correct, mais jugé décevant par les Néo-Zélandais, a été obtenu avec le renfort de campagnes d'information répétées.
Les lois ne peuvent pas tout, en particulier quand elles sont adoptées dans la précipitation. En France, quelques spécialistes avaient demandé une évaluation sérieuse de l'efficacité des différents dispositifs de sécurité qu'il était question de rendre obligatoires, et un effort renforcé de sensibilisation du grand public. Il serait peut-être temps de les écouter.