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Étiquetage de l’origine des alimentsUn pas en avant, deux pas en arrière

Adoptée en première lecture à l’assemblée nationale le 24 juin, la proposition de loi dite « Egalim 2 » modifie en profondeur le Code de la consommation. Si l’article L. 412-4 indique toujours que l’indication du pays d’origine est obligatoire pour les produits alimentaires, il est désormais assorti d’une condition quasiment impossible à remplir et qui en réduit la portée à peau de chagrin. Pour le plus grand bénéfice des industriels qui se voient exonérés d’une clause contraignante et au grand dam des consommateurs une fois de plus privés du droit à l’information ! Comment en est-on arrivés là ?

Le diable est dans les détails. La proposition de loi du député La République en marche (LREM) Grégory Besson-Moreau, dite « Egalim 2 », confirme le célèbre adage. Censée pallier les lacunes de la loi Egalim 1 de 2018, elle a pour objectif principal la protection du revenu des agriculteurs, en rééquilibrant les relations commerciales entre les différents acteurs de la chaîne alimentaire. L’occasion aussi de glisser subrepticement, avec l’article 4, trois lignes qui modifient en profondeur l’article L. 412-4 du Code de la consommation qui instaure l’obligation d’indiquer le pays d’origine des produits alimentaires, à l’état brut ou transformé. Elles précisent en effet que cette indication n’est obligatoire que « s’il existe un lien avéré entre certaines de leurs propriétés, notamment en termes de protection de la santé publique et de protection des consommateurs, et leur origine ». Un bouleversement du cadre réglementaire français sur la délicate question de l’étiquetage de la provenance des produits alimentaires« Une condition quasiment impossible à remplir, s’insurge Alain Bazot, président de l’UFC-Que Choisir. Concrètement, cela revient, par exemple, à trouver un lien entre la couleur du lait et la région dont il provient. C’est un retour en arrière par rapport au texte actuel. On annonce un progrès pour mieux faire avaler une régression, car la véritable raison de cette rédaction alambiquée est le refus de l’industrie agroalimentaire de dissiper l’opacité régnant sur l’origine de ses approvisionnements. »

C’est le leader mondial des produits laitiers Lactalis qui a mis le feu aux poudres en 2018 en attaquant les dispositions du décret promulgué en 2016 imposant l’étiquetage de l’origine du lait en bouteille ou utilisé comme ingrédient dans les produits transformés. À la suite du scandale des lasagnes à la viande de cheval, le décret rendait aussi obligatoire l’origine de la viande dans les plats préparés. Des mesures justifées par l’amélioration de l’information donnée aux consommateurs et qui permettaient « aux producteurs de lait et de viande de voir la qualité de leurs produits pleinement reconnue et aux entreprises de transformation de valoriser la composition de leurs produits », selon le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation. Mais s’appuyant sur la législation européenne très sourcilleuse sur le risque de retour des comportements protectionnistes en matière de consommation, les avocats de la société normande ont demandé l’annulation de l’ensemble de ces mesures. 

Annulation de l’ensemble des décrets en vigueur

Pour donner suite à cette requête, le Conseil d’État a interrogé la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) sur la compatibilité du règlement français avec le droit européen. Celle-ci a statué par l’arrêt C-485/18 du 1er octobre 2020, en déclarant qu’un État membre ne peut imposer un tel étiquetage qu’à deux conditions cumulées : « que la majorité des consommateurs attache une importance significative à cette information » et qu’il existe « un lien avéré entre certaines propriétés d’une denrée alimentaire et son origine ou sa provenance », car elles introduisent une distorsion de la concurrence de nature à fausser le libre accès au marché de l’Union européenne. Suivant la décision de la Cour européenne, le Conseil d’État, par son arrêt du 10 mars 2021, a donc annulé l’ensemble des décrets en vigueur « relatifs à l'indication de l'origine du lait et du lait […] utilisé en tant qu'ingrédient […] », révoquant par là même la procédure expérimentale et dérogatoire obtenue par le gouvernement français. Débutée en 2017, l’expérimentation devait s’achever au 31 décembre 2021. Mais elle vient de connaître une fin anticipée, à la suite de l’action en justice entreprise par le géant du lait.

Le texte adopté en première lecture à l’Assemblée nationale le 24 juin vise donc à mettre en conformité la législation française avec les dernières décisions de la CJUE et du Conseil d’État. Un imbroglio juridique dont la France se serait bien passée. Reste qu’en adoptant cette nouvelle rédaction sous l’impulsion de la majorité LREM, le Parlement annule d’un trait des années d’avancées significatives dans le droit à l’information des consommateurs. Quant aux arguments avancés par Lactalis revendiquant la défense des producteurs français et attribuant la chute de ses ventes dans les pays du sud de l’Europe à l’indication « lait origine France » sur ses spécialités, ils sont pour le moins spécieux puisque cette mention restera obligatoire dans ces pays tant que les réglementations nationales concernées n’auront pas été modifiées à leur tour !

Florence Humbert

Florence Humbert

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