Marie-Noëlle Delaby
MueslisDes recettes parfois surprenantes !
Les mueslis du commerce sont parfois peu conformes à l’image saine et simple qu’on leur attribue. Certains fabricants n’hésitent pas à mettre en cadeau bonus de drôles d’ingrédients dans leurs paquets de céréales ! Petit florilège…
Des flocons de céréales, des fruits frais, des graines, et c’est tout ! Rien de plus simple que la recette originelle du muesli créée au tout début du XXe siècle par le Dr Bircher. Une recette que ce médecin nutritionniste suisse disait inspirée de l’alimentation des montagnards vivant dans les Alpes, fondée sur un petit nombre d’ingrédients : avoine, pommes, noix... 120 ans plus tard, si le muesli conserve une image saine, l’industrie agroalimentaire y a mis son grain de sel, de sucres et d’additifs. Et force est de constater que tous les paquets sont loin de présenter une composition aussi simple et saine qu’à l’origine.
Quand les sucres ne disent pas leur nom…
Certains mueslis présentent dans leur liste d’ingrédients du sirop de glucose ou de l’extrait de malt d’orge (ou sirop de malt d’orge). Ces deux ingrédients se présentent sous la forme d’un liquide transparent et épais ou de poudre soluble. On parle à leur sujet d’aliments ultratransformés ou « crackés », le cracking consistant à fractionner par différentes opérations (utilisation d’enzymes, hautes températures, filtrations) une matière première (blé, maïs, orge) en plusieurs ingrédients. Si l’on prend l’exemple du blé, la farine raffinée constitue sa première étape de transformation. Puis cette farine peut être fractionnée en amidon et en gluten. Enfin l’amidon peut lui-même servir de substrat à la production de sirop de glucose. Le même procédé permet d’obtenir à partir d’orge du sirop de malte d’orge. Ces ingrédients dits technologiques sont appréciés des industriels car ils possèdent des propriétés particulières (texturant, stabilisant, hydratant). Ainsi le sirop de glucose et le sirop de malt d’orge ont un pouvoir sucrant (inférieur à celui du saccharose) et jouent également un rôle d’agent de texture, prévenant notamment la formation de cristaux de sucre.
Mais ces multiples transformations ne sont pas sans effet sur la structure moléculaire de ces ingrédients. Ce qui pourrait entraîner un « effet matrice » délétère pour la santé selon les scientifiques. En effet, à composition identique en nutriments, deux aliments avec des structures moléculaires différentes n’auront pas le même effet sur l’organisme. L’effet matrice influe notamment sur la mastication, l’assimilation des nutriments, la satiété, l’index glycémique et la sécrétion hormonale. Des études ont notamment montré que le sirop de glucose induit des pics de glycémie (taux de sucre dans le sang) plus élevés que le sucre blanc, ce qui favoriserait l’obésité.
Par ailleurs, certains mueslis de notre test (Muesli abricot et graines de courge de W.K. Kellogg et le Golden Muesli Amandes, noisettes et raisins de Quaker) s’annoncent comme « sans sucre(s) ajouté(s) » mais contiennent tous deux de l’extrait de malt d’orge. Cet ingrédient a pourtant un pouvoir sucrant non nul mais il est aussi utilisé pour changer la couleur ou la texture d’un produit. D’un point de vue réglementaire, si le fabricant déclare à l’occasion d’un contrôle l’utiliser pour ses propriétés colorantes ou texturantes, il peut donc théoriquement clamer l’absence de sucre ajouté. Un trou dans la raquette qui ne manque pas de sel !
Fibres ajoutées : quel intérêt ?
