ACTUALITÉ
Prêts immobiliers

Frais de courtage abusifs

Des courtiers en crédit, dont certains font partie du réseau Meilleurtaux, facturent des sommes élevées à leurs clients sans les avoir correctement informés, comme le prévoit la loi.

Sale temps pour les courtiers immobiliers : qu’ils appartiennent à une enseigne ou qu’ils soient indépendants, ils ont vu leur chiffre d’affaires dégringoler. La raison ? Dans le contexte actuel d’inflation galopante, les banques ont consenti moins de prêts aux ménages. Et plusieurs d’entre elles ont décidé de cesser de travailler avec ces intermédiaires. Certains n’ont pas résisté et ont déjà mis la clé sous la porte. D’autres ont trouvé un moyen de pallier le manque à gagner… plus que contestable.

Les frais de courtage en crédit immobilier ne sont dus qu’après le déblocage des fonds ou la signature de l’acte notarié (art. L. 321-2 du Code de la consommation). Une règle qui a été respectée durant des années. Or, depuis quelques mois, des clients se voient présenter des factures entre 1 000 et 3 500 € alors qu’ils n’ont pas encore souscrit de prêt.

En guise de justification, ces courtiers s’appuient sur la directive européenne 2014/17. Ce texte leur accorde le droit de délivrer, indépendamment de la mise en relation avec un établissement bancaire, un service de conseil. Ils peuvent être rétribués à ce titre ; ce n’est pas illégal. À condition d’annoncer explicitement au consommateur qu’il sera obligé de le régler, même en cas de rejet de son dossier de crédit. Contactée par Que Choisir, la direction de Meilleurtaux affirme que « les deux mandats sont autorisés par la loi. L’avantage pour les clients est que les honoraires du mandat de conseil ne sont pas pris en compte dans le calcul du taux d’usure. Mais peut-être certains professionnels le leur ont-ils mal expliqué ».

Éléments trompeurs

Quoi qu’il en soit, les dossiers d’emprunteurs qui nous ont été adressés révèlent une méthode de facturation bien peu transparente. Le consommateur n’est, en effet, pas toujours informé de l’existence de cette seconde prestation, et encore moins qu’il sera contraint de la payer, qu’il obtienne son prêt ou non.

Des échanges d’e-mails entre un courtier et un client que nous avons consultés montrent que seule la signature d’un mandat de recherche est évoquée. Jamais celle d’un mandat de conseil. Dans les contrats Meilleurtaux que nous analysons, le mandat de recherche est détaillé sur les cinq premières pages. Y sont mis en avant une « analyse et [une] comparaison des différentes offres disponibles sur le marché […] », ainsi qu’une « présentation des solutions de prêt proposées et leurs caractéristiques ». Ce n’est qu’à la sixième page que l’on tombe sur un document intitulé « Étude en vue de la remise d’une recommandation personnalisée ». Le terme « mandat » n’y figure pas. Difficile donc de comprendre que l’on devra acquitter deux fois un service d’apparence identique, sauf si le courtier le signale clairement. Sans compter que « l’étude » se résume souvent… à un simple récapitulatif des simulations de financement. Sans plus de précision ni aucune indication du coût global du crédit (TAEG), du prix de l’assurance emprunteur et des mensualités assurances comprises. Le comble ? L’« étude » cite parfois des banques qui ne collaborent plus avec le réseau !

Dernier point discutable, le mandat de conseil implique que le courtier soit indépendant. Pourtant, certains font signer deux mandats, bien qu’ils soient commissionnés par une banque. En plus, Meilleurtaux exonère ces honoraires de conseil de TVA alors que la loi ne le permet que pour la recherche de crédit. Si l’administration fiscale risque de pas apprécier, c’est encore le consommateur qui fait les frais de telles pratiques.

Mise à jour du 28 août 2023 : Droit de réponse de Meilleurtaux

« Meilleurtaux œuvre depuis plus de 20 ans au pouvoir d’achat et à la liberté de choix des consommateurs, sans recevoir aucune subvention publique. Nous ne pouvons accepter de voir ainsi notre probité mise en cause.
Il est exact que nous avons mis en place, au sein de nos équipes crédit immobilier, un contrat de conseil accessoire à la recherche de financement, compte tenu des limites liées au taux d’usure et afin de permettre à nos clients d’accéder à la réalisation de leurs projets, tout en garantissant à nos conseillers une légitime rémunération.
Ce dispositif est transparent pour les clients et fait l’objet d’une information précontractuelle et de la signature d’un contrat avant l’exécution de la prestation.
Depuis la mise en place de ce dispositif, la consigne pour l’ensemble de nos équipes a toujours été de ne jamais facturer d’honoraires de conseil en dehors de la réalisation d’un prêt, et ce alors même que la loi l’autorise. Plusieurs formations ont d’ailleurs été organisées au cours desquelles cette règle a été précisée et rappelée de manière très explicite. 
Nous n’avons à ce stade été saisis par nos clients d’aucune réclamation laissant entendre que cette consigne n’aurait pas été respectée.
Toutefois, si des cas contraires ont été portés à la connaissance d’UFC que choisir, Meilleurtaux demande à cette organisation, en accord avec les clients concernés, de les lui transmettre. Les clients seront bien entendu remboursés afin que la politique mise en place par Meilleurtaux soit pleinement respectée par l’ensemble des conseillers. »

La réponse de Que Choisir

Que Choisir maintient l’intégralité des informations de fond délivrées dans son article. La dénonciation des pratiques abusives de certains courtiers est étayée par les documents écrits explicites (mandats, factures, échanges de mails) et les témoignages de consommateurs recueillis par Que Choisir. Ces éléments nous ont permis de constater que, dans les plaintes étudiées, le nouveau dispositif de « contrat de conseil accessoire à la recherche de financement », mis en place par Meilleurtaux, n’est pas présenté de façon transparente par certains courtiers. Ce réseau a par ailleurs été contacté par Que Choisir et a pu s’exprimer. Les arguments qu’il nous a fournis n’ont pas contredit les éléments obtenus montrant un défaut d’information claire concernant la facturation. Nous notons bien, cependant, que Meilleurtaux se déclare aujourd’hui prêt à rembourser les clients si « des honoraires de conseil ont été facturés en dehors de la réalisation d’un prêt ».

Que Choisir précise, par ailleurs, que l’article L. 321-2 du Code de la consommation (« aucun versement d'argent ne peut être exigé d'un particulier, avant l'obtention d'un ou plusieurs prêts »), indiqué dans notre texte, est abrogé depuis 2016. Le bon article, posant la même interdiction, est désormais l’article L. 519-6 du Code monétaire et financier. 

Élisa Oudin

Élisa Oudin

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