Composés de céréales complètes et de fruits secs, les mueslis sont généralement de bonnes sources de fibres. Ainsi tous les mueslis aux fruits que nous avons testés en contiennent au moins 4 g aux 100 g et plus de la moitié en fournissent plus de 6 g aux 100 g. Un bon point pour ces produits dans la mesure où la plupart des Français peinent à atteindre les apports journaliers recommandés en fibres qui sont d’au moins 25 g pour un adulte. Mais pour augmenter le taux de fibres de leurs produits, certains fabricants y ajoutent de l’inuline, généralement issue de la chicorée. L’inuline appartient à la famille des fibres solubles non digestibles qui atteignent intactes le côlon où elles sont métabolisées par la flore intestinale. Elles sont ainsi considérées comme des prébiotiques, censés favoriser le bon fonctionnement de nos intestins. Il a même été récemment démontré que l’inuline contribuait à la réduction de la prise de poids et permettait de prévenir le développement d’une inflammation intestinale. Mais en parallèle, des études pointent un effet cancérogène sur des rongeurs. Si ces travaux préliminaires doivent être confirmés, on peut d’ores et déjà douter de l’intérêt d’enrichir artificiellement en fibres des produits censés être composés de céréales complètes et de fruits… eux-mêmes source de fibres !
Drôle d’abricot !
Abricots, mangues, fraises…Les fabricants mettent en avant sur leur emballage la présence de fruits dans leurs mueslis. Mais hormis les raisins secs, ces ingrédients « nobles » sont généralement présents en faible quantité (souvent inférieurs ou égaux à 3 %). De plus, lors de nos analyses nous avons parfois constaté des écarts significatifs entre les pourcentages de fruits annoncés sur les emballages et les résultats quantifiés par le laboratoire (parfois bien inférieurs). Selon les fabricants, ces écarts pourraient notamment s’expliquer par le fait que certains fruits déshydratés se pulvérisent dans les paquets, n’étant plus quantifiables. Ces différences pourraient aussi être la conséquence des limites de l’homogénéisation des mélanges. Certes, il semble difficile voire impossible de garantir une parfaite répartition des ingrédients dans un sachet de céréales (les mélanges sont généralement effectués dans de grands récipients ou « batch » avant d’être répartis en sachets unitaires). Mais dans ce cas, où se trouvent les paquets avec « trop » de fruits ? Pas entre nos mains en tout cas…
Enfin, le Muesli abricot et graines de courge de W.K. Kellogg met en avant dans son nom la présence de ce petit fruit d’été. D’où notre surprise de voir figurer dans la liste d’ingrédients la présence d’« abricot formé ». Soit un mélange de concentré de purée d’abricot, de concentré de jus d’abricot, de concentré de jus de pomme, de farine de riz, de concentré de purée de pomme, de glycérine, de pectine et de concentré de jus de citron. De quoi décevoir les consommateurs qui s’attendaient à trouver dans leur muesli de véritables morceaux d’abricot !
Et si vous faisiez votre propre muesli ?
Réaliser son muesli soi-même n’est guère compliqué ni chronophage et s’avère la meilleure option pour limiter la présence d’ingrédients indésirables.
Pour cela, il vous faut :
- 1/3 de flocons de céréales (avoine, blé, sarrasin…). Ils sont source de fibres et sans sel, sucre ou graisse ajoutés. Les flocons sont en principe issus d’une céréale entière, c’està-dire dont on a juste ôté l’enveloppe non comestible pour conserver le son, l’amande et le germe. On les cuit ensuite légèrement à la vapeur afin de rendre digestible leur amidon et les stabiliser en neutralisant les enzymes. Puis on les lamine pour écraser le grain et ainsi obtenir un flocon qu’il ne reste plus qu’à sécher ou à toaster (passage bref au four) pour lui donner davantage de texture et de goût.
- 1/3 de fruits frais. Ils sont sources de vitamines, de fibres, de sucres et de saveurs. Si vous optez pour des fruits secs, divisez leur quantité par trois car ils concentrent les sucres.
- 1/3 de graines (amandes, noix, noisettes…). Pour apporter du croquant, de la saveur mais aussi des acides gras essentiels et des vitamines.
Avec le concours d’Anthony Bertou et Sibylle Naud, diététiciens.
Cécile Lelasseux
Rédactrice technique